Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guinée équatoriale (suite)

• Fernando Poo est formée par le sommet émergé d’un grand massif volcanique qui s’est édifié dans le golfe de Biafra, sur la ligne majeure de fracture que jalonnent São Tomé, le mont Cameroun et, beaucoup plus loin, le Tibesti. Il culmine à 3 007 m au pic de Santa Isabel, et sa morphologie offre de multiples formes caractéristiques : caldeiras, lacs de cratères, coulées de laves, etc. La vigueur du relief, dressé dans le flux de la mousson, provoque des pluies abondantes, notamment sur le versant méridional, où elles peuvent atteindre 10 m par an. Les zones les moins arrosées en reçoivent encore plus de 2 m. Les températures moyennes oscillent entre 25 et 26 °C, mais s’abaissent en altitude ; l’amplitude annuelle est de 2 ou 3 °C. La végétation forestière naturelle a été largement réduite en étendue par les défrichages.

La population de Fernando Poo est relativement dense : 65 000 habitants (32 hab. au km2). Elle comprend environ 15 000 autochtones (les Boubis [ou Bubis]), un groupe de 2 000 métis (les « Fernandinos »), pour la plupart actifs et riches, quelque 3 000 Européens et plus de 40 000 étrangers, en grande majorité Nigérians, venus au titre de salariés agricoles sous contrat. La guerre du Biafra a, en outre, provoqué l’arrivée massive de réfugiés ibos. L’activité principale est la culture du cacaoyer, pratiquée dans le sud-ouest et le nord-ouest de l’île, soit dans de petites plantations familiales, soit sur des domaines européens utilisant la main-d’œuvre immigrée. La fertilité du sol et des techniques soignées permettent d’obtenir des rendements assez élevés (plus de 700 kg/ha) ; la production de cacao avait atteint 40 000 t pour l’ensemble du pays en 1966. Fernando Poo cultive aussi le caféier, le bananier, un peu de canne à sucre, produit de l’huile de palme et des palmistes en petite quantité. L’élevage des bovins a pu se développer en altitude dans la région de Moka, où 3 000 bêtes fournissent lait et viande. On y trouve également des cultures maraîchères. La capitale de l’île, Santa Isabel, est aussi la capitale nationale. Située sur la côte nord, dans un site tourmenté, elle compte 20 000 habitants. La seconde agglomération est San Carlos, au sud-ouest. Environ 160 km de routes sur un millier sont bitumés.

• Le Río Muni est le fruit d’un découpage politique purement artificiel. Le relief est semblable à celui du Gabon septentrional. Dans l’intérieur, le socle granito-gneissique offre l’aspect d’un plateau vallonné prolongeant celui du Woleu-N’Tem (Gabon) à 500-700 m d’altitude : pénéplaine très ancienne en cours de recreusement. Il se relève en bourrelet sur sa bordure occidentale, formant les « monts de Cristal », et culmine à 1 200 m au mont de la Mitre. Il domine une plaine côtière qui est le prolongement, vers le nord, du bassin sédimentaire de Libreville. Les cours d’eau comme le Campo, le Ntem, le Benito, le Woleu, le Temboni ont un cours accidenté par une série de rapides. Le Benito est navigable dans sa partie aval. La forêt dense couvre la quasi-totalité du territoire.

Les premiers habitants (Kombes, Benjas, Bujebas) ont été refoulés vers l’ouest par les Fangs, que leurs migrations ont amenés ici au cours du xixe s. La population est estimée à 220 000 habitants (8,5 hab. au km2), dont 10 000 résident au chef-lieu, Bata. Elle pratique surtout une agriculture vivrière fondée sur la technique du brûlis et dont les bases sont le manioc et la banane-plantain. Sur la côte existe une petite pêche artisanale. L’agriculture commerciale porte sur le cacao, le café, la banane, l’arachide, surtout dans les régions occidentales ; on produit encore un peu d’huile de palme et de palmistes. Mais le Río Muni est situé dans l’aire de l’okoumé (Aucoumea klaineana), essence de déroulage, et le bois, vendu surtout à l’Espagne et à l’Allemagne fédérale, fournit l’essentiel des exportations (400 000 t de grumes).

La Guinée équatoriale a besoin de diversifier ses relations extérieures et d’asseoir son économie sur des bases plus larges. Elle doit développer une infrastructure encore insuffisante. On compte seulement 1 015 km de routes dans le Río Muni. Bata est une rade foraine dont le trafic de 120 000 t pourrait croître avec la réalisation du projet de port en eau profonde. On prévoit aussi l’aménagement de l’aéroport de Santa Isabel, afin de le rendre accessible aux quadriréacteurs, et l’installation d’une centrale électrique (production actuelle d’électricité 10 GWh).

P. V.


L’histoire


Une hispanité hésitante : Fernando Poo

L’Espagne a pris pied en Afrique noire par le biais d’un règlement territorial en Amérique du Sud : contre une rectification de frontière en faveur du Brésil, le Portugal céda à l’Espagne les îles d’Annobón (découverte le 1er janvier 1471 par Pedro de Escobar) et de Fernando Poo (découverte en 1472 par Fernão do Pó, peuplée de Boubis venus du Cameroun), avec le droit de commercer sur les côtes voisines (traités de San Ildefonso et du Prado, 1777-78). Et c’est une expédition partie de Montevideo qui prit possession des îles en 1778 — pour y faire retour cinq ans plus tard, après avoir subi maintes mésaventures et abandonné ces îles.

Fréquentée par des négriers venus directement des Antilles espagnoles, Fernando Poo attira l’attention de la marine anglaise, qui en fit une base de sa croisière contre la traite : le capitaine Owen fonda en 1827, sous le nom de Port Clarence, la future capitale, Santa Isabel. L’offre d’achat de l’île par l’Angleterre en 1839 suscita un sursaut nationaliste aux Cortes et dans l’opinion, qui aboutit à sa réoccupation par Juan José de Lerena (1843) ; mais celui-ci ne trouva d’autre gouverneur à nommer qu’un Anglais, John Beecroft. En 1858 seulement, Fernando Poo prit l’allure d’une colonie espagnole avec l’arrivée de Carlos Chacón, qu’accompagnaient des missionnaires jésuites venus remplacer une mission baptiste. L’île servit de lieu de déportation pour condamnés politiques ; on y installa aussi des esclaves émancipés venus de Cuba, sans grand succès. La mise en valeur ne commença vraiment qu’après 1898, quand l’Espagne eut perdu ses dernières colonies tropicales pendant la guerre hispano-américaine.