Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique précolombienne (suite)

Tout cela ne concerne encore que les plaines du Nord. Rien n’a été trouvé dans la région andine qui puisse correspondre à cette période. Peut-être même n’exista-t-il aucun contact culturel entre les deux régions. Le site apparemment le plus ancien des Andes colombiennes est San Agustín, qui ne remonte pas au-delà du viie s. avant notre ère et reste en partie mystérieux : à côté de grands monolithes sculptés à forme humaine, on trouve des sarcophages en pierre, abandonnés sur le sol ou enfouis dans des sanctuaires souterrains ; mais les vestiges d’habitation sont absents, et la céramique est rare. S’agissait-il simplement d’un lieu de culte ? Les mêmes problèmes se posent à propos de Tierradentro : creusés dans la roche tendre, des escaliers en spirale mènent à des chambres souterraines aux parois peintes. Là encore, aucun habitat n’a été retrouvé au voisinage de ces chambres-sépultures.

2. Les débuts du développement régional (500-1000 apr. J.-C.). Des changements dans la forme et la décoration de la poterie, des innovations architecturales (constructions sur plateforme) caractérisent cette période, qui, par ailleurs, continue la précédente. Dans les Andes, on place à cette époque, mais de façon incertaine, les cultures quimbaya et nariño. Aux Quimbayas sont attribués les plus somptueux objets d’or trouvés en Colombie, tandis que la poterie nariño est la plus décorative de toutes les poteries colombiennes.

3. Les « États » (1000-1500 apr. J.-C.). Les principales civilisations que trouvèrent les Espagnols à leur arrivée en 1535, et les seules qu’ils décrivirent dans leurs chroniques, sont celles des Taironas, dans les plaines du Nord, et des Muiscas (groupe chibeha), dans les Andes. C’étaient de petites fédérations de villages, localement assez puissantes, mais qui n’atteignirent cependant pas le niveau de civilisation de l’État inca des Andes centrales. La densité de population était élevée, les sociétés organisées et hiérarchisées, les arts et les techniques florissants. La poterie tairona et l’orfèvrerie muisca en témoignent. L’origine de la culture muisca est peut-être à rechercher dans la région amazonienne.

• Le Venezuela.

L’agriculture et la poterie apparaissent simultanément vers 1000 av. J.-C. le long de l’Orénoque (phase Saladero). Ce n’est que plusieurs siècles après, en 200 av. J.-C., que ces deux éléments apparaissent dans la région andine et sur la côte (phase Tocuyano). La culture du manioc et des tubercules force les hommes à se sédentariser. Ces innovations techniques sont-elles nées sur place ou furent-elles importées d’ailleurs ? Nous l’ignorons. Mais les poteries vénézuéliennes présentent des affiliations certaines avec celles de Colombie, du bassin de l’Amazone et même de Panama pour les styles les plus récents (phases Carache et Guadalupe). Au cours des siècles, la densité de la population augmente, et les sites croissent en nombre et en superficie. Cependant, on n’assiste pas au Venezuela à la formation d’États puissamment organisés ; la civilisation reste le l’ail de petits groupes indépendants et, lorsque les Espagnols arrivent, ils se heurtent à des tribus disséminées.


Les marges du Sud

Par de nombreux aspects, l’archéologie de ces régions rappelle celle des Andes centrales. Comme au Pérou, les plaines côtières, les vallées andines et les piémonts de l’Est sont, au moment de la conquête européenne, le domaine d’agriculteurs sédentaires parvenus à un degré de culture assez élevé : Diaguites-Calchaquis dans le nord-ouest de l’Argentine ; Diaguites, puis Araucans dans le Chili central. Comme les Andes centrales, ces régions furent, dans les dernières décennies précédant la conquête espagnole, incorporées à l’Empire inca, qui imposa son pouvoir politique sans toutefois détruire entièrement l’originalité des cultures locales.

À la fin fin xve s., les Diaguites-Calchaquis sont installés dans le nord-ouest de l’Argentine depuis cinq ou six cents ans. Ils habitent des villages construits en pierre et souvent fortifiés, élèvent des lamas, cultivent le maïs et la pomme de terre et savent, comme les Péruviens, pratiquer l’irrigation et la culture en terrasses. Leur poterie est très belle, décorée de motifs géométriques ; les pièces les plus notables sont des grandes urnes funéraires où l’on enterre les enfants morts en bas âge.

La culture diaguite du Chili présente de nombreuses analogies avec la culture calchaqui, plus ou moins contemporaine. Le type d’architecture est semblable, et la céramique décorée de motifs analogues. Environ deux cents ans avant l’arrivée des Incas, c’est-à-dire vers le début du xive s., un groupe de populations venues peut-être du versant oriental des Andes fait irruption au Chili central et s’installe aux dépens des autochtones, (les arrivants, les Araucans, sont également des agriculteurs. Mais, plus belliqueux que leurs prédécesseurs (ils opposeront aux Espagnols une résistance acharnée), ils négligent les arts ; leur céramique est assez grossière et rarement décorée.


Les « horticulteurs » tropicaux

Le mode de vie de ces horticulteurs (il ne s’agit pas à proprement parler d’agriculteurs sédentaires) est caractérisé par le semi-nomadisme, la pratique de la culture sur brûlis qui obligent les villages à se déplacer tous les quatre ans environ, limitant ainsi l’extension et l’organisation des sociétés. La vie reste largement tributaire de la chasse, de la pêche et de la cueillette.

• L’Amazonie.

Région immense, elle englobe les marges orientales de l’Équateur, de la Colombie, du Pérou et de la Bolivie ainsi que la majeure partie du Brésil. L’exubérante végétation amazonienne constitue un obstacle majeur à la sédentarisation des groupes humains, qui restent organisés en petites bandes et se déplacent facilement, grâce à l’extraordinaire complexité du réseau fluvial. Les premiers documents que l’on possède concernent de petits groupes de semi-sédentaires établis le long de l’Amazone et dans l’île de Marajó (culture Ananatuba) ; leur poterie rappelle par certains traits celles de la période formative au Pérou et en Équateur. En 500 apr. J.-C., toujours dans l’île de Marajó, il existe des villages fixes où les hommes pratiquent la culture intensive du manioc et du maïs, et fabriquent une poterie incisée ou peinte. Quelques siècles avant l’arrivée des Européens, le mode de vie économique n’a pas changé, mais un nouveau style de poterie apparaît dans le moyen et le bas Amazone, surtout dans la région de Santarém. C’est la poterie modelée et décorée d’incisions que trouveront les Européens lorsqu’ils pénétreront dans la forêt amazonienne.