Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Henri IV (suite)

L’héritier de France

En 1584, la mort de François d’Alençon, frère du roi Henri III, qui n’a pas d’enfants, fait d’Henri de Navarre l’héritier du trône de France. Henri III, qui se méfie des Guise, le reconnaît pour son successeur.

Le parti catholique, effrayé de cette éventualité, stimulé par l’ambition des Guise et soutenu par les deniers du roi d’Espagne, organise la Ligue, dont le but ultime est le maintien de la France dans le catholicisme, ce qui, selon l’esprit du temps, est jugé incompatible avec la présence d’un protestant sur le trône.

Henri III, débarrassé des Guise, s’allie à Henri de Navarre à l’entrevue de Plessis-lez-Tours et vient avec lui assiéger Paris, alors aux mains des ligueurs. C’est là qu’il est assassiné. Sa mort (2 août 1589) fait du roi de Navarre un roi de France. Mais il reste à celui-ci à conquérir son royaume. À Paris, la Ligue lui oppose son oncle, le vieux cardinal Charles de Bourbon. Henri IV n’est que le roi des huguenots. Malgré de brillantes victoires sur le duc de Mayenne à Arques (21 sept. 1589) et à Ivry (14 mars 1590), Henri ne parvient pas à entrer dans Paris, car Alexandre Farnèse, venu des Pays-Bas, le force à en lever le siège.

Ce sont les erreurs de ses ennemis qui vont lui faciliter la tâche. À Paris, le comité des Seize fait régner la terreur ; les Espagnols, qui ont mis en 1591 une garnison dans la capitale, ne parviennent pas, en 1593, à faire accepter par les Parisiens la candidature au trône de France de l’infante Isabelle, fille de Philippe II. Un tiers parti, celui des « politiques », se dessine ; un pamphlet, la Satire Ménippée, répand ses idées et déconsidère les ligueurs. De son côté. Henri comprend qu’il doit faire des concessions. En 1593, il abjure le protestantisme (Saint-Denis, 25 juill.) ; l’année suivante, il peut se faire sacrer à Chartres (27 févr. 1594) et entrer triomphalement à Paris (22 mars).

Il entreprend ensuite la reconquête des provinces encore insurgées ou aux mains des Espagnols. En 1595, Mayenne est battu à Fontaine-Française. En 1597, Philippe II, qui vient de perdre Amiens, se résout à traiter. La paix de Vervins (2 mai 1598) confirme le traité du Cateau-Cambrésis de 1559. On revient ainsi à l’état de choses antérieur aux guerres de Religion.

Il s’agit, en outre, de pacifier le pays, et c’est alors qu’Henri IV se révèle un grand politique et un grand esprit bien en avance sur son temps. Le pays, il est vrai, las des terribles guerres civiles, n’aspire qu’au repos et lui laisse une pleine liberté d’action.


La pacification, le redressement national

L’édit de Nantes du 13 avril 1598, s’il proclame le catholicisme religion de l’État, accorde aux protestants la liberté de conscience et de culte, et leur octroie des privilèges politiques considérables (places de sûreté, garnisons, droit d’assemblée...). Déjà durant la bataille de Coutras, en 1587, Henri s’était écrié : « Plus de sang, ils sont Français, recevez-les tous à merci. »

Après 1598, le roi ne songera plus qu’à panser les plaies dues aux longues guerres civiles et à réorganiser l’État. Hormis une guerre courte avec le duc de Savoie et qui vaut à la France en 1601 (traité de Lyon) la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex, sa politique étrangère est résolument pacifique. Il s’emploie, précurseur en cela de Richelieu, à abaisser la maison d’Autriche en s’alliant avec les princes protestants allemands et les Suisses contre les Habsbourg de Vienne et avec la Toscane, Mantoue, Venise et la papauté contre les Habsbourg de Madrid, possesseurs du Milanais et du royaume de Naples.

La réorganisation de l’autorité de l’État est la tâche primordiale. Henri IV gouverne en roi absolu, peu soucieux de ménager les parlementaires, qu’il méprise. Une tentative de rébellion est sévèrement réprimée, et son instigateur, Charles de Gontaut, duc de Biron, est exécuté (1602). À cette œuvre de réorganisation, Henri IV applique une méthode empirique, qui consiste non pas à détruire les anciennes institutions, mais à s’en servir avec le maximum d’efficacité. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’établissement, en 1604, de la « paulette », édit qui permet aux détenteurs d’offices de transmettre ceux-ci à leurs héritiers moyennant une taxe annuelle, représentant le soixantième de leur valeur. Il faut y voir non pas un simple expédient financier, mais le dessein de créer dans les familles d’officiers une solide tradition de service d’État.

En une dizaine d’années, Henri IV réussit le miracle de refaire du pays ruiné par les guerres une grande puissance économique. Il est bien secondé par son ministre Sully*, qui s’emploie à rétablir de saines finances. D’un système fiscal mauvais et injuste, Sully tire le meilleur parti possible.

Dès 1601, il équilibre le budget ; pour la première fois depuis longtemps, les recettes sont évaluées avec précision, les receveurs généraux sont étroitement contrôlés et doivent verser les surplus qui ne sont pas utilisés sur place, les dépenses sont prévues dans le détail. On supprime également les exemptions d’impôts abusives (lettres de noblesse, usurpations des grands seigneurs).

Non seulement Sully parvient à payer de lourdes dettes — Henri IV a emprunté des sommes énormes pour mener à bien sa guerre de reconquête —, mais également il réussit à faire des économies et à constituer d’importantes réserves. En 1610, il paie 278 millions de dettes et peut mettre à la disposition du roi une épargne d’une centaine de millions.

Dans une ordonnance de 1599, Henri IV proclame : « La puissance et la richesse des rois et des souverains consistent dans la richesse et le nombre de leurs sujets. » Pour ranimer la vie économique, il ordonne la remise du reste des tailles dues jusqu’en 1596.

L’agriculture est prépondérante dans un pays qui compte 90 p. 100 de ruraux et où l’argent s’investit presque uniquement dans la terre. Pour faciliter le développement agricole, on encourage le rachat des prés communs aliénés à vil prix par les communautés paysannes, on interdit la saisie du bétail et de l’outillage par les créanciers, on permet la libre circulation des blés et, en 1601, on proscrit la chasse dans les récoltes, du printemps aux vendanges. La charge de maître des eaux et forêts est créée, et les coupes de bois sont interdites dans les forêts royales.