Hindenburg (Paul von Beneckendorff und von) (suite)
Le « président du Reich » (1925-1934)
Mis à la retraite en 1919 après avoir organisé le rapatriement de ses troupes, Hindenburg est l’objet, le 7 février 1920, d’une demande d’extradition de la part des Alliés pour avoir contrevenu aux lois de la guerre ; il est innocenté par le tribunal de Leipzig. Le 26 avril 1925, il est élu président du Reich avec 14 600 000 voix, grâce à l’appui de la droite, qui a suscité sa candidature pour réserver les possibilités d’une restauration monarchique qui aurait été compromise par le succès de Wilhelm Marx, candidat des weimariens.
Symbole de la grandeur du Reich, conservateur et monarchiste, homme d’ordre et de tradition, Hindenburg accepte néanmoins de respecter les règles que lui impose une Constitution républicaine, à l’esprit de laquelle il fait quelques entorses : autorisation de faire flotter l’étendard commercial de l’Allemagne aux couleurs impériales aux côtés de celles de la république au siège des représentations diplomatiques à l’étranger (mai 1926) ; admission dans la Reichswehr, à titre d’engagé provisoire, le 26 octobre 1926, du prince impérial Guillaume de Hohenzollern, fils du Kronprinz. Contribuant à sauver l’Allemagne de la catastrophe financière en obtenant du président Hoover le moratoire du 20 juin 1931, il est réélu le 10 avril 1932 avec 53 p. 100 des voix contre 36,8 p. 100 à Hitler. Soutenu par les républicains (socialistes ou catholiques) hostiles au chef du parti nazi, le chef de l’État renvoie pointant, dès le 31 mai, le chancelier Heinrich Brüning, auquel il doit son élection, mais à qui il reproche, en tant que propriétaire foncier, un vague projet de réforme agraire. Fortement influencé par le général Kurt von Schleicher, ami de son fils Oskar, il confie la chancellerie à von Papen, dont la légèreté facilite la montée de Hitler vers le pouvoir. Celle-ci ne sera pas plus empêchée par von Schleicher, que le président appelle à la chancellerie le 2 décembre 1932, mais auquel il refuse, le 29 janvier 1933, la dictature temporaire que celui-ci réclame pour briser le nazisme. Résigné, le vieux maréchal abandonne alors la chancellerie à Hitler le 30 janvier. Le destin de l’Allemagne et celui du monde sont dès lors scellés. Bien qu’il ait tenté de conserver le contrôle de la Reichswehr, Hindenburg est en fait prisonnier de Hitler. Ayant approuvé le discours de von Papen, qui, vice-chancelier, réclame, le 18 juin 1934, le retour à un état de choses normales, il ne peut empêcher Hitler de briser les opposants à sa politique lors de la « Nuit des longs couteaux » du 30 juin. Le 2 août, l’illustre vieillard meurt à Neudeck, ce qui permet à Hitler d’exploiter une dernière fois son prestige en faisant ensevelir son corps le 7 à Tannenberg et en faisant croire aux Allemands que le chef de l’État défunt lui a confié sa succession par testament, thèse qu’il fait plébisciter le 19 août par 88,9 p. 100 des électeurs inscrits.
P. T.
➙ Allemagne / Guerre mondiale (Première) / Hitler (A.) / Weimar (république de).
E. Ludendorff, Meine Kriegserinnerungen (Berlin, 1919). / P. von Hindenburg, Aus meinem Leben (Berlin, 1920 ; trad. fr. Ma vie, Charles-Lavauzelle, 1921). / T. R. Ybarra, Hindenburg, the Man with three Lives (New York, 1932 ; trad. fr. Hindenbourg, Gallimard, 1932). / R. Van Wehrt, Tannenberg. Wie Hindenburg die Russen schlug (Berlin, 1934 ; trad. fr. Tannenberg, août 1914, Payot, 1935). / E. Ludwig, Hindenburg (Zurich, 1935 ; trad. fr. Hindenburg ou la Révolution manquée, Plon, 1935). / J. Argueyrolles, le Coup de dés de Tannenberg (Nouvelle Revue critique, 1937). / A. Dorpalen, Hindenburg and the Weimar Republic (Princeton, 1964). / W. Hubatsch, Hindenburg und der Staat (Göttingen, 1966).