Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

habillement (suite)

couturier français (Boum, Lincolnshire, 1825 - Paris 1895). Employé dans une maison de soieries parisiennes, il a l’idée en 1858 de créer, chaque saison, des collections de modèles de couture et de les présenter à la clientèle sur des mannequins vivants ; en 1860, il ouvre la première maison de couture et devient le couturier de l’impératrice et de la Cour. Il fait évoluer la mode en délivrant la femme de la crinoline et en étant le premier à créer des modèles originaux.


Couture et prêt-à-porter

La couture ne pouvait ignorer ce bouleversement, au risque de se laisser distancer par un prêt-à-porter en plein développement et parfaitement adapté à ce marché. La haute couture avait déjà esquissé un premier pas timide en direction du public avec l’ouverture de boutiques sur rue au lendemain de la guerre. Dès 1948, Pierre Balmain eut l’idée d’adjoindre aux accessoires qu’il y présentait une petite collection de modèles moins onéreux que ceux de la grande collection, mais, cependant, toujours exécutés aux mesures de la cliente ; la même année, Jacques Fath compose à l’intention du confectionneur américain Joseph Halpert deux collections par an de 20 modèles chacune, et, en 1955, les ateliers de Jean Dessès fabriquent des robes en séries destinées à un réseau commercial. Ces expériences, en marge de la couture création, ne pouvaient laisser présager l’éclatement des structures traditionnelles provoqué, depuis une dizaine d’années, par l’alliance de la couture avec un prêt-à-porter de haut luxe. En même temps qu’une production accélérée, la société de consommation, dont les besoins s’affinaient, réclamait une production améliorée. C’était là, pour la haute couture, l’occasion de jouer une carte maîtresse : au fil des ans, le prêt-à-porter allait occuper dans sa production une place de plus en plus considérable. Cette évolution fut parfois lente à s’opérer chez des couturiers dont le renom était plus aristocratique, mais elle était irréversible : Patou ouvrit plusieurs boutiques en 1968, et, la même année, Jeanne Lanvin, devenue Lanvin, lança un prêt-à-porter masculin et accorda en 1969 une place importante au prêt-à-porter féminin dans sa maison de couture. Cette mutation s’effectua surtout sous l’impulsion d’une équipe de jeunes couturiers de l’après-guerre que n’entravait aucun conformisme : Louis Féraud, Emanuel Ungaro, Pierre Cardin, André Courrèges, Yves Saint-Laurent, Ted Lapidus, Jean-Louis Scherrer, Paco Rabanne. Leur adhésion à une couture vulgarisée à l’intention de la rue ne les a pas empêchés de faire œuvre de création. Ils constituent une réponse à ceux qui se demandent si la couture création est en voie de disparition. Pour Pierre Cardin, la haute couture, loin d’être morte, reste « un laboratoire au service de la rue », et la confection ne fait que « multiplier » l’idée de la création ; pour Courrèges, « la haute couture est une chose » qui n’empêche pas « de faire de la création par d’autres moyens ». (Interview sur Europe I en janvier 1969.) Désormais, nombreuses sont les maisons de couture qui semblent s’orienter vers une double production : celle de quelques modèles de haut luxe (une cinquantaine chez Saint-Laurent en 1972) destinés, de par leur prix, à une clientèle restreinte et celle, plus importante, d’un prêt-à-porter de luxe à l’intention d’une clientèle élargie. La plupart des couturiers ont créé des sociétés distinctes pour cette seconde activité. Loin d’être antinomiques, ces deux types de production se complètent à la fois sur le plan des idées et sur le plan financier.

Quel est le mode de production et de distribution de ce prêt-à-porter couture ? Il peut être exécuté, sous la direction des couturiers eux-mêmes, dans des ateliers qui leur appartiennent : Dior a fondé des ateliers en province à cette fin, et Courrèges, en 1968, a produit son propre prêt-à-porter, qu’il a classé en deux catégories selon les prix, « hyperbole » et « couture future ». Les couturiers font d’ailleurs, souvent, une distinction entre un prêt-à-porter « boutique » et un prêt-à-porter « couture », mieux fini mais plus onéreux. Il peut, aussi, être réalisé en dehors de la maison de couture, par des « éditeurs en confection » tels que Mendes ou de bons artisans. Mais, le plus souvent, ce sont des industriels sous licence qui, sous le contrôle de la maison de couture et moyennant des royalties (parfois jusqu’à 10 p. 100 de l’ensemble des ventes), ont charge de cette collection. Cardin choisit une trentaine de prototypes dans sa « grande collection » qu’il fait ainsi reproduire par des industriels. Inversement, il peut accorder sa griffe à certaines fabrications industrielles de qualité. Il a conclu des accords pour son prêt-à-porter masculin avec, entre autres, George Bril.

Si l’industrie bénéficie des qualités de style de la haute couture, celle-ci tire avantage d’une production rationalisée et d’un réseau de distribution beaucoup plus vaste : Courrèges a normalisé son prêt-à-porter en fonction de cinq tailles, et, le modèle fini, il ne reste plus que l’ourlet à régler ; de même, Lanvin-hommes a adopté sept tailles, trois longueurs et deux types de conformation (le gros et le maigre). La vulgarisation du prêt-à-porter couture ne pouvait se faire sans l’intermédiaire d’un vaste réseau commercial : les boutiques en dehors de la maison mère se sont multipliées à Paris, en province et même à l’étranger ; des points de vente ont été créés soit dans le cadre des grands magasins, soit chez des dépositaires français ou étrangers : L. Féraud disposait, en 1972, de 200 points de vente internationaux. La production française est largement implantée, tant en Europe (Allemagne fédérale, Italie, Grande-Bretagne, Scandinavie) qu’en Amérique (États-Unis, Canada) et en Asie (Inde). Dior vend à l’étranger 70 p. 100 de ses toiles et patrons ; Féraud, 65 p. 100.

Ce passage du stade artisanal au stade industriel a permis à la couture de dépasser le cadre étroit du vêtement pour s’adonner à une production polyvalente : le couturier habille aujourd’hui l’homme et la femme de pied en cap (chemiserie, lingerie, chaussure, maroquinerie, bijoux, etc.). P. Balmain, P. Cardin, C. Dior, H. de Givenchy, Lanvin, G. Laroche, Y. Saint-Laurent font une large place à l’habillement masculin. Au parfum, depuis longtemps jumelé à la haute couture, se sont ajoutés les produits de maquillage ; Dior fut parmi les premiers à lancer son rouge à lèvres, sous le slogan : « Au moins, Dior peut habiller aussi votre sourire. » Ce complexe industriel qu’est devenue la couture, en un peu plus d’un demi-siècle, ne limite en rien sa puissance novatrice : Chanel, Dior, Courrèges, Paco Rabanne sont autant de noms qui correspondent à des tournants décisifs de la mode.