Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Haye (La) (suite)

Quant à la station balnéaire, elle avait à faire face à un changement de clientèle : le passage du « tourisme de classe » au « tourisme de masse » ; les estivants aisés choisissent maintenant d’autres lieux, et, si Scheveningen mérite de moins en moins sa renommée de plage « chic », elle reste une station chère, concurrencée par les nouvelles implantations balnéaires de Zélande et des îles frisonnes notamment. Ici, la conversion est difficile et, depuis quelques années, le nombre d’estivants a tendance à stagner, voire à décroître.

J.-C. B.

➙ Randstad Holland.


La Haye, centre d’art

Cité aristocratique depuis le xiiie s., la ville prit un lustre tout particulier lors de l’installation du prince Maurice de Nassau, second stathouder. Il fit construire, non loin du Vijver, son palais, élevé en 1637 par Pieter Post (1608-1669) sur les plans de Jacob Van Campen (1595-1657). Cette demeure, de style renaissance hollandaise, renferme le musée royal des peintures, l’actuel Mauritshuis. Le Binnenhof, palais à vaste cour intérieure des anciens comtes de Hollande (fondé par Guillaume II de Hollande en 1248), subit maintes transformations et restaurations au cours des siècles, de même que l’hôtel de ville, élevé entre 1554 et 1556, puis agrandi au xviiie s. et au début du xixe s. Par contre, la Grote Kerk (Grande Église), ou église Saint-Jacques, a conservé son style gothique du xive s. malgré les incendies du xvie et du début du xviiie s. L’ancien palais royal construit en 1533, qui fut la demeure de la veuve de Guillaume le Taciturne, date dans sa forme actuelle de 1640 ; il n’a pas gardé l’unité de style de la Huis ten Bosch (la Maison du Bois), construite en 1647. Les principales peintures décoratives de cet édifice furent confiées à Jordaens*. Gerard Van Honthorst (1590-1656), Jan Lievens (1607-1674), Christiaen Van Couwenbergh (1604-1667) rivalisèrent avec le maître anversois. Plus tard, Guillaume II et Guillaume III appelèrent maints artistes des Pays-Bas et créèrent les précieuses collections de tableaux malheureusement dispersées au xviiie s.


Les peintres de La Haye au xviie siècle

L’activité du foyer culturel de La Haye était intense, et son actualité était vive en Hollande. Jan Anthonisz. Van Ravesteyn (v. 1570-1657) fut le premier des peintres attitrés de la cour des princes d’Orange, entre 1610 et 1630. Formé par Michiel Jansz. Van Mierevelt (1567-1641), Van Ravesteyn est cofondateur de la nouvelle confrérie des peintres de La Haye en 1656. Adriaen Hanneman (v. 1601-1671), le gendre de Van Ravesteyn, connut à Londres l’art de Van Dyck*. Il rentra à La Haye vers 1637 et travailla pour la princesse Marie d’Orange ainsi que pour les états de Hollande. Bartholomeus Van der Helst (1613-1670) devint le peintre officiel de la maison d’Orange. Gerard Van Honthorst, peintre éclectique par excellence, fut admiré à La Haye pour ses compositions décoratives s’inspirant tant de Rubens* que des Carrache*. Il exécuta des portraits et de grandes peintures pour les palais princiers de Ryswick, de Honselersdijk et de Huis ten Bosch.

Bartholomeus Van Bassen (v. 1590-1652), peintre d’architecture, doyen de la gilde de La Haye en 1627, dirigeait en 1639 la restauration de l’hôtel de ville. Il eut pour élève Gerard Houckgeest (v. 1600-1661). Parallèlement au grand mécénat princier, la bourgeoisie protégea nombre de peintres importants : Hercules Seghers (v. 1590 - v. 1640) travailla à La Haye ainsi que Jan Van Goyen*, Abraham Hendricksz. Van Beyeren (1620 ou 1621-1690), Paulus Potter (1625-1654) et Pieter de Hoogh*. Après cette période de protection princière de Maurice de Nassau, de Frédéric-Henri, son successeur, puis de son épouse Amalia Van Solms, La Haye conserve encore une grande activité picturale. Pieter Nason (1612-1688/1691) reste le chef de l’ancienne gilde de La Haye jusqu’en 1657. Caspar Netscher (1635 ou 1636-1684) fut un agréable peintre d’histoire. Son fils Constantin (1668-1723) perpétue la manière du portrait mondain jusqu’au xviiie s. Aert Schouman (1710-1792) et Rachel Ruysch (1664-1750) maintiennent la réputation artistique de La Haye au xviiie s.


L’école de La Haye au xixe siècle

Vers les années 1870-71, de jeunes peintres se regroupèrent à La Haye, dans le dessein de renouer avec la tradition hollandaise, dont les derniers vestiges avaient disparu à l’époque néo-classique. Parmi ceux-ci Johannes Bosboom (1817-1891), romantique à ses débuts et fortement influencé par Rembrandt* et Emmanuel de Witte (v. 1617-1692), créa des intérieurs d’église hauts en couleur et en effets de lumière. À ce premier réveil artistique participa Andreas Schelfhout (1787-1870), paysagiste romantique connu pour ses scènes hivernales, qui fut le maître de Jongkind*. Jacob Maris (1837-1899) peut être considéré comme le chef de l’école de La Haye. Nettement marqué par le réalisme de Daumier* et de Courbet*, il s’oriente ensuite vers l’impressionnisme contemporain. Ses frères Matthijs Maris (1839-1917), élève de l’académie de La Haye, et Willem Maris (1844-1910) évoluent également du romantisme vers le réalisme ; Hendrik Johannes Weissenbruch (1824-1903), élève de Schelfhout, unit la tradition nationale du paysagisme de Van Goyen à Ruysdael* à l’influence de l’école de Barbizon*. Hendrik Willem Mesdag (1831-1915) se fixe à La Haye en 1869. Peintre de marines, il appartient aussi à ce groupe réaliste. Il fit don en 1903 à l’État néerlandais de ses riches collections d’art français et hollandais contemporain, créant ainsi le musée Mesdag à La Haye. Anton Mauve (1838-1888) travailla à La Haye et à Laren, où il fonda une école. Vincent Van Gogh*, son cousin, suivit ses leçons à La Haye en 1882 et 1883. C’est Mauve qui lui révéla sans doute l’art de Millet*. Van Gogh étudia aussi les œuvres de Jozef Israëls (1824-1911), dont le fils, Isaäc Israëls (1865-1934), fera également partie de l’école de La Haye. George Hendrik Breitner (1857-1923) fut l’ami de Van Gogh lors de leurs débuts. Jongkind et Van Gogh connurent ainsi d’emblée l’avant-garde de l’art français grâce au milieu artistique de La Haye. Willem de Zwart (1862-1931), tout comme Breitner son ami, suivit les recherches expressionnistes. Jan Toorop (1858-1928) s’oriente vers un symbolisme voisin de celui de Gustave Moreau*, tandis que Willem Adriaan Van Konijnenburg (1868-1943) évolue dans un sens plus décoratif. Ainsi, l’école de La Haye, au xixe s. et à l’aube du xxe, tend à réconcilier son grand passé culturel avec les nouvelles voies de l’art moderne.

P. H. P.

 G. Colmjon, De Haagse School (La Haye, 1950). / J. de Gruyter, De Haagse School (La Haye, 1968 ; 2 vol.).