Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hébert (Jacques) (suite)

 « Le Père Duchesne » d’Hébert, éd. critique par F. Braesch (Sirey, 1938). / A. Soboul, les Sans-Culottes parisiens en l’an II (Clavreuil, 1958) ; « Introduction » à la réédition du Père Duchesne (Éd. sociales, 1969). / L. Jacob, Hébert, le Père Duchesne, chef des sans-culottes (Gallimard, 1960).

hébraïque (littérature)

La littérature hébraïque remonte, avec des périodes fastueuses ou médiocres, à la plus haute antiquité, sans avoir toujours relevé d’une inspiration religieuse. Mais, avec le siècle des lumières, un renversement s’opère.


Déjà dans l’Espagne du xe au xive s. s’était développée une vaste littérature laïque juive. Pendant les années plus sombres des xvie et xviie s., au contraire, ses thèmes furent presque uniquement théologiques. La précarité de leurs droits, leur isolement, la haine et le mépris de leur entourage avaient en effet contraint les juifs à se replier sur eux-mêmes et à approfondir leurs propres littératures rabbiniques et cabalistiques. La poésie se cantonnait dans les cadres religieux de la liturgie (Piyyoutim), de l’élégie sacrée (Qinnot), de la prière (Tefillôt). C’est seulement en Hollande et en Italie que prirent naissance, parmi les rescapés d’Espagne, une littérature mondaine et une poésie semi-laïque avec Joseph Penso et Moïse Zacuto. Au xviiie s., l’image de cette littérature se modifie : débarrassée de l’influence médiévale, la littérature hébraïque prend un nouveau visage.


Renouveau et élargissement

La littérature hébraïque est désormais ouverte aux mouvements de modernisation et d’émancipation. Englobant toute la vie juive, elle n’est plus le fait d’un pays particulier. Ses forces créatrices se libèrent dans toute l’Europe, en particulier en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Galicie, en Russie. En outre, à la différence de la littérature hébraïque ancienne, exclusive et imperméable aux idées des autres civilisations, grecque ou arabe, elle élargit ses horizons dans une prise de conscience de tous les problèmes actuels. Cependant, si elle veut quitter le ghetto, elle n’entend pas abandonner le judaïsme.

Elle est donc autant attachée à la tradition que sensible à l’évolution économique, sociale et culturelle qui infléchit la vie juive.

C’est en Italie, où vit le cabaliste et poète Mosheh Hayyim Luzzatto (1707-1746), que commence cette littérature moderne. Ses drames historiques (Histoire de Samson) et allégoriques (la Tour de puissance ; Louange aux justes) sont neufs dans leur forme et leur contenu, mais il n’y a rien là de spécifiquement juif, l’atmosphère étant celle de la Renaissance italienne. Quel est le mérite de Luzzatto ? Il introduit une culture poétique, une fantaisie créatrice, un sens des rythmes, une fraîcheur et une beauté de langage que la poésie hébraïque n’avait plus connus depuis des siècles.

Son élève David Franco Mendez, d’origine espagnole, né à Amsterdam (1713-1792), écrit une Athalie imitée de Racine. Mais l’inspiration poétique, la plastique des images n’égalent pas les qualités de Luzzatto.

Si l’on peut considérer ce dernier comme le précurseur de la littérature hébraïque moderne, il faut cependant synchroniser ces débuts avec le mouvement de la Haskalah, le mouvement des lumières ; le nationalisme du xviiie s., le développement des sciences trouvent un écho dans le ghetto italien et parmi les juifs de Lituanie et de Prusse. Le gaon de Vilna lui-même juge qu’il faut apprendre la grammaire et d’autres sciences considérées jusque-là comme superflues, car des lacunes en ces domaines pourraient en entraîner de bien plus grandes dans la connaissance de l’Écriture.

Vers 1770 commencent à paraître des livres de sciences naturelles. Ainsi, Baruch Chklovsky écrit des livres d’anatomie, d’hygiène, d’astronomie, etc. Yehouda Leib Margaliot s’intéresse dans Lumière du monde aux sciences sociales, et dans les Coutumes (1777) à l’éthique. Juda Hurwitz quitte Vilna pour aller étudier la médecine à Padoue et écrit abondamment sur divers sujets : éthique, philosophie morale, instruction, fraternité, etc. Un autre Hurwitz, Pinchas, traite dans son Livre de l’Alliance des sciences naturelles et sociales, de la cabale et des idées philosophiques du xviiie s. Il faut remarquer que le mouvement de la Haskalah en Lituanie était fondé sur le judaïsme traditionnel et que les sciences laïques y restèrent soumises à la discipline religieuse. Il n’en allait pas de même en Prusse, où, sous l’influence de conditions sociales différentes, créées par l’assimilation, on avait tendance à abandonner les cercles fermés du judaïsme et à se tourner vers la culture européenne. La littérature hébraïque se détache de l’âme du judaïsme. La science s’émancipe du lien religieux. L’initiateur du mouvement fut Moses Mendelssohn (1729-1786) dans ses commentaires hébraïques sur le Pentateuque. C’est lui aussi qui, alors même que la plupart de ses œuvres ont été écrites en allemand, fit germer l’amour de l’hébreu en tant que langue, et son nom est le symbole de toute la Haskalah. Les reproches que lui firent certains maskilîm nationalistes d’une époque postérieure ne sont pas entièrement justifiés : il n’est pas responsable si la Haskalah allemande a mené parfois vers l’apostasie. Cette tendance était avant tout le résultat de facteurs sociaux et économiques.

Naphtali Herz Wessely (1725-1805), ami de Mendelssohn et son collaborateur pour les commentaires du Lévitique, eut également une grande influence sur la littérature. Il est l’auteur d’une œuvre philologique sur les synonymes hébreux intitulée le Jardin fermé. Il écrit également une Mosaïde selon le modèle de la Messiade de Klopstock, première tentative pour user de la langue hébraïque comme de n’importe quelle langue européenne. Il se fait le champion de la Haskalah dans son message aux juifs autrichiens (Paroles de paix et de vérité), qui les exhorte à accepter l’édit de tolérance promulgué par Joseph II.


Satire et tradition