Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

accélérateur de particules (suite)

Donc, dans un bêtatron on produit un fort champ magnétique central à l’aide de pièces polaires adéquates (fig. 3). Mais il est essentiel de prendre des précautions particulières pour que la stabilité de l’orbite des électrons, qui feront des centaines de milliers, voire des millions de tours sur cette orbite, reste excellente. La décroissance radiale du champ magnétique est déterminée en conséquence, ainsi que la méthode d’injection des électrons. Ceux-ci sont contenus dans une chambre à vide toroïdale.

L’efficacité de la méthode est telle qu’avec un champ magnétique de 3 000 œrsteds sur la trajectoire de rayon de 5 cm on peut maintenir des électrons de 4 MeV. Les premiers bêtatrons étaient donc des machines d’encombrement modeste. De plus grands bêtatrons ont atteint et dépassé 100 MeV, mais, compte tenu surtout de la nécessité de compenser les pertes d’énergie des électrons dues au rayonnement qu’ils émettent lorsqu’ils parcourent à grande énergie une trajectoire curviligne, ces machines devenaient lourdes et complexes. Les synchrotrons à électrons, décrits plus loin, ont pris le relais dans la course vers les 1 000 MeV.


Accélération résonnante

L’accélérateur électrostatique crée en permanence un champ de forces tout le long de la trajectoire de la particule à accélérer. Cela exige donc des valeurs de potentiel très élevées. C’est G. Ising qui, dès 1924, a eu l’idée de ne recourir qu’à des valeurs relativement faibles de différences de potentiel, en assujettissant la particule à rencontrer cette différence de potentiel un grand nombre de fois au cours de sa trajectoire.

C’était la première esquisse d’un accélérateur linéaire à électrons à ondes progressives, où le champ accélérateur se propage de façon à être actif en chaque point de la trajectoire au moment où la particule s’y présente. Elle n’était pas techniquement praticable à l’époque, mais, trois ans plus tard, R. Wideröe démontrait la validité du principe du champ accélérateur ne s’établissant qu’au moment où la particule traverse un espace accélérateur, en faisant fonctionner un dispositif doubleur d’énergie où un oscillateur radio à la fréquence de 1 MHz produisait des potentiels alternatifs dans deux intervalles successifs d’accélération. La condition de résonance était que la distance entre les deux intervalles soit parcourue par la particule dans un temps égal à une période du champ alternatif.

E. O. Lawrence, après avoir évalué à plusieurs mètres la longueur d’un accélérateur linéaire à protons de 1 MeV, ce qui paraissait bien trop grand à l’échelle des laboratoires de l’époque, eut l’idée de faire passer la particule de nombreuses fois à travers un petit nombre d’espaces accélérateurs, le résultat étant obtenu en courbant les trajectoires par un champ magnétique. Le principe du cyclotron était découvert.


Le cyclotron

La fréquence f de rotation d’ions de masse m, de charge électrique e, placés dans un champ magnétique uniforme H, décrivant avec la vitesse v des trajectoires de rayon R définies par

est indépendante de v et R tant que les corrections relativistes sont négligeables, car

C’est la « fréquence cyclotron ».

On dispose deux électrodes creuses, semi-circulaires, face à face, séparées par un espace dans lequel s’établit un champ électrique alternatif. Les ions défléchis par un champ magnétique tournent à l’intérieur des électrodes et sont accélérés à chaque traversée de l’espace intermédiaire pourvu que le champ alternatif soit en résonance avec leur fréquence de rotation. Comme f ne varie pas avec l’énergie des ions, on peut utiliser un champ alternatif de fréquence fixe, égale à f. À chaque traversée, l’ion gagne un peu d’énergie et poursuit une trajectoire semi-circulaire de rayon un peu augmenté. L’ion a donc un trajet en spirale jusqu’à l’orbite de rayon extrême définie par les dimensions des pièces polaires du cyclotron, qui détermine l’énergie maximale à laquelle sortent les particules.

Avec un champ magnétique de 10 000 œrsteds, le champ alternatif de radiofréquence créant la différence de potentiel entre les électrodes a une longueur d’onde de 20 m. Un cyclotron classique de 1,5 m de diamètre produit des protons ou deutons d’une vingtaine de mégaélectrons-volts.

La course vers les énergies plus élevées est limitée par les corrections relativistes, qui, du fait de la variation de masse des particules (un proton de 20 MeV met 2 p. 100 de temps de plus à parcourir son orbite du fait de la correction relativiste), imposent de modifier la fréquence en cours d’accélération. La solution devait être trouvée grâce au principe de l’accélération synchrone pour la recherche d’énergies toujours plus élevées et par la méthode d’alternance des gradients de champ magnétique pour focaliser les faisceaux dans les « cyclotrons relativistes ».


Les accélérateurs linéaires

De semblables difficultés n’existent pas pour les accélérateurs linéaires, où les particules traversent une suite d’électrodes tubulaires mises alternativement en connexion avec les deux pôles d’une source de radiofréquence. Pour que les ions restent en résonance, la longueur des électrodes, qui représente la distance entre les espaces accélérateurs, augmente avec la vitesse des particules. La première tentative d’accélérer ainsi des ions par D. H. Sloan était limitée par le manque de sources convenables de puissance HF. Il a fallu les progrès des techniques d’hyperfréquence liées à la mise au point du radar pour que le premier accélérateur linéaire de protons utilisable soit mis en service par Luis W. Alvarez en 1946. Une cavité résonnante à 200 MHz était le siège d’ondes stationnaires, appliquant ainsi le champ électrique accélérateur entre les électrodes de longueurs croissantes qui servaient en même temps d’écran pour le parcours des particules durant les alternances décélératrices.

De nombreux accélérateurs linéaires à protons existent maintenant dans les laboratoires. Certains sont les injecteurs d’accélérateurs géants, au niveau de 50 MeV et même de 200 MeV pour les machines de 200 à 300 GeV en construction. Le dernier-né de la technique est l’accélérateur dont la mise en service est prévue pour 1972 à Los Alamos (États-Unis) : long de près de 1 km, il fournira un courant moyen de 1 mA de protons de 800 MeV et servira notamment de source extrêmement intense de mésons pi, ou pions. D’autres machines sont spécialement conçues pour l’accélération d’ions lourds.