Hadrien (suite)
Ces voyages eurent des conséquences plus heureuses. L’empereur s’attaqua à une économie qui en était encore à un stade arriéré dans de nombreuses régions et chercha à améliorer le sort des paysans pour obtenir une meilleure production. Dès le début de son règne, il intervint dans l’économie agraire de l’Égypte et, par une loi générale, il permit aux cultivateurs d’acquérir des droits sur les terres en friche à condition de les cultiver. En outre, il fit apporter un très grand soin au bornage des terres.
Pour assurer l’unité du monde romain et son renouveau, Hadrien s’intéressa à l’administration de l’empire. La tendance dominante poussa à la centralisation ; le conseil du prince fut renforcé dans son rôle et reçut un noyau de « permanents » choisis par l’empereur, particulièrement parmi les jurisconsultes. Les constitutions impériales, prises en conseil, formèrent désormais l’essentiel de la législation, et une interprétation uniforme de la loi fut assurée par la codification de l’édit du préteur (Édit perpétuel de 131). Les bureaux devinrent les organes les plus efficaces de l’administration ; ils furent dirigés par des chevaliers, fonctionnaires au service exclusif de l’empereur. L’ordre équestre fut le meilleur appui de l’empereur, et ses membres eurent leur carrière fixée dans ses échelons, rétributions et titres. Avec leur aide, Hadrien prit un soin tout particulier des finances et de la justice, où pénétrèrent les idées d’humanité et de respect de l’individu sous l’influence de la pensée grecque. Dans l’intérêt de l’équilibre général de l’empire, Hadrien tenta d’arrêter la décadence de l’Italie ; mais les moyens employés, l’envoi de curateurs dans les cités pour en surveiller les finances et la création de quatre districts avec des consulaires à leur tête, enlevèrent à l’Italie une partie de la place juridique privilégiée qu’elle avait jusqu’alors. Ces mesures furent assez mal accueillies par les sénateurs, dont le rôle dans l’État se trouvait amoindri et le prestige atteint.
Comme ses prédécesseurs, Hadrien ne négligea pas les grands travaux, d’autant qu’il pensait être lui-même un excellent architecte. À Rome, il fit élever son propre mausolée (l’actuel château Saint-Ange), la rotonde du Panthéon et le temple de Vénus et de Rome aux deux cellae adossées. Son action s’exerça aussi dans les provinces et particulièrement à Athènes ; après avoir fait terminer l’Olympieion, il dota la cité d’un gymnase et d’une bibliothèque. Mais son œuvre la plus caractéristique fut sa villa de Tibur (Tivoli), où l’ensemble des bâtiments et des jardins reproduisait ce qu’il avait le plus admiré durant ses voyages et contenait les plus belles œuvres d’art.
L’empereur ne pensa qu’assez tard à sa succession ; il l’établit sur les bases de l’hérédité. En 136, il adopta L. Ceionius Commodus Verus, sans doute son fils bâtard ; de santé médiocre et de mœurs douteuses, ce dernier mourut dès janvier 138. Hadrien adopta alors Antonin*, son neveu par alliance, à charge pour lui d’adopter le fils de L. Ceionius Commodus Verus, et Marc Aurèle*, un descendant du père de Trajan. Antonin, dans la pensée d’Hadrien, ne devait être qu’un intermédiaire avant l’accession au pouvoir des deux jeunes gens.
Hadrien mourut le 10 juillet 138. Cet intellectuel intelligent, quoique vaniteux et irascible, et attiré par le beau sous toutes ses formes (cf. son attachement pour son favori Antinoüs), fut l’une des individualités les plus difficiles à cerner de son temps : « varius, multiplex, multiformis ».
J.-P. M.
B. d’Orgeval, l’Empereur Hadrien. Œuvre législative et administrative (Domat-Montchrestien, 1950). / M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien (Plon, 1952). / S. Perowne, Hadrian (Londres, 1960). / Les Empereurs romains d’Espagne (C. N. R. S., 1965).