Guimarães Rosa (João) (suite)
En 1934, Guimarães Rosa reçoit le prix de l’Académie brésilienne des lettres pour des poèmes, Magma, qu’il n’a jamais rendus publics. En 1946 paraissent ses premiers contes, Sagarana (un mot qu’il a formé de saga et d’un suffixe tupi équivalent de à la manière de), qui déclenchent une querelle littéraire : il crée en effet de nombreux néologismes à partir de vocabulaires régionaux et dialectaux. Les éditions successives de Sagarana ont été d’ailleurs reprises de manière à rendre ce procédé plus systématique.
En 1956 paraît l’œuvre majeure du romancier, Grande sertão : veredas. Euclides da Cunha avait publié en 1905 un essai sous le titre d’Os Sertões, qui révéla au Brésil et au monde la géographie physique et humaine d’une grande partie de l’arrière-pays brésilien au nord de Bahia ; Grande sertão : veredas en est, quant au titre, une réplique, suivi d’un synonyme local, veredas, « sentiers », dans les hautes terres de Minas Gerais. Mais Guimarães Rosa a choisi la fiction, qu’il trouve plus apte à faire comprendre un problème qu’une simple documentation ou un reportage méticuleux. Son livre est un panorama épique, lyrique et dramatique d’une humanité qui survit héroïquement, repliée sur elle-même physiquement et mentalement. Un seul narrateur imaginaire (l’écrivain n’est que son scribe) récapitule son existence et celles de plusieurs compagnons dans la lutte pour la vie au milieu de la nature et de ses semblables. Tout l’epos se fonde sur le langage, qui s’élève ici à une forme d’expression qui s’apparente à celle de James Joyce* dans Ulysse : hommes, femmes, enfants, démons, amours, espoirs, malheurs, morts, richesses se mêlent et se fondent dans des créations phoniques plastiques, musicales, dissonantes, qui constituent un défi permanent à la traduction — qui, cependant, a déjà été faite en plusieurs langues. Guimarães Rosa a également publié un livre de nouvelles, Corpo de baile (1956), divisé plus tard en trois livres (en 1969). Conteur, il a restauré le mot archaïque estória (pour lui, le portugais estória est à história ce que l’anglais story est à history) : il a ainsi donné Primeiras estórias (1962), Tutaméia (Terceiras estórias, 1967), Estas estórias (1969 ; posthumes) et Ave, palavra (1970), ce dernier recueil contenant quelques poèmes, des notes de voyages, des récits autobiographiques. Nombre de ses contes et nouvelles ont déjà paru aux États-Unis, en France, en Italie, en Espagne et en Allemagne, et il existe des traductions intégrales de Grande sertão : veredas en espagnol et en allemand.
A. H.