Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hébraïque (littérature) (suite)

David Shimonovitz (Shimoni) [1886-1956], lui, de nature enclin au pessimisme, subit l’influence de la littérature romantique russe, de Pouchkine surtout. En Allemagne, il étudie la philosophie et les langues sémitiques. Son premier recueil, Désert, paraît à Varsovie en 1911 ; le second, Tempête et silence, l’année suivante. En 1921, il s’établit en Palestine, où il décrit dans ses Idylles les peines et les joies des pionniers. Il traduit beaucoup : Lermontov, Pouchkine, Heine, Tolstoï.

Jacob Steinberg (1886-1947), après avoir terminé ses études en Suisse, part pour la Palestine en 1914. Il est rédacteur de l’hebdomadaire Ha-Poel ha tsair... Parmi ses œuvres, nous citerons : le Livre de la solitude, paru à Varsovie en 1911, et Poème, paru à Leipzig en 1923.

Jacob Fichman (1881-1958) est poète, essayiste et critique. Son recueil Tiges paraît en 1911. Il est l’auteur de plusieurs anthologies et rédacteur de Moledet et de Mahbarot. Mais son vrai domaine est la critique littéraire. Il a laissé d’importants travaux et particulièrement un grand ouvrage sur Bialik.

À cette génération appartiennent aussi de nombreux prosateurs, mais il est difficile de caractériser exactement cette époque. Certains ont encore écrit en Europe, d’autres n’écrivent qu’après leur arrivée en Palestine, mais leurs sources d’inspiration sont souvent encore leur pays d’origine ; puis les thèmes palestiniens prennent le pas dans leur inspiration, le meilleur exemple étant Agnon*.

Déborah Baron (1877-1956) dépeint la bourgade de sa jeunesse en Lituanie, puis elle écrit des contes sur la Palestine à partir de 1911 : Menus Faits, Pour l’instant, et traduit Madame Bovary.

Asher Barash (1889-1952), arrivé en 1918 en Palestine, écrit notamment : Dans les montagnes (1927), Amour interdit (1939).

Gershon Schofmann (né en 1880) est un nouvelliste. Son premier recueil paraît à Varsovie en 1902. Deux ans plus tard, il quitte la Russie et vit jusqu’en 1938 à Vienne et à Lwów. Avec Brenner, il rédige Rvîvîm et Shaleket. Après la Première Guerre mondiale, il est rédacteur à Ha-Tekoufa. En 1938, il arrive en Palestine. Il traduit Peter Altenberg ainsi que Gorki et Tchekhov. Dans l’armée russe, il avait rencontré Uri Nissan Gnessine (1879-1913), avec qui il s’était lié d’amitié. Celui-ci avait fait ses études avec Brenner dans une yechiva. Il écrivait des poèmes, mais ce sont ses contes aux titres elliptiques qui le firent connaître : Ombres de la vie, Dans les jardins, Entre-temps, De côté, Avant que, À côté. S’il exprime les souffrances individuelles des jeunes, il lui manque la force de crier leur douleur.

Cette force est l’apanage de son ami Yosef Hayyim Brenner (1881-1921), qui fait éclater son profond désespoir. Parmi ses œuvres principales : l’Hiver (1904), Au-delà de la frontière (1907), De-ci de-là, Deuil et échec. Ses personnages, toujours conscients de leur propre échec scrutent leur âme. Ce désespoir de Brenner n’est pas stérile, il incite ses lecteurs à une vie nouvelle et créatrice. Son œuvre est l’une des sources de cette énergie libérée qui a soutenu l’effort persévérant des pionniers créateurs du pays d’Israël. Il est mort en 1921, assassiné durant les émeutes arabes.

Yishaq Dov Berkovitch (1885-1969) est l’excellent traducteur en hébreu de Chalom Aleichem (1859-1916), lui-même romancier en yiddish et en hébreu.

Moshe Smilansky (1874-1953), connu sous le pseudonyme de Havadja Mousa, écrit des récits sur les Arabes.

Il faut aussi dire un mot de l’histoire de la littérature, qu’ont illustrée Joseph Klausner (1874-1958), Fishel Lachover (1883-1947) et David Frishman (1865-1922), enfant prodige qui écrivait dès l’âge de quinze ans et s’est consacré à la critique littéraire.

Une grande part de l’œuvre littéraire moderne paraît dans Ha-Técoupa, auquel est lié le nom de son éditeur, Abraham Yosef Stybel (1885-1946). La maison d’édition Stybel édite encore des classiques mondiaux et un périodique, Miqlat (l’Abri), dirigé par Y. D. Berkovitch. La presse a joué un rôle important dans le développement de la littérature, et nous devons citer encore les noms de quelques publicistes de grand mérite, Rubin Brainin (1862-1939), Leib Lewinski (1887-1910), Marcus Ehrenpreis (1869-1951), Osias Thon (1870-1936).


Les années troubles

La révolution russe de 1917 coupe une partie des juifs de la littérature hébraïque, et pourtant certains auteurs demeurent en Union soviétique : H. Lensky (1905-1942?), Elisha Roudine (1888-1943), Abraham Freimann (1890-1952?), l’auteur du roman 1919. Des essais pour éditer des périodiques littéraires furent sans lendemain : le Son des cymbales à Kharkov en 1924, Bereshit à Moscou en 1927, ce dernier par Abraham Kariv, qui publia les contes d’Isaak Babel* traduits en hébreu.

Entre les deux guerres mondiales, la Pologne devient un centre important où commencent à écrire des auteurs dont la carrière souvent se poursuivra en Israël : Aaron Zeitlin (né en 1889), Uri Zvi Grinberg (né en 1894), Mattatyahou Shoham (Polakiewicz) [1898-1937], dont l’inspiration est biblique, mais qui exprime en même temps le conflit suprême des années troubles qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale.

D’autres centres brillent un certain temps : Berlin, puis l’Amérique, où paraît Ha-Doar, Bitsaron, fondé par Tchernovitz sous le pseudonyme de Rav Tsair, et où vécut longtemps Berkovitch, rédacteur de Ha-Toren (le Mât) et de Miqlat (l’Abri), certains écrivains trouvant leur source d’inspiration dans le cadre américain lui-même. Ainsi Benjamin Nahum Silkiner (1882-1933) écrit un poème épique inspiré par les Indiens : Face à la tente de Timoura ; c’est aussi le cas d’Ephraim E. Lisitsky (1885-1962) [le Brasier qui s’éteint]. Tous deux traduisent Shakespeare.

Mais en général le phénomène est identique pour l’Amérique et pour l’Europe orientale. La plupart des écrivains quittent leur pays d’origine et vont en Palestine, où ils trouvent un milieu naturel pour leur inspiration : milieu qui doit beaucoup à E. Ben Yehouda, restaurateur de la langue hébraïque.