Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Ampère (André Marie) (suite)

L’homme

Une figure ronde et poupine, qu’encadre un collier de barbe, un nez trop court, des yeux globuleux de myope, des sourcils rares, tel est l’aspect débonnaire et lourdaud de notre homme. Pourtant, quel feu intérieur se révèle lorsqu’il est pris par une idée ! Quand son intérêt s’est fixé sur un sujet, Ampère sait s’abstraire de tout le reste. C’est au compte de cette concentration de tout son être sur l’objet de ses recherches qu’il convient de mettre sa distraction légendaire : il lui arrive, au tableau noir, d’employer son écharpe pour effacer les signes tracés à la craie et d’user du torchon en guise de mouchoir. Un jour, il ramasse un caillou dont il admire la couleur ; puis, pensant qu’il a un cours, il sort sa montre pour regarder l’heure ; pressé, il glisse le caillou dans son gousset et jette la montre dans la Seine. Chacun connaît aussi l’anecdote du savant courant après un fiacre pour tracer sur le dos du véhicule des formules mathématiques.

Candide et bon, profondément sensible, ouvert à tout ce qui est nouveau, soucieux du bonheur de ses semblables, Ampère révèle son amour de l’humanité en écrivant : « Je posséderais tout ce que l’on peut désirer au monde pour être heureux, il me manquerait tout : le bonheur d’autrui. »

Quelques mots d’Ampère

« Perfectionner moi-même et les hommes, voilà l’idée que j’ai toujours devant les yeux et fixée dans mon esprit. Je ne veux ni travailler, ni sentir, ni composer qui ne vise là ! »

« Quelle gloire attend celui qui mettra la dernière pierre à l’édifice de la physique moderne ; quelle utilité ne doivent pas en espérer les arts les plus nécessaires à l’humanité ! »

« Heureux ceux qui cultivent une science à une époque où elle n’est pas achevée, mais quand sa dernière révolution est mûre ! »

R. T.

 L. de Launay, le Grand Ampère (Perrin, 1925).

amphibies (opérations)

Opérations qui ont pour objet de débarquer de vive force des unités terrestres sur un territoire côtier occupé par l’ennemi.



Introduction

Les opérations amphibies sont aussi vieilles que la guerre. Au xve s. av. J.-C., le pharaon égyptien Thoutmès III lança de la mer plusieurs expéditions victorieuses contre la Syrie ; les Grecs, puis les Byzantins y excellèrent dans la mer Égée. Les croisés du Moyen Âge utilisèrent des navires de transport à fond plat appelés huissières : grâce à une large porte (huis) ménagée dans la coque, les cavaliers pouvaient sortir à cheval du navire échoué sur une plage. Durant les deux guerres mondiales, les opérations amphibies connurent des fortunes diverses. Si les Dardanelles (1915) demeurent l’exemple type de l’échec, la situation stratégique née en 1940-1942 de l’occupation totale de l’Europe par Hitler comme de celle d’une grande partie du Pacifique par le Japon obligea les Alliés à concentrer tous leurs efforts sur les opérations de débarquement : leur réussite était devenue la condition première de la victoire. Aussi, les succès qu’ils obtinrent de 1943 à 1945 en Italie, en France et dans le Pacifique demeurent-ils, par la qualité technique et tactique de leur préparation et de leur exécution, des modèles du genre. Une place de choix doit cependant être réservée à la bataille des plages de Normandie, où, du 6 au 8 juin 1944, 5 000 navires réussirent à mettre à terre 160 000 hommes.

Cet essor prodigieux des opérations amphibies ne fut toutefois possible que par l’intervention d’un troisième élément, l’aviation, qui apportait à la fois sa protection et la puissance considérable de son feu. Toute attaque amphibie est en effet une action de force dont le succès est conditionné par un surcroît de puissance appliqué à un ennemi solidement retranché et en possession de tous ses moyens. La priorité fut toujours donnée au débarquement en « rase campagne », la conquête des ports adverses n’étant envisagée que dans un deuxième temps.

Sur le plan technique, la difficulté résidait d’abord dans la mise au point d’une gamme de moyens très spécialisés, qui comprenaient aussi bien des navires capables de débarquer des troupes et du matériel que des véhicules et des engins amphibies susceptibles d’assurer immédiatement un appui de feu et le ravitaillement indispensable au soutien de l’action. C’est de cette double nécessité que sont nés les bâtiments spécifiques de débarquement ainsi que la série innombrable des véhicules amphibies.


Les bâtiments amphibies de débarquement

Le problème posé par leur construction est particulièrement complexe, puisqu’il faut concevoir un navire capable de déverser sur une portion de côte des unités combattantes qui, destinées à être engagées en mettant pied à terre, doivent disposer immédiatement de tout leur armement, y compris leurs blindés. L’idéal est donc de disposer de bâtiments qui viennent s’échouer directement sur la plage et qui puissent débarquer leur chargement presque instantanément. Le bâtiment de débarquement doit donc posséder un certain nombre de caractéristiques, notamment un fond plat pour permettre l’échouage, un faible tirant d’eau surtout à l’avant, une étrave ouvrante avec rampe ou porte rabattables. Un immense effort de construction fut accompli par les États-Unis, qui engagèrent de 1942 à 1945 plus de 20 000 navires de débarquement de modèles les plus divers.


Le transport du personnel

L’objectif final consiste toujours à mettre à terre des sections ou commandos d’infanterie pour conquérir une plage et ses abords immédiats. Ces premières vagues emploient des petits chalands capables de se glisser entre les obstacles qui n’ont pas été détruits par les bombardements préalables. Ce sont les LCA (Landing Craft Assault) de conception anglaise, engins bas sur l’eau et munis de moteurs à essence silencieux, ou les LCVP (Landing Craft Vehicle Personal) américains, qui, plus robustes, peuvent emporter une jeep et sa remorque. Derrière ce premier échelon interviennent aussitôt les LCI (Landing Craft Infantry), qui transportent une centaine de combattants et sont équipés de passerelles spéciales mobiles, installées de part et d’autre de l’étrave.