Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Haute-Volta (suite)

Vers 1890, à la veille des interventions de Samory et des Français, la carte politique de la Haute-Volta est indécise, et les hégémonies traditionnelles sont bien menacées : querelles dynastiques ; guerres incessantes contre les Samos et les Peuls au Yatenga ; réduction de la souveraineté du Gourma à quelques villages ; décomposition du royaume ouattara de Bobo-Dioulasso ; faiblesse du Liptako ; de plus, dans le Sud et le Sud-Ouest, razzias continuelles des Zermas depuis 1860, razzias de Kong et razzias des Sénoufos du royaume du Kénédougou (Mali) en 1888, 1891-92. C’est dans ce contexte qu’apparut Samory. Dès 1896, son fils Sarankényi Mory arbitrait les conflits entre Zermas, occupait le Bondoukou (Côte-d’Ivoire) et battait les Anglais à Dokita (Ghāna). Après avoir détruit Kong, Samory voulut réduire le royaume ouattara de Bobo-Dioulasso et fit converger trois colonnes sur la ville, qui ne fut sauvée que par l’intervention française.

Celle-ci avait été préparée par les explorations de L. G. Binger (1886-1888), F. Crozat (1890) et P. L. Monteil (1890-91). La conquête du Soudan, les compétitions avec l’Allemagne et surtout la Grande-Bretagne accélérèrent les initiatives françaises. Elles débutèrent au nord et à l’est, mêlant actions diplomatiques et militaires. Déjà, Monteil avait obtenu un traité de protectorat du Liptako (mai 1891) et des assurances au Yatenga. Dès janvier 1895, le commandant Decœur, venu du Nord-Dahomey, signa un traité avec le roi du Gourma en prenant de vitesse les Allemands. En 1894 et 1895, G. M. Destenave, résident militaire à Bandiagara, fut sollicité d’intervenir dans la guerre civile au Yatenga, et le naba accepta le protectorat (mai 1895). Cependant, les Britanniques menaçaient de devancer les Français au Yatenga, où ils avaient offert une alliance. Destenave confia alors une colonne au lieutenant P. Voulet afin de rétablir l’ordre au Yatenga et d’obliger le naba de Ouagadougou à accepter la tutelle française ; ce dernier préféra s’enfuir en Côte-de-l’Or (Gold Coast), ce qui permit à Voulet de le faire destituer et de passer un traité avec son successeur, solennellement élu (janv. 1897). Entre-temps, il avait mis le Gourounsi sous protectorat en battant les Zermas (sept. 1896).

De 1897 à 1899, des opérations de détail assurèrent l’installation française en pays mossi. Enfin, au sud-ouest, l’offensive contre Samory amena le commandant P. C. Caudrelier à occuper Bobo-Dioulasso en juin 1898. La convention, signée à cette date avec la Grande-Bretagne, puissance occupée ailleurs, consacra l’établissement français, sinon la pacification, puisque les populations bobo et lobi, sans État, n’étaient pas encore soumises, lorsque éclata la Première Guerre mondiale (1914).

De 1899 à 1919, la future Haute-Volta fut englobée dans le territoire du Haut-Sénégal-Niger. Les nabas conservèrent des prérogatives jusqu’en 1904-1905, puis devinrent des exécutants réduits à un rôle honorifique et religieux dans leurs royaumes transformés en « cercles ». Les autres régions furent soumises à l’autorité directe des administrateurs. Celle-ci se heurta, pendant la Première Guerre mondiale, à une des plus graves révoltes d’Afrique noire. Bwas, Bobos animistes et Markas musulmans, encouragés par la mobilisation des Européens, se soulevèrent contre le recrutement militaire et les exactions qui l’avaient accompagné. La révolte, partie du cercle de Dédougou, déborda vite au nord, dans les cercles de San et Bandiagara, et, au sud, en pays lobi. Il fallut plusieurs colonnes pour vaincre la résistance acharnée (déc. 1915 - sept. 1916).

En 1919, le Haut-Sénégal-Niger, considéré comme trop vaste, fut scindé : huit cercles constituèrent la Haute-Volta (mars). Pour cause d’économie et pour faciliter l’émigration souhaitée par l’Office du Niger, celle-ci disparut en 1932, ses cercles étant distribués au Soudan, à la Côte-d’Ivoire et au Niger. Elle ne fut reconstituée qu’en 1947. Ces avatars de la naissance de la nation moderne illustrent bien les difficultés et l’isolement de ce pays, où le chemin de fer n’atteignit Ouagadougou qu’en 1954.

Dès 1946, cependant, un Voltaïque, militant écouté du Rassemblement démocratique africain (R. D. A.), Ouezzin Coulibaly, fut élu député. Vice-président du Conseil local en 1957, il laissa la place à un ancien syndicaliste chrétien, Maurice Yameogo. À la proclamation de la république (1958), celui-ci orienta son pays vers l’adhésion à la Communauté, puis au Conseil de l’Entente (Côte-d’Ivoire, Dahomey, Niger) en 1959. En août 1960, la Haute-Volta devint indépendante. Mais les graves problèmes financiers et l’opposition croissante des syndicats, de la jeunesse et de l’armée aboutirent à la prise du pouvoir par cette dernière, sans effusion de sang, en janvier 1966. Le régime original où collaborent militaires (le général Sangoulé Lamizana) et civils (Gérard Ouedraogo), mis en place, est parvenu à éviter la banqueroute, mais la Haute-Volta reste, avant tout, le réservoir de main-d’œuvre de la Côte-d’Ivoire.

M. M.


La population

Avec plus de 5 millions d’habitants, c’est un pays surpeuplé par rapport à ses ressources (densité supérieure à celle de la riche Côte-d’Ivoire voisine), ce qui explique l’importance de l’émigration en Côte-d’Ivoire (600 000 personnes) et au Ghāna (150 000 personnes). La densité de population atteint 30 à 45 habitants au kilomètre carré dans certains secteurs du pays mossi. Deux villes dépassent 50 000 habitants (Ouagadougou, 130 000 hab., et Bobo-Dioulasso, 95 000 hab.).

La carte ethnographique de la Haute-Volta apparaît comme une mosaïque de plus d’une centaine de peuples. De cet ensemble se détachent le groupe ethnique mossi (2,5 millions), qui représente à lui seul la moitié de la population, et les groupes apparentés gourounsi et gourmantché. Le Sud-Ouest (autour de Bobo-Dioulasso) est occupé par des peuples appartenant au groupe voltaïque (Bobos, Sénoufos, Lobis) ou au groupe mandé (Dioulas, Markas, Samos, Boussangas, Bissas) ; au nord, on trouve également des Peuls et des Touaregs. L’animisme, grâce aux structures « féodales » des royaumes mossis, s’est maintenu, cependant que les missions catholiques ont implanté le christianisme parmi les « évolués » ; en revanche, dans la région de Bobo-Dioulasso, l’islām introduit par les Dioulas tend à l’emporter et gagne, par ailleurs, dans l’ensemble du pays.