Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guinée portugaise (suite)

La Guinée littorale est occupée par des populations très diverses, restées fidèles à l’animisme, représentant 60 p. 100 de la population sur un tiers du territoire, avec des densités dépassant localement 200 habitants au kilomètre carré : Floupes et Bayottes (apparentés aux Diolas de Casamance), Balantes (en expansion : près d’un tiers de la population totale), Mandjaques (avec les groupes apparentés : Brames, Pepels), Biafades, etc., vivant en communautés patriarcales indépendantes, sans chefferie structurée avant la conquête coloniale. Ce sont d’excellents agriculteurs, pratiquant la riziculture inondée intensive. L’intérieur (plateau du Gabou) est occupé par des Mandings et des Peuls musulmans. La riziculture et l’élevage bovin alimentent surtout la consommation locale.

Médiocrement mise en valeur par les Portugais, la « province de Guinée » a un bon réseau routier, mais pas de chemin de fer. Les voies navigables jouent un rôle important dans les communications intérieures. Il n’y a pratiquement pas d’industrie. Une société de commerce (Companhia União Fabril - CUF) a longtemps disposé du quasi-monopole du commerce extérieur (arachide : de 30 000 à 50 000 t ; de 60 à 65 p. 100 en valeur des exportations ; palmistes : de 20 à 30 p. 100 en valeur des exportations), commerce partiellement alimenté par les livraisons obligatoires des paysans.

Bissau, la capitale, et Bolama (ancienne capitale jusqu’en 1940) méritent seules le nom de villes.

J. S.-C.


L’histoire


D’un impérialisme à l’autre

Le territoire de la Guinée portugaise a fait partie du domaine mandingue, bien que de nombreuses populations païennes insulaires (Bijagos) ou côtières (Floupes, Mandjaques, Banhouns, Balantes) aient su conserver quelque autonomie. La suprématie des Mandings musulmans et de leurs alliés Biafades du royaume de Guinala fut battue en brèche à partir de 1860 par une insurrection de leurs sujets peuls, sous la conduite d’Alfa Molo et de son fils Moussa. C’est cette hégémonie peule que les colonisateurs portugais ont, en quelque sorte, pris à leur compte.

Si cette partie de la côte de Guinée fut découverte dès 1446 par Nuño Tristão, les premières mentions de postes commerciaux portugais (feitorias) au bord des rivières côtières ne datent que de 1580 environ. Ces comptoirs étaient en liaison étroite avec les îles du Cap-Vert. Le premier fort portugais à Cacheu date de 1588. Bissau, cédé en 1607 par le roi de Guinala, menacé par les incursions des Bijagos, fut convoité par les Français à la fin du siècle et ne prit de l’importance qu’au xviiie s. (forteresse de 1766). La fondation, en 1690, de la Compagnie de Cacheu et du Cap-Vert pour la traite des Noirs montre l’importance économique de ces établissements. Mais la politique d’acquisitions territoriales ne se précisa, d’ailleurs lentement, qu’au cours du xixe s. En 1870, un arbitrage du président américain Grant attribua définitivement aux Portugais l’île de Bolama, que leur disputait l’Angleterre.

La Guinée portugaise obtint son autonomie administrative à l’égard des îles du Cap-Vert en 1879, le chef-lieu étant Bolama (Bissau depuis 1940. Les frontières avec les colonies françaises voisines furent fixées par la convention du 12 mai 1886, par laquelle le Portugal cédait son ancien presídio de Ziguinchor. Mais la prise de contrôle du pays fut très laborieuse. Les révoltes des différentes ethnies (parfois jumelées avec des mutineries de garnisons et des insurrections des grumetes, Noirs détribalisés et en principe acculturés) se renouvelèrent jusqu’aux campagnes décisives de João Teixeira Pinto de 1912 à 1915. C’est alors seulement qu’une certaine mise en valeur agricole put être tentée. Mais l’effort social resta dérisoire ; vers 1950, on comptait 99 p. 100 d’illettrés, et seulement 0,3 p. 100 de la population noire bénéficiait du statut d’« assimilé ».


Succès et limites de la guerre révolutionnaire

Le P. A. I. G. C., Partido africano para la independência de Guinea y Cabo Verde (parti africain de l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert), a été fondé en 1956 à Bissau, à l’instigation d’Amilcar Cabral, agronome né en Guinée de parents cap-verdiens et qui en a été jusqu’à sa mort en 1973 le principal animateur. Après la répression sanglante de la grève des dockers de Bissau (1959, 50 victimes), le P. A. I. G. C. se replia sur la campagne et prépara la population rurale, tout en travaillant à la formation de ses cadres, avec l’aide de Conakry, où fut installé le siège du parti.

Les premières actions armées, en 1961, furent le fait du Mouvement pour la libération de la Guinée dite « portugaise de François Mendy », basé au Sénégal, mais, dès 1962, le P. A. I. G. C. reprit l’initiative et l’a gardée depuis. En 1963, la guérilla était généralisée. Un Comité national guinéen fut constitué sous la présidence de Rafael Barbosa (qui fit défection en 1969), comprenant sept départements, mais sans former un véritable gouvernement provisoire du Kinara (nom que doit prendre le pays devenu indépendant), peut-être pour ne pas préjuger de la place des îles du Cap-Vert, dont la libération est aussi inscrite au programme du P. A. I. G. C., mais où le parti n’a pas encore pu passer vraiment à l’action.

Le P. A. I. G. C. déclarait contrôler le tiers du pays en mai 1964 et les deux tiers en novembre 1968. Les troupes portugaises, sous le commandement du gouverneur général Antonio Spinola (plus de 30 000 hommes), gardaient la mainmise sur les villes et les voies de communication, mais ne parvenaient pas à s’emparer des places fortes de la résistance. La situation reste cependant indécise. Les Portugais ont développé les milices africaines et, avec l’aide de certaines ethnies (les Peuls en particulier), semblent regagner une partie du terrain perdu. Là comme ailleurs, la solution sera politique ; dès le début et à maintes reprises depuis, le P. A. I. G. C. a offert de négocier, mais en vain ; le gouvernement portugais identifie sa lutte à une croisade contre le communisme international. Cette volonté politique de la métropole tient en échec le mouvement de libération qui, le 26 septembre 1973, a proclamé dans les territoires qu’il contrôle la République de Guinée-Bissau.

J.-C. N.

➙ Afrique noire / Cap-Vert (îles du) / Empire colonial portugais / Portugal.