Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hémiptères ou Hémiptéroïdes (suite)

Les sécrétions des Hémiptères

L’odeur désagréable et tenace qui émane de nombreuses Punaises provient de glandes, qui s’ouvrent sous le thorax ; elle semble avoir un rôle protecteur, du moins vis-à-vis des insectivores, dont le jugement olfactif est identique au nôtre. D’ailleurs, quelques espèces émettent une odeur douce, comme Syromastes, qui sent la pomme.

Les larves de quelques Cercopidés (Arphrophora, Philcenus) vivent dans un produit écumeux qu’on rencontre parfois sur les plantes et qu’on appelle crachat de Coucou ; elles le fabriquent en dégageant de petites bulles d’air dans le liquide visqueux qu’elles rejettent par l’anus.

Beaucoup d’Homoptères produisent de la cire ; celle-ci couvre le corps d’un feutrage blanchâtre chez le Puceron lanigère ou bien d’une cuirasse de plaques chez des Cochenilles comme Orthezia ou Lecanium ; elle forme aussi un bouclier qui se soude au support végétal, abritant les larves des Aleurodes ou la ponte des Cochenilles ; l’aspect de la sécrétion caractérise souvent les espèces et facilite leur détermination. Une Cochenille d’Asie, Tachardia lacca, pond ses œufs sur diverses plantes et les entoure d’une sorte de résine dont on fait la gomme-laque. D’autres espèces ont été exploitées pour les matières colorantes qu’elles fournissent : Coccus cacti du Mexique (carmin), Kermes ilicis (écarlate).


Reproduction

Dans la plupart des cas, les deux sexes sont morphologiquement semblables ou ne diffèrent que par des détails. Cependant, les mâles des Cigales possèdent seuls un appareil stridulant ; ailleurs, le dimorphisme s’exprime par le développement différent des ailes ; la femelle est aptère et le mâle ailé chez les Coccidés.

L’accouplement a lieu par superposition du mâle sur la femelle chez les Punaises aquatiques, chez les Pucerons et chez les Cochenilles ; chez les Punaises terrestres, les deux partenaires se placent bout à bout ; les Cigales et les Cicadelles s’accouplent côte à côte. Le mâle de la Punaise des lits ne dépose pas son sperme dans l’orifice génital de la femelle, mais dans une poche (organe de Ribaga) qui s’ouvre entre les segments abdominaux 4 et 5 ; de là, les spermatozoïdes gagnent les ovaires en traversant les tissus ; chez les Anthocoridés, le mâle introduit son pénis en un point quelconque de l’abdomen, et les gamètes rejoignent les ovules directement.

On connaît de nombreux cas de parthénogenèse. Dans certains, elle est indéfinie (Aleurodes, Aspidiotus) ; dans d’autres, plus nombreux, il y a alternance cyclique entre des générations de femelles vierges et une génération bisexuée (Aphididés). La Cochenille Icerya Purchasi, par contre, montre surtout des individus hermaphrodites qui s’autofécondent, mais qui peuvent parfois s’accoupler avec les rares mâles qui apparaissent sporadiquement.

Les Hémiptères phytophages pondent leurs œufs sur les végétaux ; les Punaises aquatiques les insèrent plus ou moins profondément dans les tiges ou les feuilles des plantes aquatiques. La ponte est quelquefois déposée sur le dos d’une femelle de même espèce (Bélostomes, Phyllomorpha). Les Cochenilles laissent souvent leurs œufs sous un bouclier de cire ; certaines forment un ovisac cireux pour leur ponte et le portent.

La Punaise des lits ainsi que plusieurs Coccidés pondent des œufs dont le développement est déjà bien avancé. D’autres Hémiptères sont franchement vivipares, comme les femelles parthénogénétiques des Pucerons ; quand ils sortent du corps de la mère, les jeunes peuvent même déjà renfermer des œufs en développement !


Croissance et métamorphose

Chez presque tous les Hémiptères, la jeune larve qui éclôt ressemble beaucoup à l’adulte, à la taille près ; le développement est progressif (hétérométabolie), et les fourreaux alaires apparaissent lors des derniers stades. La durée de la vie larvaire varie beaucoup d’une espèce à l’autre ; elle s’étend même sur plusieurs années chez les Cigales et atteint la durée record de dix-sept ans chez une Cigale américaine. Le nombre de mues est habituellement de quatre ou cinq ; ainsi, Rhodnius subit cinq mues larvaires avant la mue imaginale ; c’est sur cette Punaise hématophage que Wigglesworth a mis en évidence, par des expériences célèbres, le déterminisme humoral de la mue. Chez les espèces à longévité larvaire élevée, le nombre de mues est évidemment plus grand.

Le déroulement de la vie larvaire et le passage à l’état imaginal ne s’accomplissent pas toujours d’une manière régulière et continue. Ainsi, les jeunes Cigales, à vie souterraine et adaptée au fouissage par leurs pattes antérieures, donnent des adultes aériens qui s’ébattront quelques semaines en plein soleil. Ainsi, chez nombre d’Aleurodes et de Cochenilles, un stade mobile succède à un stade à pattes réduites, ou inversement. Bien plus, le développement se déroule parfois différemment dans les deux sexes : les femelles de Coccidés ont un développement progressif, alors que les mâles subissent de véritables métamorphoses, avec un stade nymphal. Comme les Aleurodes passent de la larve à l’imago en subissant également un remaniement tissulaire intense, nous pouvons observer dans le groupe des Hémiptères toutes les transitions entre l’hétérométabolie et l’holométabolie.


Les cycles saisonniers

Les petits Homoptères que sont les Pucerons montrent plusieurs générations annuelles, dont la succession suit le rythme des saisons. En général, les adultes des deux sexes apparaissent en automne et donnent des œufs fécondés qui passeront l’hiver ; l’éclosion de ceux-ci au printemps libérera des femelles qui, sans fécondation, inaugurent une suite de générations estivales, toutes parthénogénétiques et vivipares ; en fin de saison, une dernière génération de femelles donne des sexués. Ce cycle type montre selon les espèces, et parfois à l’intérieur d’une même espèce, un grand nombre de variations : formes migratrices ailées et formes sédentaires dépourvues d’ailes, hibernation des femelles parthénogénétiques en même temps que les œufs fécondés, étalement du cycle sur deux ans, migration d’une plante à une autre au cours de l’année, polymorphisme des générations successives, etc.