Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hibernation (suite)

Interprétation

Pour certains biologistes, les hibernants seraient des animaux à caractères primitifs, intermédiaires entre les animaux à sang froid et les Mammifères à sang chaud et à température constante.

Pour d’autres, au contraire, ce seraient des animaux évolués, capables de maîtriser leur possibilité d’avoir une température constante et effectuant suivant leurs besoins le réglage d’un véritable « thermostat biologique » parfaitement au point.

Ces deux hypothèses peuvent se concilier, mais en tout cas les modifications physiologiques et écologiques des hibernants leur ont permis de s’adapter à certains milieux. La forte proportion d’hibernants dans la faune des petits Mammifères des régions subarctiques montre que ces dispositions ont dû jouer un grand rôle pour le peuplement des zones à climats extrêmes, absolument inhabitables sans cette adaptation physiologique providentielle.

P. B.

 R. Hainard, Mammifères sauvages d’Europe, t. II : Pinnipèdes, rongeurs, ongulés, cétacés (Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1949 ; 2e éd., 1962). / P.-P. Grassé (sous la dir. de), Traité de zoologie, t. XVII : Mammifères (Masson, 1955 ; 2 vol.). / M. Eisentraut, Aus dem Leben der Fledermäuse und Flughunde (Iéna, 1957). / M. Fontaine (sous la dir. de), Physiologie (Gallimard, « Encyclopédie de la Pléiade », 1969).


L’hibernation artificielle

L’hibernation artificielle est un état comparable, dans une certaine mesure, à celui des animaux hibernants, mais elle est le résultat d’un traitement. Son but est le même que celui des animaux hibernants : l’hypométabolisme, l’économie des ressources de l’organisme, dans une période difficile au cours de laquelle l’apport énergétique extérieur normal ne peut pas être procuré.

L’Homme ne peut pas se mettre en état de vie ralentie par ses propres moyens ; l’hibernation qu’il peut subir n’est donc que le résultat d’une thérapeutique complexe.

L’objectif global est la préservation de l’homéostasie, l’équilibre des constances physiologiques. Les mécanismes régulateurs impliqués ont été étudiés les uns après les autres, et le rôle de chaque système est maintenant assez bien connu. Mais leur efficacité est limitée, et par conséquent les facultés de rétablissement de l’homéostasie compromise — par exemple par une maladie et/ou une blessure grave — ne sont pas infinies. La première idée venue aux anciens thérapeutes a été d’utiliser les apparentes vertus du froid, mais celui-ci ne s’est montré de quelque intérêt que dans la réfrigération des membres avant l’amputation.

• L’hypothermie générale est très différente ; elle est très utile en chirurgie et particulièrement en chirurgie majeure, cardiaque notamment, et sous circulation-respiration artificielle. Mais elle n’est exploitable que sous anesthésie générale ou après un traitement capable d’annihiler les réactions de l’organisme au froid, lesquelles suffisent, comme on le sait, à épuiser toutes les ressources.

• Dans l’hibernation artificielle, la température corporelle s’abaisse, certes, mais c’est parce que l’hypométabolisme diminue la production de chaleur. L’inverse n’est pas vrai : on ne peut pas refroidir en plaçant le corps dans un liquide froid par exemple.

Les thérapeutiques classiques (le « choc » thérapeutique, par exemple) cherchaient à reculer les limites au-delà desquelles les régulations physiologiques deviennent inopérantes. Parfois, elles agissaient comme les coups de fouet sur un cheval fourbu. Celui-ci succombe souvent dans un dernier effort. Mieux vaut le laisser reposer, le nourrir, soulager sa souffrance. H. Laborit a pu écrire, d’après Cannon : « L’augmentation artificielle de la puissance des moyens dits « de défense physiologique de l’organisme » aboutit à un échec en cas d’agression grave. » En fait, il ne s’agit plus de réagir ou d’aider à la réaction, mais, au contraire, de se soumettre, et même de forcer la soumission, comme le font les vrais hibernants devant le froid excessif.

Les première études ont été faites sur le choc hémorragique. La saignée, dans des conditions bien définies, amène la mort chez les animaux non préparés, alors que, chez ceux à qui la même quantité (proportionnellement à leur poids) est soustraite après mise en hibernation pharmacologique, la survie est la règle.

• L’hibernothérapie est l’expression thérapeutique de l’hibernation artificielle : elle a pour but la guérison hors la chirurgie. Les agressions les plus diverses — thermiques, chimiques, microbiennes — en seraient justiciables si les drogues grâce auxquelles on provoque la soumission, la levée des résistances, étaient parfaites. Les chimistes et les pharmacologistes travaillent actuellement sur plusieurs milliers de produits. Les indications doivent encore en être soigneusement pesées. Dans un nombre de cas pour le moment limité, il est possible de ralentir les processus « onéreux » (du moins les mieux connus) de telle manière que le sujet devienne incapable de brûler ses dernières forces. C’est l’anesthésiologiste qui prend alors à sa charge la responsabilité de l’entretien des fonctions vitales, en suppléant les systèmes mis en sommeil. Très brièvement, on peut dire qu’il assure la ventilation pulmonaire et l’oxygénation, qu’il reconstitue une masse sanguine adéquate, qu’il veille au bon fonctionnement des émonctoires, tout en fournissant le nutriment énergétique, minéral, vitaminique indispensable en protégeant les organes exposés et délicats tels que les yeux, les téguments subissant des pressions excessives : talons, région sacrée, dos, épaules.

En biologie médicale courante, la vie au ralenti, sans modification notable de certaines activités primordiales, elles-mêmes assez lentes, permet à un organisme à bout de souffle non seulement de survivre, mais de réparer les dommages causés par les agressions. En extrapolant, on pense que cette méthode, adaptée aux circonstances du vol spatial, permettra à des êtres humains (dont la durée de vie est normalement trop brève, dans la meilleure hypothèse, pour une exploration des planètes lointaines) de ralentir le cours de l’existence, d’arriver au but avant que la sénescence ait fait son œuvre et d’accomplir des missions dont nous n’avons encore qu’une idée très vague.