Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hanovre (dynastie de) (suite)

George III, roi de 1760 à 1820

George III (1738-1820) est, sans aucun doute, la personnalité la plus intéressante de toute la dynastie hanovrienne. Élevé à Leicester House auprès de sa mère, Augusta de Saxe-Gotha, dans une atmosphère « new tory », il avait fait du « roi patriote » de Bolingbroke son idéal politique : il était fermement décidé à régner. Aussi toute l’histoire de son règne se divise-t-elle nettement en deux périodes : celle pendant laquelle il réussit peu à peu à imposer ses vues et celle pendant laquelle il dut s’incliner devant le Parlement et les partis. Le paradoxe est qu’il ne devint vraiment populaire que pendant cette seconde période...


Le gouvernement personnel du roi (1760-1780)

Dès son avènement, George III s’attaqua à Pitt*, qui venait pourtant de mener l’Angleterre à de nombreuses victoires au cours de la guerre de Sept Ans. Mais il lui fallut un an pour provoquer la chute du grand ministre (1761). Il fut d’abord incapable de le remplacer : son favori, lord Bute (1713-1792), était très impopulaire, à la fois comme ennemi de Pitt et comme Écossais, et il ne put rester que peu de temps au pouvoir (1762-63) ; au moins mit-il fin à la guerre et signa-t-il le traité de Paris, qui donnait à l’Angleterre le Canada et les terres situées entre le Mississippi et les colonies anglaises d’Amérique, la Floride, tout un groupe d’îles des Antilles (dont Grenade), le Sénégal et Minorque, tandis que la France devait laisser les mains libres à l’Angleterre en Inde. Par la suite, le roi dut, de nouveau, faire appel à des ministres whigs, George Grenville (1763-1765), lord Rockingham (1765-66) et même Pitt (devenu lord Chatham), qui forma un grand ministère où figuraient des représentants de tous les partis. Mais, à partir de 1770, ce ministère se transforma en un ministère North, qui devait durer jusqu’en 1782.

L’important est que, dans ces ministères, le roi s’arrangea pour disposer toujours d’un allié sûr, qui lui rapportait tout ce qui se passait dans les conseils les plus restreints et qui, éventuellement, pouvait se livrer à un véritable travail de sape : Robert Henley Northington (v. 1708-1772) joua ce rôle notamment. La chose devint inutile avec le ministère de Frederick North (1732-1792) qui, lui-même, remplissait cet office d’ « œil du roi ».


La personnalité du souverain

Décidé à régner et à régner de manière constitutionnelle, George III, accomplit un travail énorme. Chaque jour, il adressait à ses ministres de longues lettres dans lesquelles étaient fixés les moindres détails de leur action. Il était aussi persuadé de la grandeur de l’Angleterre : il se sentait d’ailleurs profondément anglais, et par là il rompit entièrement avec le passé de la dynastie hanovrienne. Il était animé d’un courage moral indéniable : lorsque des décisions contraires à ce qu’il estimait être les intérêts de la Grande-Bretagne lui furent imposées, il envisagea sérieusement d’abdiquer. Enfin, l’un des éléments qui fit le plus pour lui gagner l’estime et l’affection de son peuple fut la simple dignité de sa vie : goût pour la campagne et les travaux agricoles, existence quotidienne très familiale. Bien qu’il eût un moment envisagé d’épouser lady Sarah Lennox, George III, après son mariage avec Charlotte de Mecklembourg, se montra un mari fidèle et attentionné.

Cela dit, George III n’était pas sans défauts. Tout d’abord, pour faire aboutir ses visées politiques, il n’hésita pas à employer les mêmes moyens que ses adversaires : tout comme R. Walpole ou le duc de Newcastle (1693-1768), il eut recours à la corruption sur une grande échelle. Le trait le plus néfaste de son caractère était une obstination et une certaine étroitesse d’esprit qui, par moments, confinait à la puérilité. C’est ainsi qu’il marqua toujours la plus grande hostilité au leader des whigs, Charles James Fox (1749-1806), et qu’il s’opposa avec fermeté à toute amélioration du sort des catholiques, allant même jusqu’à renvoyer son fidèle ministre Pitt (le Jeune) pour ce motif. Plus sérieuse enfin fut la maladie qui, l’ayant atteint dès 1765, ne se révéla grave qu’à partir de 1788 : il s’agissait d’une véritable folie furieuse, qui obligeait le souverain à une retraite totale. Les bons soins du docteur Willis lui permirent, cependant, à part quelques périodes de crises violentes, de continuer à remplir son office : mais, après 1811, sa folie rendit la nomination d’un régent nécessaire.


L’échec de la politique royale (1780-1783)

Le caractère du souverain est pour beaucoup dans l’échec que subit sa politique. Ainsi, il est évident qu’il a très mal compris le problème américain. Partisan de la fermeté à l’égard des colonies « ingrates », il n’avait pourtant pas les capacités exceptionnelles qui auraient été nécessaires pour organiser des forces britanniques capables à la fois de battre les troupes-américaines et de résister à la marine française. L’échec de la Grande-Bretagne, entériné par le traité de Versailles (1783), qui reconnaissait l’indépendance des États-Unis et restituait à la France et à l’Espagne un certain nombre de territoires, sonnait le glas de la politique de George III. D’ailleurs, bien d’autres événements avaient montré la nécessité d’un changement : ainsi les violentes émeutes de 1780 à Londres (les Gordon Riots). Surtout, le contrôle qu’exerçait le roi sur le personnel politique s’atténuait. Dès 1780, la Chambre des communes votait le texte présenté par John Dunning (1731-1783) : « Le pouvoir de la Couronne a augmenté, augmente et devrait être réduit. » En 1782, le roi dut rapidement substituer au ministère Rockingham un ministère Shelburne où figuraient, aux côtés des disciples du vieux Pitt (dont William Pitt le Jeune), ses propres amis ; il dut accepter en 1783 la formation d’un ministère de coalition qui regroupait les tories de North, ulcérés d’avoir été abandonnés par le roi, et les whigs de Fox, l’homme politique le plus haï du souverain.