Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hegel (Georg Wilhelm Friedrich) (suite)

Hegel définit les religions déterminées par l’inadéquation de l’idée de Dieu et de la représentation limitée qu’elles en donnent ; ce sont d’abord les religions de la nature, qui posent Dieu comme un en-soi objectif (fétichisme, taoïsme, brahmanisme...), puis les religions de l’individualité subjective, qui en font un pur sujet (judaïsme, polythéisme grec, finalisme romain). Seule la religion absolue, la religion révélée (chrétienne), offre de Dieu une représentation adéquate à sa notion (l’Esprit comme sujet en soi et pour soi).
4. La religion a pour contenu la vérité telle qu’elle est pour les hommes ; la philosophie, la vérité telle qu’elle est pour elle-même. La Phénoménologie en décrit la progression jusqu’au système du savoir absolu, dans lequel « c’est l’idée éternelle, existant en et pour soi, qui se manifeste, s’engendre elle-même éternellement et jouit éternellement de soi comme esprit absolu ».

D. H.

 G. Noël, la Logique de Hegel (Alcan, 1897). / J. B. Baillie, The Origin and Signifiance of Hegel’s Logic (Londres, 1901). / P. Roques, Hegel, sa vie et ses œuvres (Alcan, 1912). / F. Rosenzweig, Hegel und der Staat (Munich, 1920 ; nouv. éd., 1962). / W. Dilthey, Die Jugendgeschichte Hegels (Berlin, 1921). / J. Wahl, le Malheur de la conscience dans la philosophie de Hegel (Rieder, 1929). / Études sur Hegel, numéro spécial de la Revue de métaphysique et de morale (1931). / L. Herr, Choix d’écrits, t. II (Rieder, 1932). / H. Marcuse, Hegels Ontologie und die Theorie der Geschichtlichkeit (Francfort, 1932 ; 2e éd., 1968 ; trad. fr. l’Ontologie de Hegel, Éd. de Minuit, 1972) ; Reason and Revolution, Hegel and the Rise of Social Theory (Boston, 1941 ; trad. fr. Raison et révolution, Éd. de Minuit, 1968). / J. Hyppolite, Genèse et structure de la « Phénoménologie de l’esprit » (Aubier, 1946 ; 2 vol.) ; Introduction à la philosophie de l’histoire de Hegel (Rivière, 1948 ; 2e éd., 1968) ; Logique et existence (P. U. F., 1953) ; Études sur Marx et Hegel (Rivière, 1955). / A. Kojève, Introduction à la lecture de Hegel (Gallimard, 1947). / G. Lukacs, Der junge Hegel (Zurich, 1948 ; 3e éd., in t. VIII des Œuvres complètes, Neuwied, 1967). / E. Weil, Hegel et l’État (Vrin, 1950). / B. Teyssèdre, l’Esthétique de Hegel (P. U. F., 1958). / E. Fleischmann, la Philosophie politique de Hegel (Plon, 1964) ; la Science universelle ou la Logique de Hegel (Plon, 1968). / A. Chapelle, Hegel et la religion (Éd. universitaires, 1964-1971 ; 4 vol.). / J. d’Hondt, Hegel, philosophe de l’histoire vivante (P. U. F., 1966) ; Hegel (P. U. F., 1967) ; Hegel en son temps, Berlin 1818-1831 (Éd. sociales, 1968). / H. F. Fulda, Das Recht der Philosophie in Hegels Philosophie des Rechts (Francfort, 1968). / P.-J. Labarrière, Structure et mouvement dialectique dans la « Phénoménologie de l’esprit » de Hegel (Aubier, 1968). / P. Bourgeois, la Pensée politique de Hegel (P. U. F., 1969). / Hegel, numéro spécial de l’Arc (Aix-en-Provence, 1969). / Hegel et la pensée moderne (P. U. F., 1971). / D. Dubarle et A. Doz, Logique et dialectique (Larousse, 1972). / G. Lebrun, la Patience du concept. Essai sur le discours hégélien (Gallimard, 1972).

hégélianisme

Ensemble des mouvements de pensée issus du philosophe Hegel.


Trois questions dominent les débats qui prolongèrent la pensée de Hegel : 1o Comment cette philosophie, qui a pensé l’histoire, subit-elle à son tour l’évolution historique ? Peut-on en conserver à la fois le système et la philosophie de l’histoire ? 2o Cette philosophie est-elle conservatrice ou révolutionnaire ? 3o Est-elle chrétienne ou athée ?

Les « vieux hégéliens » ne pensèrent pas que les événements qui suivirent la mort de Hegel infirmaient sa pensée ; ils y virent plutôt une confirmation les uns de sa lettre même, les autres de son esprit entendu en un sens plus ou moins large. Le plus orthodoxe d’entre eux, Karl Rosenkranz (1805-1879), auteur d’une Vie de Hegel (1844), voit ainsi dans l’évolution de l’humanité vers un nivellement technologique et politique une confirmation encourageante des progrès de l’esprit. Conservant donc, avec le système, la philosophie de l’histoire, il se borne à compléter Hegel pour la période qui suit sa mort. Il y a déjà plus de réticences dans les travaux de Rudolf Haym (1821-1901), Kuno Fischer (1824-1907), et Karl Ludwig Michelet (1801-1893), historiens de la philosophie qui, ne retenant de sa pensée que la philosophie de l’histoire, l’utilisent pour rendre compte de cette pensée elle-même : il ne s’agit déjà plus simplement de le prolonger, mais de l’expliquer.

Toutefois, si mince que devienne le support de cette fidélité, les « vieux hégéliens » se situent dans la suite de la pensée hégélienne, alors que, dès le début, les « jeunes hégéliens » adoptent une attitude agressive à son endroit. Ce n’est d’ailleurs pas là le seul point qui les oppose. « Tout ce qui est rationnel est réel et tout ce qui est réel, rationnel », avait dit Hegel ; de cette formule, les premiers retiennent plus volontiers la seule justification de la réalité par la raison (d’où leur désignation comme « hégéliens de droite »), les seconds au contraire (« gauche hégélienne ») qu’il faut réaliser ce que la raison a conçu. Ceux-ci ne seront généralement pas comme les premiers des philosophes traditionnels, mais vivront en rupture d’université, voire de société, mèneront une existence agitée de gens de lettres (dont Karl Löwith [né en 1897] voit en eux les premiers spécimens allemands). Leurs écrits s’en ressentiront : relevant d’une activité journalistique, il s’agira de pamphlets, de manifestes violents, renchérissant les uns sur les autres d’intransigeance verbale.

Ludwig Feuerbach* (1804-1872) écrivit, entre autres textes antihégéliens, une Critique de la philosophie hégélienne fondée sur l’idée que l’origine de la réflexion philosophique n’est pas l’absolu, ou Dieu, ou l’être (comme le pensait Hegel), mais l’homme en tant que réalité finie ; la pensée hégélienne manque d’humanité et de corps : il faut l’incarner. D’où l’apologie de l’existence sensible, car la sensation consiste dans l’union immédiate de l’esprit et du corps, ce corps lui-même étant conçu comme être sexué qui ne se suffit pas à lui-même, mais implique autrui et l’union avec autrui dans l’amour. Cette double union originaire de l’âme avec le corps dans la sensation et de moi avec autrui dans l’amour contredit l’autonomie solipsiste de l’esprit professée par Hegel.