Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hawks (Howard)

Metteur en scène de cinéma américain (Goshen, Indiana, 1896).


Après avoir été aviateur puis instructeur dans un camp texan pendant la Première Guerre mondiale, Howard Hawks débute dans la profession cinématographique comme scénariste chez Jesse Lasky à la Paramount. Après un court séjour à la MGM en 1924, il est engagé par William Fox l’année suivante comme réalisateur (The Road to Glory). Son premier film important est Une fille dans chaque port (A Girl in Every Port, 1928), avec Louise Brooks et Victor McLaglen. Il affronte dès 1930 des genres très différents (sujets de guerre ; films d’aviation, films policiers, comédies sophistiquées, westerns) : la Patrouille de l’aube (The Dawn Patrol, 1930), le Code criminel (The Criminal Code, 1931), Scarface (1932, mais réalisé en 1930 et bloqué par la censure), La foule hurle (The Crowd roars, 1932), le Harpon rouge (Tiger Shark, 1932), Après nous le déluge (Today we live, 1933), Viva Villa (1934, film terminé et signé par Jack Conway après un différend entre Hawks et Louis B. Mayer), Train de luxe (Twentieth Century, 1934), Ville sans loi (Barbary Coast, 1935), l’Impossible M. Bébé (Bringing up Baby, 1938), Seuls les anges ont des ailes (Only Angels have Wings, 1939), la Dame du vendredi (His Girl Friday, 1939), Sergent York (Sergeant York, 1941), Air Force (1943), le Port de l’angoisse (To have and have not, 1945), le Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946), la Rivière rouge (Red River, 1948), Allez coucher ailleurs (I was a Male War Bride, 1949), la Captive aux yeux clairs (The Big Sky, 1952), Chérie je me sens rajeunir (Monkey Business, 1952), Les hommes préfèrent les blondes (Gentlemen prefer Blondes, 1953), Rio Bravo (1958), Hatari (1962), El Dorado (1965), Rio Lobo (1970).

Le héros hawksien, qu’il soit pilote d’avion, coureur automobile, shérif, chasseur, détective ou militaire, est celui dont la compétence professionnelle tient lieu de morale et presque de religion. Peu enclin à exposer par l’intermédiaire de l’image ses propres théories philosophiques ou ses ambitions intellectuelles, Hawks est un réalisateur « direct » qui sait s’effacer derrière son scénario tout en conduisant son intrigue d’une poigne de fer. Prônant la noblesse de l’action — et ce jusqu’à la violence —, la grandeur de l’effort, le culte de l’amitié (cette fraternité qui ne s’exprime jamais mieux qu’au milieu des dangers et des épreuves, voire des rivalités), l’obstination de ceux qui se sont fixé un but et n’ont de cesse de l’atteindre, le cinéaste n’en rejette pas pour autant le sentimentalisme et surtout l’humour. Par la variété de ses dons, Hawks apparaît comme l’un des représentants les plus séduisants du cinéma américain.

J.-L. P.

 P. Bogdanovitch, The Cinema of Howard Hawks (New York, 1962). / J. C. Missiaen, Howard Hawks (Éd. universitaires, 1966). / R. Wood, Howard Hawks (Londres, 1968). / J. A. Gili, Howard Hawks (Seghers, 1971).

Hawthorne (Nathaniel)

Écrivain américain (Salem, Massachusetts, 1804 - Plymouth, New Hampshire, 1864).


Avec la Lettre écarlate (The Scarlet Letter) [1850], Hawthorne n’écrit pas seulement l’un des plus grands romans américains. Il ouvre une tradition nouvelle, différente de celle de Fenimore Cooper. Au lieu du roman de l’espace, de la Prairie, c’est le roman du confinement, de la réclusion. Au lieu de la nature ouverte, une société fermée, où tout est inavoué, retenu, allusif. La Lettre écarlate est le premier grand roman puritain où l’oppressante atmosphère engendre une retenue, une litote presque classique et racinienne. Un tel confinement des passions ne pouvait exister que dans la capitale du puritanisme, à Salem, où Hawthorne situe l’action et où il est né et a vécu. Son père, officier de marine, meurt tôt. Il est élevé par une mère valétudinaire qui vit en recluse parmi les souvenirs du passé, évoquant le procès des sorcières de Salem, qui maudirent, avant de brûler vives, l’ancêtre des Hawthorne. Très tôt, le présent et le passé se mêlent chez le jeune Hawthorne, écrasé par le souvenir de « cet aïeul grave et barbu, au noir manteau et au chapeau conique, qui vint aborder en ces parages avec sa Bible et son épée et fit grande figure dans la guerre et la paix ». « Lui certes a droit de cité plus que moi en ces lieux. »

Obsédée de puritanisme, Salem vit encore à l’heure des commandements bibliques. Dans l’introduction à la Lettre écarlate, Hawthorne évoque cette ville sans parure ni divertissement, sans autre distraction que les cérémonies religieuses et les processions. S’il y dénonce la dictature puritaine d’autrefois, Hawthorne semble aussi la regretter, comparant le glorieux fanatisme de jadis à l’ennui d’une ville moribonde.

Génie isolé, terré, anxieux, Hawthorne est un homme aussi reclus que ses romans : « Quelquefois, écrit-il, il me semble que je suis déjà dans la tombe, avec juste assez de vie pour avoir conscience du froid qui m’engourdit. » Après ses études, il publie anonymement un premier roman, Fanshawe (1828), puis quelques nouvelles réunies dans Twice-Told Tales (Contes racontés deux fois, 1837), qu’Edgar Poe admire. Il travaille comme employé aux douanes, à Boston, puis à Salem. En 1841, il se joint à la communauté de Brook Farm, devient l’ami d’Emerson et de Thoreau et, en 1842, épouse Sophia Peabody. Mais, obsédé par la culpabilité humaine, il ne partage pas l’optimisme emersonien des transcendantalistes, et ne croit pas à la bonté de l’homme et de la nature. Dans The Blithedale Romance (1852), il fera une analyse critique de son expérience communautaire à Brook Farm.

Installé à Concord, il publie un second recueil de contes, Mosses from an Old Manse (les Mousses d’une vieille maison, 1846). La Lettre écarlate lui vaut le succès et l’amitié de Melville, qui vient d’achever Moby Dick. Sous les apparences d’un roman sur l’adultère, la Lettre écarlate est en fait une tragédie du destin, où l’amour n’est que le postulat du péché et le prétexte d’une tragédie plus profonde. Dans ce livre confiné dans le remords, Hawthorne fait vivre pendant sept ans sous le même toit le mari et l’amant, à l’affût l’un de l’autre, tandis que la femme coupable, marquée de l’infamante lettre A pour « adultère », est frappée d’ostracisme et chassée de la cité. L’honneur enferme les trois personnages dans un huis clos et assume l’oppression puritaine. Hawthorne a traité son roman en conte médiéval, comme une enluminure, où chaque objet, chaque geste, chaque couleur est symbolique. Pour certains critiques, ce roman est un apologue chrétien, décrivant la rédemption de l’âme de la pécheresse par la souffrance. En fait, c’est plutôt une œuvre critique où le péché est une rupture révolutionnaire qui dénonce l’oppression morale et exige satisfaction pour l’être humain. Moins qu’un roman de la rédemption, c’est plutôt la libération de la femme que semblent incarner l’héroïne, Hester Prynne, et sa fille Pearl, qui bénéficiera de la révolte de sa mère : l’enfant du péché fera un riche mariage, quittera la petite ville puritaine et vivra heureuse.