Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hainaut (suite)

L’avènement successif des deux filles de Baudouin VI, Jeanne (1188-1244, comtesse de 1205 à 1244) et Marguerite de Flandre (1202-1280, comtesse de 1244 à 1280), permet aux rois de France d’affaiblir la triple dynastie comtale. Le double mariage de Marguerite avec le comte Bouchard d’Avesnes en 1212 et le comte Guillaume II de Dampierre en 1225, la guerre civile qui s’ensuit entre les enfants des deux lits la disloquent. Arbitrant le conflit, Louis IX accorde en 1246 la Flandre aux Dampierre et le Hainaut aux d’Avesnes. Dépossédé en 1253 par Marguerite de Flandre au profit de Charles d’Anjou, Jean Ier d’Avesnes (1218-1257) se voit restituer son comté par Louis IX, qui rend le « dit » de Péronne en 1256. Cet arbitrage, qui est prononcé sous réserve des droits de l’empereur, détache en fait de l’Empire le Hainaut. Déjà contraint de jurer de respecter les lois et les coutumes des villes hennuyères pour s’assurer de leur fidélité, Jean II d’Avesnes (comte de 1257 à 1304) doit alors reconnaître la suzeraineté de Philippe IV le Bel sur l’Ostrevent.


Le problème de l’union personnelle avec la Hollande (xive-xve s.)

Mais, à l’heure où sa principauté semble s’intégrer au royaume de France, l’héritage du comté de Hollande, qui échoit à Jean II en 1300, oriente de nouveau le Hainaut vers l’Empire, aux destinées duquel l’associent encore plus étroitement l’acquisition en 1323 du comté de Zélande par Guillaume Ier (1280-1337, comte de 1304 à 1337) et surtout le mariage avec l’empereur Louis IV de Bavière de la petite-fille de Jean II, Marguerite, en 1324. À la mort sans postérité de son frère Guillaume II (1307-1345, comte de 1337 à 1345), Marguerite accepte de tenir en fief de son époux Hainaut, Hollande et Zélande jusqu’à ce que son fils Guillaume III lui soit donné comme successeur. Son refus d’accepter cette solution déclenche une guerre civile particulièrement vive en Hollande* entre la mère et le fils. La mort de Marguerite en 1356, la folie de Guillaume III en 1358, la régence (1358-1389), puis le règne de son frère cadet Albert de Bavière (1336-1404, comte de 1389 à 1404) consolident la nouvelle principauté. Les habitants du Hainaut prennent conscience de leur originalité, qui s’affirme par les coutumes du pays et par les franchises des villes (Valenciennes, Mons), que des « parlements », bientôt qualifiés d’états, défendent à partir du milieu du xive s.


Le Hainaut depuis la perte de l’indépendance (xve-xxe s.)

Par le traité de Delft du 3 juillet 1428, Jacqueline de Bavière (1401-1436), petite-fille d’Albert de Bavière, cède ses États à son cousin le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, qui prend en 1433 le titre de comte de Hainaut. Partie intégrante des États des Valois-Bourgogne, puis des Habsbourg, qui l’incorporent définitivement en 1529 aux Pays-Bas espagnols, le Hainaut méridional seul est restitué à la France par les traités des Pyrénées de 1659 (Le Quesnoy, Landrecies), d’Aix-la-Chapelle de 1668 (Binche, Charleroi) et de Nimègue de 1678 (Bouchain, Valenciennes). Le Hainaut français est érigé en 1678 en intendance de Valenciennes, et rattaché en 1713 au parlement de Douai. Autrichien en 1714, annexé par la France, qui le constitue en département de Jemmappes en 1795, le Hainaut septentrional devient une province néerlandaise en 1814, puis belge en 1830.

P. T.


La population et l’économie

La population est nombreuse, près de deux millions de personnes, soit une densité moyenne (extrémité sud-est exclue) de 350 habitants au kilomètre carré. Cette population est de langue française, fortement urbanisée et surtout concentrée dans une bande centrale allant de Valenciennes à Charleroi, avec une digitation le long de la Sambre.

Le Hainaut est une riche région agricole, aux structures et aux paysages variés. Le sud-est est essentiellement herbager (plus de 90 p. 100 de prairies permanentes) et bocager, consacré à l’élevage des bovins, surtout pour le lait. L’habitat est groupé, mais les villages s’étirent le long des routes. À l’extrême sud-est, sur l’Ardenne au sens strict, les massifs forestiers tiennent une grande place. Au sud-ouest, le bocage fait place, très vite, à des champs ouverts, et l’herbe à des cultures de blé et de betterave à sucre — l’élevage se fait à l’étable —, et les maisons se groupent en gros villages : c’est le paysage du Cambrésis. Vers le nord, l’évolution est plus lente ; c’est une agriculture mixte où la superficie consacrée à l’élevage n’occupe que la moitié de la surface agricole utile (le blé, 10 à 20 p. 100 ; la betterave à sucre, 2 à 10 p. 100). En allant vers le nord-ouest, on se rapproche du type flamand : multiplicité des produits, cultures dérobées. L’habitat est encore groupé, mais en ordre lâche : les maisons s’entourent de jardins et d’herbages.

Les frontières (qui ont varié) ont joué un rôle dans l’organisation de l’espace. Le Hainaut est au croisement de deux axes fondamentaux de l’Europe du Nord-Ouest : la route nord-sud des pays bas vers la France et la route ouest-est de la mer du Nord vers Cologne et la Ruhr ; l’étoile des voies romaines autour de Bavai* en est la matérialisation. Mais, en l’absence d’unité politique après le règne de Louis XIV, la France a joint par voie d’eau Valenciennes à Dunkerque et creusé vers Paris le canal de la Sambre à l’Oise, le canal de Saint-Quentin et le canal du Nord. En 1973, le travail est encore loin d’être achevé, et il n’y a pas de liaison entre l’Escaut et la Sambre, dont la vallée demeure séparée du reste de la région du Nord. Le passage de la frontière est toujours difficile. Les Belges ont soigné les liaisons vers le nord : Charleroi est maintenant à l’extrémité sud de l’axe ABC (Anvers - Bruxelles - Charleroi), mais l’ouest du Hainaut a été moins favorisé. Actuellement, les projets d’agrandissement des canaux et les autoroutes (Bruxelles - Paris par Valenciennes et autoroute de Wallonie, partie de l’axe Dunkerque-Ruhr, presque achevées en 1972) doivent matérialiser de nouveau les grands axes : le Hainaut redevient une plaque tournante.

Vieille région industrielle avec le textile et l’industrie du fer, les deux Hainauts, belge et français, ont bénéficié de la présence de bassins houillers. Mais actuellement, la récession houillère s’ajoutant à des problèmes dans d’autres branches, des reconversions s’imposent.