Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Henri II Plantagenêt

(Le Mans 1133 - Chinon 1189), duc de Normandie (1150-1189), comte d’Anjou (1151-1189), duc d’Aquitaine (1152-1189) et roi d’Angleterre (1154-1189).



Les héritages

Henri Plantagenêt, fils de l’impératrice Mathilde et du comte d’Anjou, Geoffroi V Plantagenêt, est investi du duché de Normandie* par son père dès 1150. Comte d’Anjou, du Maine et de Touraine à la mort de ce dernier, en 1151, et duc de Poitou et d’Aquitaine grâce à son mariage avec Aliénor d’Aquitaine en 1152, le jeune prince devient enfin roi d’Angleterre en 1154, à la mort d’Etienne de Blois, qui a fait de lui son héritier en vertu d’un accord conclu en 1153.


Le personnage

Henri II règne dès lors sur un immense empire anglo-angevin, s’étendant des frontières de l’Écosse à celles de l’Espagne, et nul ne paraît plus qualifié que lui pour mettre fin à l’anarchie anglaise. Fidèle à l’Anjou (il se fera enterrer à Fontevrault), ignorant l’anglais, Henri II « roi français d’Angleterre » est en effet l’un des plus grands souverains qui aient régné sur ce pays. Doté d’une solide instruction, notamment en matière juridique, parlant à la fois le français et les langues méridionales, connaissant le latin, il est tout à la fois un remarquable administrateur, un excellent juriste et un bon chef de guerre.


L’administrateur

Dès son avènement en Angleterre, Henri II procède à la récupération des terres du domaine et des droits régaliens aliénés par son prédécesseur, imposant la destruction des forteresses abusivement construites. Il entreprend également de réorganiser le gouvernement du royaume.

Restreinte aux officiers des services centraux, la Curia regis (cour du roi) en redevient l’organe essentiel. Clercs d’origine normande pour la plupart, tels les chanceliers Thomas Becket (1156-1162), Raoul de Wanneville et Geoffroi, fils bâtard du roi, ou les grands justiciers Richard de Lucé et Renouf de Glanville, ces officiers fidèles sont chargés par Henri II de diriger les sections spécialisées qui se dégagent, plus rapidement qu’en France, de la Curia regis, dont l’Hôtel, avec ses annexes — Chambre du roi et Garde-robe —, reste le cœur.

Ainsi s’individualisent rapidement la Chancellerie, l’Échiquier, que le trésorier Richard Fitz-Neel dédouble en Cour des comptes (Haut Échiquier) et en Trésorerie (Bas Échiquier), enfin la Curia regis, qui se développe en une cour de justice jouant le rôle d’un tribunal ordinaire pour tout le royaume et dont émanent de nouvelles institutions judiciaires : celle des « juges itinérants », qui tiennent régulièrement à partir de 1176 des sessions solennelles de cour de comté, érigée pour un temps en cour du roi, en voyage ; celle des cinq juristes de la capitalis Curia regis (ou Banc du roi), créée en 1178 et qui accompagne souvent le roi en voyage ; celle, enfin, de la Cour des plaids communs, qui, du fait du nomadisme de la précédente, devient sous la présidence du grand justicier l’organe permanent de la justice royale, siégeant à Westminster.

Au niveau local, la centaine (hundred) et surtout le comté sont réorganisés. Au sein de la première, l’assise de Clarendon de 1166 attribue un important pouvoir de police aux douze legaliores homines. À l’intérieur du second, l’autorité d’Henri II se fait directement sentir depuis que l’enquête faite par les juges itinérants en 1170 a abouti à la destitution en masse des shérifs et à leur remplacement par des officiers issus de la classe moyenne, formés dans la Curia regis et dépositaires localement de tous les pouvoirs royaux, dont ils usent pour affaiblir la noblesse.


Le législateur

Juriste sans doute éminent, Henri II promulgue les assises, qui remodèlent la législation de son empire dans le cadre d’une procédure et d’une jurisprudence de portée générale.

De caractère judiciaire, les assises de Clarendon (1166) et de Northampton (1176) abolissent tous les privilèges assurant l’impunité aux malfaiteurs. Dans le même esprit, l’« assise de nouvelle dessaisine » (1166?), l’« assise de mort », l’« assise d’amnistie » (1176?), l’« assise du dernier présentement » substituent systématiquement les règles de la loi à l’arbitraire des justices féodales, assurent une justice plus rapide aux plaignants, protègent les tenanciers contre toute saisie arbitraire de leur propriétaire, enfin, la « grande assise » (1179) interdit au baronnage d’intenter sans bref royal un procès en dessaisine de tenure libre et permet au défendeur de refuser le duel judiciaire en acceptant de recourir à la sentence d’un jury de voisins, dont Henri II fait une institution judiciaire régulière.

De caractère financier, par contre, l’« assise de la forêt » (1184) soustrait au droit commun, pour les seuls plaisir et profit du souverain, bois, landes, pâtures et même terres de culture dans et hors du domaine royal : ainsi, le roi augmente-t-il très considérablement les ressources de son domaine, ordinairement affermées aux shérifs. Il les accroît en outre des revenus de son empire continental ainsi que du produit des nombreux impôts indirects (coutumes portuaires et de marché) ou directs qu’il lève très fréquemment sur ses sujets, tel l’écuage, taxe de remplacement du service militaire qu’il perçoit sept fois sur les fiefs des chevaliers. Il dispose ainsi de moyens financiers lui permettant d’entretenir une puissante armée : l’« assise des armes » (1181) impose à tous ses sujets nobles et libres la possession d’un équipement plus ou moins complet.


Politique continentale d’Henri II

Tenant compte sans doute des particularismes locaux, Henri II applique une même politique de centralisation administrative et d’uniformisation institutionnelle à ses possessions continentales, où il réside très souvent, notamment en Anjou et en Normandie. Dans cette dernière principauté, il superpose notamment des baillis à une vingtaine de vicomtes héréditaires. Cette nouvelle institution, qui démarque celle des shérifs anglais, est confiée à des sénéchaux ; elle est étendue à la Bretagne, après l’installation de Geoffroi, fils d’Henri II, dans ce duché en 1168. L’Anjou, qui est territorialement moins étendu, reste administré par un sénéchal, Étienne de Tours, qui n’agit que sur ordre direct d’Henri II ; celui-ci fait construire à partir de 1170 une digue continue (la première « turcie » du Val de Loire) de 40 km de long, afin de mettre à l’abri des crues du fleuve la partie orientale de sa vallée angevine. Par contre, il confie l’administration de l’Aquitaine, vaste, lointaine et ombrageuse, à la reine Aliénor, sous la tutelle protectrice du comte Patrice de Salisbury, d’ailleurs tué lors d’une révolte baronniale en 1168 ; il charge alors la reine d’assurer à son tour, à partir de 1169, la tutelle de son fils Richard, qu’il donne aux Aquitains.