Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Guerre mondiale (Seconde) ou Guerre de 1939-1945 (suite)

C’est évidemment à la Grande-Bretagne elle-même qu’il revient de fournir le plus gros effort. Plus mal préparée encore que la France (en 1938, 7 p. 100 seulement de son revenu sont consacrés au réarmement), elle ne réquisitionne sa flotte marchande qu’en janvier 1940, et, cinq mois plus tard, a encore un million de chômeurs. Un an après, 40 p. 100 de la population active (dont les femmes de 20 à 30 ans) étaient mobilisés dans l’armée ou l’industrie. La production monta aussitôt (626 chars par mois en 1941, 717 en 1942), mais plafonna rapidement (2 000 avions par mois contre 2 300 prévus en 1942). Les résultats atteints resteront considérables jusqu’à la fin de la guerre grâce à l’esprit civique des Anglais, à une inflation jugulée au prix d’une baisse du niveau de vie de 14 p. 100 par rapport à 1938 et d’un gros effort de justice sociale (le plan Beveridge de 1942 pour l’assurance nationale sera, après 1945, le modèle des systèmes de sécurité sociale).

L’aille américaine. Dès la fin de l’été de 1940, Roosevelt, en avance sur l’opinion publique américaine, oriente sa politique vers un appui de la Grande-Bretagne. Passés le 2 septembre de l’état de neutralité à celui de non-belligérance, les États-Unis prêtent 50 destroyers aux Anglais en échange de la location de leurs bases de Terre-Neuve, des Antilles et de Guyane. Le 16 septembre, ils adoptent le service militaire obligatoire, et la loi prêt-bail du 11 mars 1941 ouvre à l’Angleterre un crédit financier illimité et permet au président de disposer de la production de guerre américaine.


La guerre en Afrique et au Moyen-Orient

Après l’élimination militaire de la France, c’est en Libye* que se situe le seul front terrestre de la guerre. En septembre 1940, les forces italiennes — 200 000 hommes aux ordres de Graziani — attaquent la petite armée britannique d’Égypte (36 000 hommes commandés par Wavell). Après leur éphémère succès de Sidi-Barrani, les Italiens sont refoulés au-delà de Benghazi par une vigoureuse contre-attaque de Wavell (déc. 1940 - févr. 1941). C’est alors que Hitler, inquiet de la défaillance italienne, envoie en Libye Rommel* et deux Panzerdivisionen (Afrikakorps) qui, en avril 1941, reconquièrent la Cyrénaïque sauf Tobrouk, dont la garnison restera investie jusqu’au 27 novembre. Ce succès ne compensera pourtant pas la perte par les Italiens de leur empire d’Afrique orientale, totalement conquis par les Britanniques : le 10 avril 1941, ceux-ci occupent Addis-Abeba, où rentrera le Négus, tandis que le duc d’Aoste, vice-roi d’Éthiopie, devra capituler le 19 mai à Amba Alagi.

Au même moment éclate en Iraq un soulèvement dirigé contre la Grande-Bretagne par Rachīd ‘Alī. Pour l’appuyer, le Führer exige de Vichy, au cours de son entrevue avec Darlan le 12 mai 1941, l’usage, pour la Luftwaffe, des aérodromes français du Levant. Mais les Anglais étouffent la révolte et, avec le concours d’un contingent des forces françaises libres du général Catroux, attaquent le 8 juin les troupes françaises de Syrie aux ordres du général Dentz, fidèle au maréchal Pétain. Celles-ci résisteront énergiquement durant un mois, puis cesseront le combat et négocieront avec les Britanniques à Saint-Jean-d’Acre un armistice et leur rapatriement en France (14 juill. 1941).


L’instauration du nouvel ordre européen

Ayant les mains libres à l’ouest, Hitler peut entamer la construction de la nouvelle Europe destinée à remplacer l’édifice périmé de Versailles. Pour accentuer l’isolement de l’Angleterre, il tente vainement d’entraîner dans la guerre l’Espagne de Franco. Mais le Caudillo, qu’il voit à Hendaye le 23 octobre 1940, fait la sourde oreille. À son retour, le 24, Hitler rencontre Pétain à Montoire, où est évoquée en présence de Laval la possibilité d’une collaboration entre la France de Vichy et le IIIe Reich. Cette entrevue n’apporte aucun changement au dur régime de l’occupation et notamment à la mise en coupe de la France grâce à l’indemnité de 400 millions par jour, qui permet au Reich d’« acheter l’économie française avec l’argent des Français ». La Belgique et la Hollande connaissent le régime de l’administration allemande directe ; les vrais « collaborateurs » du type norvégien de Quisling se font rares.

C’est en Europe centrale et orientale que s’ébauche la nouvelle Europe, qui se présente d’abord comme un compromis germano-soviétique. Dans le cadre du pacte du 23 août 1939, l’U. R. S. S. annexe en août 1940 les pays baltes, la Bessarabie et la Bucovine roumaines. Il n’y a plus d’État polonais. La Slovaquie « indépendante » de Mgr Tiso est dominée par l’Allemagne, qui contrôle directement le protectorat de Bohême et de Moravie. Le 29 août 1940, Hitler rend à Vienne une sentence arbitrale qui achève de dépouiller la Roumanie en donnant à la Bulgarie la Dobroudja méridionale, à la Hongrie les deux tiers de la Transylvanie et en faisant occuper par la Wehrmacht ce qui restait de ce malheureux pays. Ce nouvel ordre est consacré par la signature à Berlin le 27 septembre 1940 du Pacte à trois, Allemagne, Italie, Japon, dirigé contre la Grande-Bretagne et les États-Unis et auquel les États satellites sont invités à adhérer, recevant en retour le « bienfait » de la protection et de l’occupation allemandes.


De l’alliance à la guerre germano-soviétique

Le traité de 1939 fui suivi de l’accord commercial germano-soviétique du 11 février 1940, qui, pour Berlin, atténua de façon importante les effets du blocus britannique. Les Allemands obtiennent de payer en 27 mois ce qu’ils reçoivent en 18 : cuivre, nickel, tungstène, céréales, coton et produits pétroliers ; l’U. R. S. S. accorde une réduction de tarif de 50 p. 100 aux marchandises transitant par le Transsibérien. Tandis que les services de propagande nazis et soviétiques continuaient à converger contre l’impérialisme anglais, de sérieuses divergences se manifestaient lors de la venue en novembre 1940 de Molotov à Berlin. En offrant à Moscou l’Iran et l’Inde, Hitler tente de diriger vers l’Orient la politique soviétique, mais Staline entend affirmer sa position en Europe et exige la révision du régime des Dardanelles et des détroits danois. Ces prétentions confirment Hitler dans sa volonté d’abattre l’U. R. S. S. : il prescrit à son état-major d’accélérer le plan Barbarossa d’attaque contre la Russie, lequel, confié au général Paulus, est adopté le 5 décembre 1940. L’attaque est fixée au printemps suivant, mais la décision en reste secrète, et, jusqu’au dernier jour, des trains soviétiques alimenteront largement l’économie allemande. Pendant ce temps, la diplomatie de Berlin s’efforce d’isoler l’U. R. S. S. : des avantages économiques sont concédés à la Finlande, un pacte d’amitié est négocié avec la Turquie (il sera signé le 18 juin 1941), et c’est pour tenter un compromis avec Londres que Rudolph Hess s’envole pour l’Écosse le 10 mai 1941.