Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hesse (suite)

Odenwald et Spessart prolongent, au-delà de la dépression du Kraichgau, la Forêt-Noire. Les deux massifs ne sont séparés que par la vallée encaissée du Main. Le Hessisches Bergland, ou montagne hessoise, est un ensemble de moyennes montagnes traversées par deux dépressions dont l’une passe à l’ouest du Vogelsberg (Westhessische Senke) et l’autre, moins importante, à l’est de ce massif (Osthessische Senke). Trois traits dominants caractérisent ces régions. Les éléments montagneux gréseux prolongent les zones semblables de l’Allemagne du Sud. De puissantes venues volcaniques tertiaires encombrent les dépressions, donnant de véritables montagnes (Rhön et Vogelsberg). Enfin, sur le plan tectonique, la prédominance de la direction rhénane est fondamentale. La dépression centrale, constituée par la Wetterau et les Hessische Senken, n’est que le prolongement du fossé rhénan. Le Taunus est un élément du Massif schisteux rhénan. Le contact avec la dépression se fait par un gigantesque plan incliné emprunté par l’autoroute Francfort-Cologne. Sa masse forme abri contre les vents froids du nord.

La croissance démographique a été remarquable, surtout après 1945. En 1939, la population dans le Land actuel ne s’élevait qu’à 3,5 millions d’habitants. L’immigration est largement responsable de cet accroissement. Jusqu’en 1959, le Land a reçu de l’Est 879 000 expulsés et 342 000 réfugiés. L’excédent des arrivées sur les départs se monte en moyenne à une quarantaine de milliers de personnes par an. Sur le plan religieux, les protestants constituent approximativement les deux tiers de la population.

L’agriculture occupe moins de 8 p. 100 des actifs ; l’industrie, la moitié ; le commerce, les transports et les communications, 17 p. 100 ; les autres services, le quart. La prépondérance industrielle se répercute sur la répartition de la population ; 26 p. 100 des habitants vivant dans les communes de moins de 2 000 habitants, 35 p. 100 dans celles de 2 000 à 20 000, 11 p. 100 dans les villes de 20 000 à 100 000 habitants, et 28 p. 100 dans celles de plus de 100 000 habitants.

Le travail industriel repose sur une vieille tradition. Géographiquement, l’industrie présente deux aspects. Dans les parties montagneuses, elle garde souvent encore un aspect rural. Par contre, dans le secteur rhénan, elle est le fait des grandes villes, des concentrations urbaines. L’industrie de transformation domine : biens d’équipement, machines et véhicules, produits chimiques, pharmaceutiques et alimentaires. Les villes sont les grands foyers industriels : Francfort* (près de 700 000 hab.), Wiesbaden (262 000), Kassel (215 000), Darmstadt (140 000), Offenbach (118 000). La région de programme du Main inférieur groupe plus de 1,7 million d’habitants recensés dans le Land et plus de 700 000 emplois industriels. Quelques grandes firmes émergent : Hoechst (Francfort), Opel (Rüsselsheim), Caltex (confluent Rhin-Main).

Le climat favorise les vallées et dépressions, où l’on peut cultiver le tabac et la betterave sucrière. La région de Francfort (Wetterau et Rheingau) est privilégiée. Les 887 mm de précipitations annuelles tombent en 92 jours seulement. Le nombre de jours de gel est limité à 32 par an. L’agriculture est aux mains de petits et moyens exploitants, généralement propriétaires. La Wetterau est un véritable grenier à céréales, grâce à ses sols lœssiques. Mais le plus souvent on associe aux céréales les cultures sarclées en vue de l’élevage bovin laitier. Bergstrasse (versant occidental de l’Odenwald) et Rheingau sont des régions viticoles réputées. Le Rheingau compte les crus les plus célèbres d’Allemagne (Rüdesheim et Eltville).

Le tourisme repose sur la vallée du Rhin, les vignobles et la moyenne montagne. La navigation de plaisance prend de l’importance à partir de Mayence-Wiesbaden. La moyenne montagne est très riche en stations thermales (Bad Schwalbach, Bad Homburg, Bad Nauheim dans le Taunus ; Bad Hersfeld dans la vallée de la Fulda, Bad Sooden dans celle de la Werra, etc.).

F. R.


L’histoire

Le pays, habité peut-être à l’époque romaine par les Chattes, fut d’abord le coin septentrional du limes (entre Lahn et Main). Il est probable qu’à l’époque carolingienne s’y rencontrèrent les influences irlandaises, romaines et aryennes, et que la célèbre « évangélisation » par saint Boniface* fut un processus plus complexe qu’il n’apparaît.

Unie pendant de longues années étroitement à la Thuringe, la Hesse devint au xive s. un landgraviat et connut une histoire faite de partages et de réunifications successifs, cependant que sur le pourtour et dans les vallées de la montagne se constituaient de nombreuses principautés féodales (dont la plus célèbre fut Nassau) ; les terres d’Église restaient peu étendues (sauf en ce qui concerne l’abbaye de Fulda, important centre catholique encore de nos jours), mais l’impérialisme de l’archevêque de Mayence menaçait les princes laïques.

Après avoir connu une époque de gloire au milieu du xvie s., au temps d’une première importante réunification, lorsque Philippe le Magnanime (1504-1567) cherchait une voie moyenne de la Réforme entre luthéranisme et zwinglianisme et s’opposait aux Habsbourg à la tête de la ligue de Smalkalde, la Hesse se trouva en 1567 une fois de plus partagée en deux États ennemis : Hesse-Cassel (Hessen-Kassel) au nord (plutôt réformé) et Hesse-Darmstadt (Hessen-Darmstadt) au sud (plutôt luthérien). Pendant le xviie et le xviiie s., les deux États s’illustrèrent par une intense vie intellectuelle (universités de Giessen et de Marburg) et spirituelle (nombreuses sectes) ainsi que par le développement de puissantes armées, qui fit particulièrement de la Hesse-Cassel un des grands exportateurs de soldats du Saint Empire (en concurrence vive avec le Wurtemberg et le Palatinat).

L’époque napoléonienne consolida les deux États en leur procurant d’importants gains territoriaux, en donnant la dignité électorale à la Hesse-Cassel et en introduisant les lois françaises. La période après 1815 fut marquée par de nombreux et violents conflits entre les conservateurs (der hessische Zopf) et les libéraux ou démocrates. S’étant ralliés à l’Autriche, les deux États payèrent leur défaite en 1867 : la Hesse-Cassel devint prussienne et fut incorporée à la province de Hesse-Nassau en 1868 ; la Hesse-Darmstadt, appartenant au Zollverein dès 1828, ne perdit que quelques territoires et garda ses acquisitions rhénanes de 1815 (Rheinhessen) ; ce fut jusqu’en 1945 un Freistaat ; à l’époque de Weimar, les deux Hesses, surtout la Hesse-Darmstadt, connurent de vifs affrontements entre la NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiter-Partei) et ses adversaires, mais donnèrent en juillet 1932 une forte majorité aux nationaux-socialistes (Nationalsozialisten).