Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hémorragie

Écoulement de sang hors des vaisseaux qui doivent le contenir (hémorragie artérielle, veineuse ou capillaire). Le sang peut se répandre à l’extérieur du corps (hémorragie externe) ou s’épancher à l’intérieur des tissus ou entre les organes (hémorragie interne).



Introduction

L’arrêt de l’hémorragie peut se faire spontanément, par la formation d’un caillot qui obture la brèche du vaisseau : cette hémostase naturelle est possible grâce à un phénomène physiologique très complexe, la coagulation*. Mais le caillot n’assure qu’une hémostase temporaire, l’hémostase définitive n’étant obtenue que secondairement, par la constitution d’un tissu vasculaire cicatriciel qui, le plus souvent, redonne au vaisseau sa morphologie normale, mais qui peut parfois entraîner son oblitération définitive.

Les conséquences de l’hémorragie sont très variables selon son importance et sa rapidité. Nulles dans les petites hémorragies capillaires ou veineuses par exemple, elles peuvent être dramatiques dans les hémorragies importantes : c’est le tableau du choc hémorragique, où le sujet est pâle, refroidi, inerte, la tension artérielle effondrée, le pouls petit, rapide, parfois imprenable, la respiration rapide et superficielle ; ce choc hémorragique est rarement pur, car à la spoliation sanguine s’ajoutent souvent d’autres facteurs, en particulier au cours des grands traumatismes. Enfin, il existe des hémorragies apparemment non dramatiques, mais continues, évoluant à bas bruit et finissant par entraîner une anémie progressive avec altération de l’état général pouvant réaliser un véritable tableau de « choc chronique ».


Hémorragies externes

Les hémorragies les plus spectaculaires sont celles des plaies artérielles : hémorragies extériorisées plus ou moins abondantes suivant la largeur de la plaie cutanée, la profondeur et l’importance du vaisseau lésé. Elles sont la cause la plus fréquente de mort sur le champ de bataille ou dans les grandes catastrophes. Dans un certain nombre de cas, une hémostase spontanée peut se faire, mais elle est précaire, une hémorragie secondaire mortelle étant toujours à redouter, au cours du transport par exemple. Le sang artériel peut aussi se répandre sous les téguments : hématome diffus ou enkysté d’évolution très variable, de la guérison spontanée à la formation tardive d’un anévrisme* artério-veineux.

Les plaies veineuses sont en général de faible gravité : le type en est la rupture de varice, impressionnante, mais bénigne. Par contre, les plaies des gros troncs veineux sont gravissimes, non seulement par suite du caractère massif de l’hémorragie, mais aussi en raison du risque d’embolie gazeuse mortelle (en particulier dans les plaies de la base du cou).


Hémorragies internes

La symptomatologie des hémorragies internes est évidemment fonction du siège de la lésion. Une des plus typiques est la rupture de grossesse* extra-utérine, avec son syndrome de choc hémorragique pur et, à l’examen gynécologique, une douleur très vive localisée au niveau du cul-de-sac de Douglas (entre utérus et rectum). Les hémorragies digestives posent des problèmes diagnostiques et thérapeutiques difficiles, car leurs causes sont multiples : ulcères gastro-duodénaux, cancers de l’estomac ou de l’intestin, cirrhose* du foie, au cours desquels l’hypertension dans la veine porte entraîne la formation de varices œsophagiennes, dont la rupture provoque des hémorragies dramatiques. Ces hémorragies digestives peuvent se manifester de deux manières : vomissement de sang (hématémèse), qui traduit généralement une lésion haute, ou hémorragie intestinale, de sang rouge ou noir (melœna).

Les grandes contusions de l’abdomen posent des problèmes très particuliers, car, si l’on peut affirmer cliniquement l’existence d’une hémorragie intrapéritonéale, souvent seule l’intervention exploratrice pourra en préciser l’origine : rupture de la rate, du foie, désinsertion mésentérique... Tous les organes peuvent être le siège d’hémorragie : hémothorax des contusions ou plaies thoraciques, hémopéricarde des plaies du cœur. Les hémorragies cérébrales sont fréquentes chez le sujet âgé, par rupture d’une artère athéromateuse, mais elles peuvent se rencontrer chez le jeune, par exemple par rupture d’un anévrisme congénital.


Traitement de l’hémorragie

Il est commandé par deux impératifs : arrêter le flux sanguin et reconstituer la masse sanguine. La reconstitution de la masse sanguine, seul traitement du choc hémorragique, est obtenue par la transfusion de sang frais ou conservé isogroupe. Ce n’est que dans des conditions d’urgence exceptionnelle que l’on peut être contraint de perfuser du sang de groupe universel, voire, faute de sang, du plasma sanguin conservé ou des solutés à grosses molécules, qui, à défaut d’hématies, permettent de reconstituer temporairement le volume liquidien indispensable au fonctionnement de l’appareil circulatoire.

L’arrêt de l’hémorragie dépend de sa nature : dans les plaies artérielles des membres, le garrot assure une hémostase provisoire, mais ce n’est qu’un expédient qui comporte de graves dangers s’il est maintenu trop longtemps : le vrai traitement est la ligature artérielle, connue dès l’Antiquité et redécouverte par Ambroise Paré. Les hémorragies veineuses des membres cèdent le plus souvent à la simple compression. Les hémorragies internes traumatiques commandent l’intervention d’urgence, mais l’hémostase peut être très difficile à réaliser, en particulier dans les éclatements du foie, la blessure de la rate imposant toujours la splénectomie. Quant aux hémorragies digestives, l’indication opératoire doit être soigneusement pesée, car, s’il est possible le plus souvent d’assurer l’hémostase devant un ulcère gastro-duodénal, certaines lésions sont au-dessus des possibilités chirurgicales.

P. D.

 J.-P. Soulier, Traitement des hémorragies (Flammarion, 1953). / C. Raby, Biologie des hémorragies et thromboses (Masson, 1966).