Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hégélianisme (suite)

Quelques biographies complémentaires


Bruno Bauer,

critique et philosophe allemand (Eisenberg 1809 - Rixdorf, près de Berlin, 1882). Il sembla d’abord poursuivre la conciliation de la philosophie et de la théologie par une Critique de la vie de Jésus de Strauss (1835-36). Puis, nommé professeur à Bonn (1839), il s’orienta de plus en plus vers la négation radicale de tout christianisme et devint un des principaux représentants de l’école hégélienne : Critique de l’histoire évangélique de l’Évangile de saint Jean (Kritik der evangelischen Geschichte des Johannes, 1840), Critique de l’histoire évangélique des Synoptiques (Kritik der evangelischen Geschichte der Synoptiker, 1841-42). L’autorité lui interdit de faire son cours (1842). Il se retira alors à Berlin et rompit avec l’Église de son pays, en publiant Question de la liberté et ma propre affaire (1843). Le gouvernement suisse fit saisir, avant l’impression, son Christianisme dévoilé (Das entdeckte Christentum, 1843). À partir de 1843, il aborda la politique et l’histoire en une longue suite d’ouvrages qui firent l’objet de critiques violentes de Marx et de Engels dans la Sainte Famille (1845). De 1850 à 1852, il revient à la critique théologique, notamment avec une Histoire des apôtres (Die Apostelgeschichte, 1850). Après 1870, il se fit un des thuriféraires de Bismarck.


Ludwig Feuerbach.

V. l’article.


Arnold Ruge,

homme politique allemand (Bergen, île de Rügen, 1802 - Brighton 1880). Affilié à la Burschenschaft, emprisonné à Kolberg (1824-1830), professeur à Halle (1832), il publia avec E. T. Echtermyer Hallische Jahrbücher, organe de la gauche hégélienne (1838-1841), puis dut fuir en France et édita avec Marx Die deutsch-französischen Jahrbücher (1844), puis le journal Die Reform (1848). Député au Parlement de Francfort, il se réfugia (1849) à Londres, où il fréquenta Mazzini et Ledru-Rollin, puis se fixa à Brighton. Ayant approuvé la politique de Bismarck, il fut pensionné par lui (1877). Outre de nombreux articles de revues, il a laissé des Mémoires : Souvenirs du temps passé (Aus früherer Zeit, 1862-1867).


Max Stirner,

philosophe allemand (Bayreuth 1806 - Berlin 1856). Kaspar Schmidt, dit Max Stirner, étudia la théologie et la philologie à Berlin, Erlangen et Königsberg, devint professeur dans un lycée, puis dans une école de jeunes filles, à Berlin, et devint journaliste. Son principal ouvrage, l’Unique et sa propriété (Der Einzige und sein Eigentum) [1845], défend un individualisme anarchiste et libertaire. Stirner écrit : « Pour moi, il n’est rien au-dessus de moi [...] ; je déclare la guerre à tout État, fût-il le plus démocratique. » Il est aussi l’auteur d’une Histoire de la réaction (Die Geschichte der Reaktion) [1852]. Il mourut dans la misère.

 K. Marx et F. Engels, Die heilige Familie (1845 ; trad. fr. la Sainte Famille, Éd. sociales, 1972) ; Die deutsche Ideologie (1846 ; trad. fr. l’Idéologie allemande, Éd. sociales, 1968). / B. Croce, Saggio sullo Hegel (Bari, 1913). / V. I. Lénine, Cahiers sur la dialectique de Hegel (trad. du russe, Gallimard, 1938 ; nouv. éd., 1967). / K. Löwith, Von Hegel zu Nietzsche (Zurich, 1941 ; trad. fr. De Hegel à Nietzsche, Gallimard, 1969). / H. de Lubac, le Drame de l’humanisme athée (Spes, 1945). / A. Koyré, Études sur l’histoire de la pensée philosophique en Russie (Vrin, 1950) ; Études d’histoire de la pensée philosophique (A. Colin, 1961). / A. Cornu, Karl Marx et Friedrich Engels (P. U. F., 1955-1962 ; 3 vol.). / R. Serreau, Hegel et l’hégélianisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 2e éd., 1965). / G. Oldrini, Gli Hegeliani di Napoli (Florence, 1964) ; Il Primo Hegelianismo italiano, O. Mazzoni, S. Cusani, F. de Sanctis, A. Vera (Florence, 1969). / L. Althusser, Pour Marx (Maspéro, 1965). / D. McLellan, The Young Hegelians and Karl Marx (Londres, 1969 ; trad. fr. les Jeunes Hégéliens et Karl Marx, Payot, 1972). / J. d’Hondt, De Hegel à Marx (P. U. F., 1972).

Heidegger (Martin)

Philosophe allemand (Messkirch, Bade, 1889).


« Chez Heidegger, qui n’est pas un penseur honnête, mais un habile constructeur et calculateur, dépourvu de scrupules intellectuels aussi bien que moraux, la philosophie de l’existence a perdu sa sincérité négative : elle est devenue un moyen employé avec dextérité, pour passer, d’une philosophie scolastique par laquelle il avait commencé, à la philosophie nazie. » (G. Gurvitch.) Ces lignes donnent le ton et la mesure de l’effet d’aveuglement que ses rapports avec le nazisme ont exercé en retour sur l’œuvre de Heidegger. Mais il est vrai, comme l’a suggéré J. Derrida, que la condamnation politique n’est en la matière que l’alibi d’une résistance philosophique plus obscure. L’œuvre de Heidegger, en effet, l’une des plus importantes de notre temps, l’une des rares à être de notre temps, demande de son lecteur — par son style, par les voies qu’elle ouvre à la pensée, par les apories ou les questions sur lesquelles elle se tait (Questions : c’est le titre choisi par Heidegger lui-même pour la traduction française de ses opuscules) — une liberté dont des divergences politiques sont un prétexte opportun pour se dispenser de courir le risque.

L’attachement de Martin Heidegger à sa terre natale (la Souabe) est célèbre : « Que mon pays natal soit remercié pour tout ce qu’il m’a donné et qui m’a soutenu sur une longue route » sont les premiers mots d’un discours qu’il prononçait en 1955. Heidegger fait ses études à Constance, puis à Fribourg-en-Brisgau, où, en 1909, il suit à l’université des cours de philosophie (Husserl sera son professeur) et de théologie. Il publie en 1912 son premier article (le Problème de la réalité dans la philosophie moderne) et, l’année suivante, obtient le doctorat de philosophie. Il s’engage à la déclaration de guerre, mais des raisons de santé le font réformer après deux mois. Il est alors (1915) nommé privatdozent à Fribourg, ville qu’après un séjour à l’université de Marburg (1923-1928) il ne quittera plus. Succédant d’abord à Husserl comme professeur de philosophie, il y sera nommé recteur en avril 1933. C’est juste après sa nomination au poste de recteur qu’il adhère officiellement au parti nazi, adhésion qu’un certain nombre de textes, articles ou discours de soutien au régime viendront confirmer dans les mois qui suivent. Mais, dès 1934, il prend ses distances, démissionne de son poste de recteur et cessera pratiquement toute publication jusqu’à la fin de la guerre.

Suspendu de ses fonctions en 1945, il reprend ses cours en 1951 avec le titre de « professeur émérite ».