Haydn (Joseph) (suite)
VII. De 1796 à 1803 (année où il dut poser la plume) : Haydn se surpasse dans le quatuor à cordes et la musique chorale. Les neuf quatuors op. 76 (1797-1799), 77 (1799) et 103 (1803) innovent encore par rapport aux ultimes symphonies : finals en mineur dans des œuvres en majeur (op. 76 no 1 et 3) ; remplacement du menuet par de véritables scherzos (op. 76 no 1, op. 77 no 1 et 2) ; intensité expressive des célèbres variations de l’op. 76 no 3 (l’Empereur), du largo de l’op. 76 no 5 ; hardiesses tonales, harmoniques, polyphoniques et rythmiques inouïes de l’op. 76 no 6, à la fois musique expérimentale et chef-d’œuvre méconnu entre tous, ou de l’op. 77 no 2, qui défie les critères habituels d’analyse en traitant un matériau du xviiie s. à la façon du xxe. La version oratorio des Sept Paroles du Christ (1796), le second Te Deum (1799-1800), la Missa in tempore belli (1796), la Heiligmesse (1796-97), la Nelsonmesse (1798), la Theresienmesse (1799), la Messe de la Création (1801) et la Harmoniemesse (1802), surtout la Création (1798) et les Saisons (1801) offrent sur le plan vocal le pendant haydnien des grands opéras de Mozart. Les six grandes messes et les deux oratorios se dressent solitaires en leur temps. Le symphoniste s’y manifeste par l’importance de l’orchestre et l’absence de stéréotypes. Pas d’arias dans les messes, et très peu (dont aucun da capo) dans les oratorios. Sans cesse, solistes vocaux se mêlent ou s’opposent à la masse chorale, un peu à la manière d’un concerto grosso baroque, mais à des fins dramatiques saisissantes. Ce sont des chefs-d’œuvre d’architecture, non de lâches successions d’épisodes. Leur vitalité ne nuit en rien à leur portée spirituelle : on pense souvent à Bach plus qu’à Händel. Si les Saisons, suite de quatre cantates hautes en couleur, évoquent Weber et le Wagner du Vaisseau fantôme, c’est bien Tristan qu’annonce le prélude de la Création, page anthologique s’il en fut. Performance d’autant plus vertigineuse qu’elle émane d’un maître confondu, en ses débuts, avec d’obscurs compositeurs autrichiens du milieu du xviiie s., et que cette représentation du chaos originel s’inscrit avec cohérence, par-delà son côté visionnaire, dans la pensée musicale de Haydn.
M. V.
C. F. Pohl et H. Botstiber, Joseph Haydn (Berlin, 1875-1882, et Leipzig, 1927 ; 3 vol. ; rééd., Wiesbaden, 1970-71). / H. Jancik, Michael Haydn (Vienne, 1952). / H. C. R. Landon, The Symphonies of Joseph Haydn (Londres, 1955) ; The Collected Correspondence and London Notebooks of Joseph Haydn (Londres, 1959). / K. Geiringer, Joseph Haydn. Der schöpferische Werdegang eines Meisters der Klassik (Mayence, 1959) ; Haydn. A Creative Life in Music (Berkeley, 1963 ; nouv. éd., 1968). / M. Vignal, Franz-Joseph Haydn (Seghers, 1964). / D. Bartha, Haydn. Briefe und Aufzeichnungen (Kassel, 1965). / R. Hughes, Haydn (Londres, 1971). / C. Rosen, The Classical Style. Haydn, Mozart, Beethoven (Londres, 1971).
On peut également consulter le Haydn-Jahrbuch (Haydn-Yearbook [Vienne, 1962 et suiv. ; 8 vol. parus] et les Haydn Studien (Duisburg et Munich, 1967 et suiv. ; 8 vol. parus).