Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

habillement (suite)

L’industrialisation pour le prêt-à-porter de grande diffusion est irréversible : l’évolution des modes, toujours plus rapide, exige une production accélérée. C’est le seul moyen qui permettra de lutter contre une concurrence étrangère très vive : Pays-Bas (Berghaus), Allemagne fédérale (Becker et Ralph), Italie et Grande-Bretagne. L’industrie du prêt-à-porter britannique a sur la nôtre le privilège de s’être organisée en grosses unités de production après la Première Guerre mondiale : c’est dire que l’Anglais fut acquis à la confection bien avant nous. Actuellement, c’est le groupe Steinberg qui a charge, entre autres, d’éditer les créations de Mary Quant. Alors que les exportations françaises, dans l’industrie de l’habillement, ont progressé de 30 p. 100 en 1971 par rapport à 1970, les importations n’ont progressé dans le même temps que de 25 p. 100. C’est dire que le taux de couverture est satisfaisant.

Confronté aux besoins nouveaux du marché, l’industriel a dû remettre en question son processus de fabrication. Le phénomène de la mode a pris une telle ampleur que l’industriel risquait de voir sa production démodée avant même qu’elle ne soit sortie. La préparation d’une collection d’une centaine de modèles exige un an et il faut commander les tissus trois mois avant leur livraison. Sondages, statistiques, planification président désormais à l’élaboration des modèles conçus, au sein d’un bureau de recherches, par des stylistes. La concertation entre tisseurs et fabricants est devenue impérative et a suscité la création d’un « Comité de coordination des industries de la mode » pour le vêtement féminin et celle du « Modom » pour l’habillement masculin. Les jeunes constituent un marché non négligeable : la tranche d’âge comprise entre 15 et 19 ans assure, à elle seule, le sixième du chiffre d’affaires global. Comme tout produit industrialisé, la création d’un modèle est fonction de sa rentabilité : son coût de fabrication doit être justifié par sa conformité avec la mode et par ses possibilités de vente. Les anciens barèmes de tailles ont été revus et unifiés dans un souci de productivité industrielle et commerciale. Les tailles normalisées, établies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par la C. E. T. I. H. et par l’AFNOR, sont, ainsi, progressivement adoptées par les fabricants ; les perspectives du Marché commun ont même inspiré la recherche d’une normalisation internationale, mais les différences de conformation des individus d’un pays à l’autre rendent cette codification difficile. Des Salons ont lieu à Paris tous les ans : Salon international du prêt-à-porter féminin et Salon international de l’habillement masculin qui présentent une production internationale.

Matières nouvelles et progrès techniques dans la fabrication ont favorisé le passage du stade artisanal à celui de la grande série. Les textiles* chimiques, qu’ils soient artificiels (dérivés de la cellulose) ou synthétiques (dérivés des polymères), ont transformé l’industrie de l’habillement et, plus particulièrement, la bonneterie. La Fibranne, textile cellulosique apparu en 1935, et le Nylon, premier polyamide apparu en 1938, n’étaient que le début d’une longue série de textiles mis au point après la Seconde Guerre mondiale : Rhovyl (1948), suivis par les fibres acryliques (Orlon, Dralon, Crylor) et les fibres polyester (Tergal). Ils eurent l’avantage de permettre une production nationale libérée de la fluctuation des prix propre aux textiles naturels et contribuèrent à la vulgarisation d’articles d’aspect soyeux (bas, lingerie) qui, en soie naturelle jusqu’alors, étaient réservés à une minorité. Ils suscitèrent la mise au point de qualités nouvelles (ignifugation, imperméabilisation, procédés antitaches) et furent à l’origine de l’amélioration des textiles naturels : en 1970, 55 p. 100 de la laine vierge a été consommée sous forme de mélanges ; et divers moyens ont été mis en œuvre pour rendre la laine infeutrable et irrétrécissable. Facilité d’entretien, diminution du volume et du poids sont les résultats les plus marquants apportés dans l’habillement contemporain par cette transformation dans la matière première.

L’avènement des textiles synthétiques a donné naissance aux non-tissés, fabriqués à partir de fibres discontinues. Ceux-ci furent utilisés dans l’habillement par Paco Rabanne en 1967. L’économie de matière qu’ils représentent rend leur prix de revient très compétitif. Les articles produits — bien que lavables — sont d’un usage limité dans le temps, et le Français n’est pas encore acquis à l’idée de jeter ses vêtements aussi rapidement. Les producteurs pensent, cependant, que le marché des non-tissés dans sa totalité atteindra 3 milliards de francs en 1985.

Le vêtement en plastique moulé, apparu en 1969 dans les collections de Paco Rabanne et de Pierre Cardin (la Cardine), permet de produire des vêtements à une cadence industrielle (1 imperméable à la minute) et, selon Paco Rabanne, c’est la première formule d’un vêtement vraiment isotherme. Le pouvoir isolant des vêtements a d’ailleurs été accru, surtout en bonneterie, par le procédé Foam Back (marque déposée), qui consiste à intercaler une mince couche de mousse élastomère entre deux tissus que l’on fait adhérer entre eux. Si le plastique n’est pas encore entré dans les mœurs au point de vêtir l’homme de la rue d’une coque colorée, son association avec les tissus en fibres naturelles a été bénéfique : le coton ou le jersey, enduits d’une pellicule de plastique (à base de résine), deviennent imperméables ou prennent l’aspect du cuir (Ginza).

L’apparition de ces matières premières d’origine chimique et la nécessité d’accélérer la cadence de production ont engendré un renouvellement de l’équipement traditionnel au service de la découpe, du piquage et du pressage. L’électronique tend de plus en plus à renforcer une mécanisation déjà très poussée. Le métrage de tissu nécessaire à la confection d’une chaîne de vêtements est déroulé, au centimètre près, par la matelasseuse, réglée électroniquement. La découpe du patron se fait soit avec des ciseaux électriques, soit à l’emporte-pièce avec un outillage préalablement adapté au patron, ou encore par l’intermédiaire d’une machine électronique qui, programmée, effectue le travail : on peut ainsi couper en une seule opération jusqu’à 300 épaisseurs de vêtements. La découpe au laser est en application aux États-Unis et expérimentale en France. Certains calculateurs électroniques sont à même d’exécuter la gradation, la découpe des patrons et le piquage d’après un profil préétabli. Les machines surjeteuses font jusqu’à 8 000 points par minute ; les machines à coudre sont à même de piquer le plastique sous toutes ses formes (mousse, feuille de plastique ou tissu enduit) ; la commande pneumatique s’est généralisée aussi bien dans la machine à coudre que dans la presse ; le pressage est applicable aux tissus thermocollés. L’assemblage des tissus synthétiques s’obtient par thermocollage ; un procédé d’assemblage des fils de Nylon par ultra-sons est à l’étude.