Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hamsun (Knut) (suite)

La Faim n’est que le prélude d’une vaste œuvre, le roman Mystères (1892), qui révèle de nouveaux traits de caractère chez son auteur. À travers des personnages de fiction — dont Nagel est le plus attachant : l’étranger dans la vie, le « fou » qui a raison, exalté et asocial —, Hamsun dévoile son antipathie à l’égard de ce qui est établi et reconnu : le récit est semé de paradoxes pour ou contre la politique norvégienne et à propos d’auteurs tels que G. de Maupassant*, L. Tolstoï*, H. Ibsen*, V. Hugo*. De toute sa « logique subjective », Hamsun s’élève contre une littérature qui manque d’exubérance, de générosité, de chaleur lyrique. Les romans suivants, le Rédacteur Lynge et Terre nouvelle (1893), qui sont en partie une attaque contre les nouveaux talents démunis de cette généreuse inspiration, sont écrits dans un style plus réaliste.

Le lyrisme de Knut Hamsun se déploie dans les romans Pan (1894) et Victoria (1898), véritables poèmes en prose. Dans Pan, les paysages du Nordland sont vécus intensément ; la vertu de l’homme paraît, avant tout, être l’extase devant la nature et l’amour partagé. L’âme suit le rythme et le cycle des saisons : « Le ciel était partout pur et ouvert ; je fixais cette mer limpide, couché, c’était comme si j’étais en face du fond de l’univers, comme si mon cœur battait vivement contre cet unique fond et y était à son port d’attache. » Roman d’amour, Pan est, cependant, plus encore un roman sur la fusion intime de l’âme et la nature. Victoria est le « roman de l’amour » — amour rendu impossible par les mouvements impérieux et incontrôlables du cœur —, un panorama de ses phases innombrables, car l’amour est une force naturelle que l’esprit ne peut dompter, que l’âme subit et que le caractère complique : « Oui, qu’est-ce que l’amour ? Un vent qui souffle parmi les roses ? Non, une phosphorescence jaune dans le sang. L’amour est une musique infernale qui fait même danser les cœurs des vieillards. Il est comme la marguerite qui s’ouvre grandement à la venue de la nuit et il est comme l’anémone qui se ferme devant un souffle et qui meurt au toucher. Ainsi est l’amour [...]. »

Il y a aussi, chez Hamsun, le personnage du « vagabond », de l’homme indépendant, solitaire et errant. Presque tous ses héros appartiennent à cette race en marge de la société et fils de la nature : dans la Faim le poste déraciné, dans Pan le chasseur nomade, dans Mystères Nagel, l’homme d’ailleurs et l’ « idée fixe de Dieu », dans Moine Vendt (1902) l’aventurier, héros sans doute à l’image du jeune Hamsun, en révolte contre un monde égoïste et pratique. L’œuvre de l’écrivain vieillissant est empreinte d’une vague tristesse. Et la Dernière Joie (1912) marque le passage à un style plus moraliste, plus accusateur. Hamsun s’en prend à la société moderne et à sa demi-culture, à la génération des parvenus et à la chasse au profit (Enfant de son époque, 1913 ; la Ville de Segelfoss, 1915). Il loue la vie paysanne et primitive (les Fruits de la terre, 1917). Labourer, produire, vivre en accord avec son milieu naturel, tel est le message de cette épopée du défricheur Isak. Hamsun achètera lui-même dans le sud de la Norvège un vieux manoir dans lequel il vivra en « patriarche » entouré des siens. Mais sa verve littéraire n’en faiblira pas pour autant. Il écrit parmi d’autres œuvres une trilogie pleine d’humour (Vagabonds, 1927 ; August, 1930 ; Mais la vie continue, 1933), dont le personnage principal est August, l’aventurier à l’âme légère, le faiseur de contes dont l’esprit est hanté par le progrès moderne. Ce personnage comprend ce que Hamsun désapprouve ; il n’en est pas moins l’un des caractères les plus attachants de cette veine romanesque.

À travers l’œuvre de Hamsun vibre une note presque païenne. La joie et la volonté de vivre y sont intenses, tandis qu’à chaque instant transparaît l’angoisse de la mort. Le sentiment de l’abîme final rend chaque fraction de vie précieuse et crée un amour insatiable de toute chose. C’est pourquoi l’esprit de Hamsun s’aventure dans des rêves sauvages, loin de l’ordinaire et du commun.

S. C.

 J. Wiehr, Knut Hamsun. His Personality and Outlook upon Life (Northampton, Mass., 1922). / W. A. Berendsohn, Knut Hamsun. Das unbändige Ich und die menschliche Gemeinschaft (Munich, 1929). / T. Hamsun, Knut Hamsun. Mein Vater (Leipzig, 1940) ; Knut Hamsun (Oslo, 1952). / S. S. Nilson, En Ørn i Uvaer (Oslo, 1960).

Han (époque)

Une des plus brillantes périodes dynastiques chinoises (206 av. J.-C. - 220 apr. J.-C.), pendant laquelle se continua l’œuvre d’unification et d’extension de l’empire entreprise par Qin Shi Huangdi (Ts’in Che Houang-ti) dès 221 av. J.-C. (V. Chine.)


L’époque Han est traditionnellement divisée en Han antérieurs et en Han postérieurs en raison des capitales successives de Chang’an (Tch’ang-ngan), au Shănxi (Chen-si), et de Luoyang (Lo-yang), au Henan (Ho-nan).

L’art de la dynastie Han, à ses débuts, continue sans rupture celui du iiie s. av. J.-C., mais, à partir du règne de Han Wudi (Han Wou-ti) [140-87], un tournant décisif est marqué, tant du point de vue historique que du point de vue artistique. La Chine connaît alors un rayonnement intense, et son influence s’étend bien au-delà de ses frontières. Des objets de provenances diverses ont été trouvés dans les tombes de la commanderie de Lolang, en Corée*, une des préfectures les plus éloignées de la capitale. À la Cour, comme dans les provinces, sont créés des ateliers d’État, spécialisés dans le travail du métal, du laque*, du jade, de la soie, etc. La production artisanale augmente considérablement pour répondre à la demande constante d’une clientèle plus vaste et éclectique.

Actuellement, ce qui nous est parvenu sur cette période reste essentiellement lié aux rites funéraires. En effet, la sépulture du défunt devait reproduire, de façon plus ou moins exacte, son habitation terrestre. Deux tombes fouillées en 1968 dans la région de Baoding (Pao-ting), au Hebei (Ho-pei), ont mis au jour un mobilier d’une richesse exceptionnelle. Des bronzes dorés ou incrustés d’or et d’argent, des soieries très fines et surtout des « habits mortuaires », faits de petites pièces de jade trouées et liées entre elles par des fils d’or, révèlent le luxe que pouvait atteindre la tombe d’un personnage de haut rang.