Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hématologie (suite)

L’origine exacte de ces diverses affections malignes reste controversée. La grande diffusion des agents médicamenteux, l’extension des risques dus aux radiations ionisantes semblent être au moins des facteurs favorisants. L’origine virale des leucémies est particulièrement suspectée, mais n’a pas encore reçu de confirmation définitive. Quoi qu’il en soit, les nouvelles possibilités thérapeutiques offertes par la radiothérapie, par les moutardes azotées, par les agents alkylants ou par les antimétaboliques, enfin par les corticoïdes rehaussent l’intérêt du dépistage précoce de ces maladies. De plus, on sait que des tentatives de transfusions ou de greffes de moelle osseuse ont été, dans certains cas d’aplasies médullaires par irradiation, couronnées de succès.

En ce qui concerne les maladies dites « hémorragipares » (s’accompagnant d’hémorragies), diverses manifestations en sont connues depuis fort longtemps. Ainsi en est-il des purpuras aigus ou chroniques décrits par plusieurs auteurs (J. L. Schönlein [1793-1864], E. H. Henoch [1820-1910], S. Bateman [1824-1904]), pour lesquels on sait aujourd’hui qu’il convient d’éliminer un déficit qualitatif ou quantitatif des plaquettes sanguines (travaux initiaux de E. Glanzmann [1887-1959]). Ainsi en est-il également de l’hémophilie, affection génétique dont le traitement relève de l’administration d’un facteur spécifique de la coagulation absent dans le sang des sujets atteints.

Le problème des splénomégalies (grosses rates) a longuement intrigué les cliniciens s’intéressant aux maladies du sang en raison des rapports étroits observés entre les modifications de la rate et la découverte d’une hémopathie. G. Banti (1852-1925), en Italie, O. Minkowski (1858-1931), en Allemagne, A. Chauffard (1855-1932) et N. Fiessinger (1881-1946), en France, ont intégré la splénomégalie (grosse rate) à diverses formes de destruction excessive des globules rouges. Ce phénomène, que l’on appelle hémolyse, a été dissocié en maladie hémolytique congénitale et en maladies hémolytiques acquises. La première recouvre les accidents graves d’hémolyse périnatale, dont l’explication et le traitement reviennent à Ph. Levine (né en 1900), à D. O. Weiner (né en 1908) et à K. Landsteiner (1868-1943) [découverte de l’immunisation par le facteur Rhésus]. De nouvelles applications thérapeutiques tirées d’une meilleure connaissance de la date d’apparition des anticorps chez les jeunes mères permettent, aujourd’hui, de s’opposer au risque d’immunisation ultérieure. On apparente les secondes à divers processus, relevant soit d’intoxications, soit de maladies générales entraînant une fragilité des globules rouges des malades qui en sont atteints. Sont à rapprocher des maladies hémolytiques la fièvre bilieuse hémoglobinurique des paludéens et l’hémoglobinurie paroxystique, qui font intervenir respectivement la quinine et l’exposition au froid.

Deux autres groupes d’anémies hémolytiques méritent d’être mentionnés à part : celui des hémoglobinoses, ou hémoglobinopathies, qui réunit les anomalies constitutionnelles de l’hémoglobine, et celui des enzymopathies, ou enzymopénies intra-érythrocytaires, qui réunit les cas de fragilité génétique de l’hématie. La thalassémie, la drépanocytose, le favisme sont les exemples les plus démonstratifs de ce type d’affection qui est en rapport avec des facteurs ethniques ou familiaux et dont l’étude physico-chimique débouche aujourd’hui sur le domaine de la biologie moléculaire.

Enfin, dans le domaine immunopathologique figurent les dysglobulinémies (anomalies des globulines du plasma sanguin), qu’il s’agisse de la maladie de Bruton (agammaglobulinémie) ou de la maladie de Waldenström (macroglobulinémie).

En conclusion de ce panorama, il semble bien que l’hématologie constitue l’une des disciplines les plus riches en perspectives thérapeutiques, car elle comporte encore de nombreux domaines à défricher.

M. R.

➙ Anémie / Cardiologie / Chimiothérapie / Leucémie / Os / Pathologie / Sang / Septicémie / Surrénal / Transfusion.

 G. Marchal et G. Duhamel, le Sang (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 2e éd., 1964), / B. Dreyfus et coll., Progrès en hématologie (Flammarion, 1967). / J. Bernard, J.-P. Lévy et coll., Abrégé d’hématologie (Masson, 1971).

hématopoïèse

Élaboration des cellules sanguines par les organes hématopoïétiques, qui sont la moelle osseuse, les ganglions lymphatiques, la rate et le tissu réticulo-endothélial.


D’une manière générale, les hématies, les leucocytes polynucléaires et les plaquettes naissent de la moelle rouge des os, tandis que les lymphocytes et les monocytes sont formés dans la rate et les ganglions (les derniers peuvent l’être dans un secteur quelconque du système réticulo-endothélial).

La formation des globules rouges s’appelle l’érythropoïèse, celle des globules blancs la leucopoïèse, et celle des plaquettes, dont le rôle dans la coagulation est si important, la thrombocytopoïèse. La différenciation des lignées spécifiques se fait au stade de la première cellule, dérivée d’une cellule réticulaire, omnivalente, appelée hémohistioblaste. Le premier élément, ou hémocytoblaste, évolue lui-même soit vers le proérythroblaste, ou pronormoblaste, ancêtre de l’étythrocyte, ou normocyte, appelé plus couramment hématie*, soit vers le myéloblaste, précurseur des polynucléaires neutrophiles, éosinophiles ou basophiles, etc.

À titre d’exemple, la genèse des globules rouges peut être envisagée. La cellule originelle, ou proérythroblaste (hématie à noyau), est une cellule très grande, mesurant plus de 20 μ, à cytoplasme bleu intense, très riche en acide ribonucléique et contenant des nucléoles qui sont le témoin d’une cellule jeune. Du proérythroblaste à l’érythrocyte, cette genèse passe par l’érythroblaste basophile, cellule plus petite, d’environ 15 μ, dépourvue de nucléoles, dont le cytoplasme est toujours bleu, car elle n’a pas encore élaboré d’hémoglobine. Lorsque l’hémoglobine apparaît, l’érythroblaste est dit « polychromatophile » et est plus petit que le précédent. Puis c’est l’érythroblaste acidophile ou encore éosinophile, possédant encore un noyau qui va bientôt éclater et quelques granulations. Ces hématies granuleuses et filamenteuses peuvent passer dans le sang, où elles prennent le nom de pronormocytes ou de réticulocytes, dont le pourcentage doit être inférieur à 2 p. 100 des hématies et augmente en cas d’anémie par grande hémorragie ou hémolyse. Enfin, on parvient au stade ultime d’hématie*. Le globule rouge ainsi formé vit 120 jours, puis est détruit.

En ce qui concerne la lignée granulocytaire (globules blancs polynucléaires), elle passe par les stades de myéloblastes, de promyélocytes, de myélocytes et de métamyélocytes.

Quant aux plaquettes, elles proviennent des mégacaryoblastes qui se transforment en promégacaryocytes, puis en mégacaryocytes, cellules géantes de 80 μ, qui sont leurs précurseurs immédiats.