Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hébreux (suite)

La localisation du Sinaï au sud de la péninsule ne va pas sans difficulté. Ce sont seulement les premières traditions chrétiennes qui situent le Sinaï au djabal Mūsā. Et ces traditions ne remontent pas au-delà du ve s. apr. J.-C. De plus, si cette identification est correcte, cela signifie que les Hébreux firent un détour long et inutile dans la partie la plus rude de la péninsule. Enfin, les partisans de cette tradition, trop vite dite ancienne et vénérable, ont quelque mal à localiser les divers points d’étape et à donner le tracé d’un itinéraire.

Aussi certains auteurs, s’appuyant également sur les textes bibliques, proposent-ils de mettre le Sinaï à l’est du golfe d’‘Aqaba. Leurs arguments se fondent surtout sur le fait que la théophanie (manifestation de Dieu) du Sinaï est décrite dans un contexte d’éruption volcanique : tonnerre, montagne embrasée, colonne de fumée et de feu. Or, il n’y a pas de volcan dans le massif du Sinaï, mais il y en a eu en activité à l’époque historique à l’est du golfe d’‘Aqaba. De plus, certains noms de lieux donnés par les textes bibliques se retrouvent dans cette région, qui était le pays des Madianites. Et la Bible note les contacts étroits de Moïse avec ces mêmes Madianites.

Si l’on pense que les traditions bibliques concernant le Sinaï sont incertaines et sur le nom de la montagne sainte, puisqu’on l’appelle tantôt Horeb, tantôt Sinaï, et sur la localisation nulle part clairement indiquée, il faut bien admettre que c’est là un problème qui attend sa solution.

Après le Sinaï, l’étape la plus importante est celle de Cadès, qui précède l’entrée en Canaan. Le séjour dans l’oasis de Cadès marque pour les pasteurs nomades que sont les Hébreux un début de sédentarisation. C’est alors qu’apparaissent les premiers éléments d’une organisation. Ce groupement de clans qu’unissent des années d’existence commune tend à devenir un peuple, auquel vont s’agréger d’autres éléments nomades comme les Calébites et les Qénites, qui participeront avec les Hébreux à la conquête de Canaan.


L’installation en Canaan
Josué (entre 1220 et 1200)

Le livre de Josué décrit la conquête de la Palestine comme une œuvre commune de toutes les tribus sous la conduite de Josué. Cette présentation simplifie beaucoup la réalité, et l’action des divers groupes, couronnée d’un succès inégal, fut plus éparpillée, comme en témoigne le début du livre des Juges. Il est certain aussi que l’installation en Canaan ne s’est pas faite seulement par les armes. Une partie du pays n’a pas eu besoin d’être conquise. Dans certains lieux peu habités, la pénétration a été pacifique. Elle a été facilitée aussi par une entente avec certains groupes qui étaient d’origine amorrite, comme les Hébreux, et qui en certains cas ont joint leurs forces à celles des envahisseurs.

C’est ainsi que, dans le Sud, la conquête se fait sans violence jusqu’au moment où les immigrants atteignent la montagne judéenne, occupée par les Cananéens sédentaires.

La conquête de la Palestine centrale est décrite dans le livre de Josué sous la forme d’une chevauchée militaire marquée par quelques actions de grande envergure. Là aussi, il faut mettre des nuances. C’est d’abord le passage du Jourdain, dont le récit rappelle beaucoup le passage de la mer Rouge, mais le style n’enlève rien à la réalité du fait. Après la prise de Jéricho, d’Aï et de Béthel, les Hébreux réussissent à prendre pied dans la montagne d’Ephraïm. La région où ils pénètrent est peu habitée, et ils s’y établissent sans trop de heurts. Les Cananéens installés dans la plaine, morcelée en une multitude de cités-États, commencent à s’inquiéter de la présence de ces étrangers. Cependant, divisés par leurs rivalités intérieures, ils n’arriveront pas à contenir la poussée des Israélites ni même à les empêcher de s’installer dans le nord du pays. En fait, Cananéens et Hébreux cohabiteront encore longtemps. Les Israélites, maîtres seulement des campagnes et des parties montagneuses du pays, ne sont pas en mesure encore d’affronter dans la plaine les troupes cananéennes, mieux armées et dotées de chars de guerre. Le travail de conquête se poursuivra durant l’époque des Juges et ne se terminera qu’au début de la période monarchique avec la prise des dernières places fortes cananéennes, Jérusalem et Megiddo.

Les données archéologiques confirment dans l’ensemble les données bibliques, mais l’usage abusif qu’on en a fait soulève de graves problèmes. On s’est longtemps acharné à vouloir apporter la preuve de la destruction de Jéricho au xiiie s. par Josué. Or, les fouilles montrent que Jéricho a été détruite vers 1550 et pauvrement réoccupée au xive s. Rien n’a été trouvé qui puisse être attribué au xiiie s. ; pas la moindre trace des murailles renversées au son des fameuses trompettes. Si Jéricho a été prise, et pourquoi le nier, elle n’était sans doute à cette époque qu’une petite installation peu ou pas fortifiée. Il en va de même d’Aï, détruite vers 2400 et réoccupée après 1200 ; un village était installé sur ses ruines : son nom signifie d’ailleurs « la ruine ». Pour ces deux villes, il paraît clair que le récit de leur prise doit être ramené à des proportions plus modestes. Par contre, les fouilles entreprises sur l’emplacement d’autres villes comme Debir, Lakish, Haçor... cadrent bien avec les destructions affirmées par la Bible. Mais, là aussi, il serait téméraire d’attribuer aux seuls envahisseurs israélites les destructions que font apparaître les fouilles : les luttes étaient fréquentes entre les cités cananéennes, les conflits nombreux avec les peuples voisins ; et il était de bonne guerre de raser la ville conquise.


La période des Juges (v. 1200 à v. 1030)

Après la mort de Josué, les Israélites s’efforcent d’assurer la place qu’ils ont conquise en Palestine. En butte à l’hostilité des Cananéens et aux incursions dévastatrices des nomades établis de l’autre côté du Jourdain — Moabites, Edomites, Ammonites —, les clans israélites n’ont pas encore trouvé leur stabilité. De plus, les rivalités entre eux sont nombreuses : on grignote un peu le territoire du voisin quand on ne se fait pas franchement la guerre.