Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guatemala (suite)

À l’heure mexicaine : 1865-1920

Le Mexique a toujours eu une influence politique, directe ou indirecte, sur le Guatemala et généralement avec un retard de quelques années, les commotions se propageant du nord au sud. Après quelques années d’instabilité, le Guatemala connaît l’équivalent de la Réforme mexicaine (triomphante en 1867) ; en 1871, une petite expédition de libéraux exilés part du Mexique et triomphe. Le libéralisme restera au pouvoir, nominalement, jusqu’en 1944. Le président Justo Rufino Barrios (de 1873 à 1885) correspond, avec un décalage de dix ans, au président Benito Juárez, héros du libéralisme mexicain, et un de ses successeurs, Manuel Estrada Cabrera (de 1898 à 1920), au président Porfirio Díaz, renversé en 1911 par la révolution mexicaine.

Comme au Mexique, cette période correspond à un réveil économique, à la modernisation et à l’enrichissement de certains secteurs sociaux. Cette prospérité a pour première base le café, qui représente, en 1880, 92 p. 100 des exportations : café et libéralisme marchent de concert, et l’assaut juridique sur les terres de l’Église et des communautés indiennes permet l’extension des plantations. Le café finance aussi un malheureux impérialisme guatémaltèque, qui échoue dans sa tentative de refaire l’unité centre-américaine ; le président Barrios meurt en 1885 sur le champ de bataille de Chalchuapa (Salvador).

À la fin du siècle, les commerçants allemands commencent à s’emparer des terres, et les crises de 1896, 1906, 1913 leur permettent de contrôler 60 p. 100 des plantations. À cette date, la pénétration économique étrangère est aussi le fait des Américains, représentés par la United Fruit Company, dont l’empire bananier met en valeur la côte atlantique du pays.

Cette présence économique américaine favorise le maintien des régimes autoritaires, et, si Estrada Cabrera est renversé en 1920, dès 1931 commence la longue dictature du général Jorge Ubico ; cet autoritarisme militaire qui respecte la façade constitutionnelle libérale est au service des propriétaires fonciers, anciens et nouveaux, et bénéficie de l’appui des intérêts étrangers.


La tentative réformiste et l’intervention américaine

À Ubico, renversé en 1944, succède un civil, Juan José Arévalo (de 1945 à 1951) ; le successeur de cet honnête homme est le colonel Jacobo Arbenz Gusmán, représentant les jeunes officiers nationalistes et progressistes qui ont chassé Ubico. Malgré toute sa modération, la réforme agraire (expropriation moyennant indemnité des terres des grands propriétaires et de la United Fruit, quand elles étaient en friche) suffit à mécontenter de puissants intérêts et à provoquer l’hostilité du gouvernement américain. Selon un processus qui, à Cuba, ira cinq ans plus tard jusqu’à son terme, les pressions américaines entraînent le glissement du nationalisme au progressisme. Cela n’ira pas plus loin, car, en juin 1954, la CIA organise l’équivalent de l’expédition de 1871. Des exilés entraînés et armés par ses soins partent du Honduras et du Nicaragua sous le commandement du colonel Carlos Castillo Armas. En dix jours, Arbenz, abandonné par les officiers et sans appui populaire, perd la partie et laisse la place à Castillo Armas (de 1954 à 1957), puis au général Miguel Ydígoras Fuentes (1958 à 1963), appuyés par Washington et par les conservateurs ; les élections présidentielles de 1963 n’ont pas lieu, parce qu’Arévalo, qui présente sa candidature, n’a pas la faveur des militaires.


Militaires et guérilleros (à partir de 1960)

En novembre 1960, un soulèvement militaire prouve que le courant « nassériste » n’est pas mort dans l’armée, et, s’il est aussitôt écrasé, il engendre un mouvement révolutionnaire armé, dont les chefs (Luís Turcios Lima et Yon Sosa) ont participé à la tentative.

Depuis 1963 (l’intermède civil du président Julio César Méndez Montenegro [1966-1970] ne change rien à cette réalité), le pouvoir politique appartient aux militaires, tandis que l’opposition insurrectionnelle ne parvient pas à s’unifier. Turcios Lima meurt accidentellement en 1966, Yon Sosa est abattu par l’armée mexicaine en 1970, quelque part sur l’incertaine frontière qui sépare les deux pays. La guérilla, pratiquement vaincue à la campagne, passe en ville, et Guatemala Ciudad devient le centre de la violence ; lorsque, en 1970, le colonel Carlos Araña Osorio est élu à la présidence, le Guatemala est toujours enfermé dans l’impasse, et la terreur blanche répond au terrorisme urbain.

Dans un pays profondément divisé entre la vieille montagne indienne et les basses terres intégrées à l’économie moderne et à la civilisation urbaine hispano-américaine, la solution militaire semble appartenir à l’ordre des choses. Sur les 63 chefs d’État qui se sont succédé de 1812 à 1970, 34 ont été des militaires ; depuis 1931, il y a eu quatre coups d’État. Les militaires, avec l’accord des classes dirigeantes, ont toujours joué le rôle d’arbitre et finalement monopolisé les fonctions politiques.

J. M.


La population

Beaucoup plus que le Mexique ou que les autres pays d’Amérique centrale, le Guatemala, partie de l’ancien empire des Mayas, vit de son passé indigène et colonial. Rural à 70 p. 100, il compte encore près de 50 p. 100 d’indigènes purs, dont le groupe principal, les Mayas-Quichés, comprend 350 000 membres. Un tiers de la population est métisse, le reste est créole. Métis et créoles forment la catégorie des ladinos, qui peuplent en général les villes, même en pays indigène, où ils occupent les principales fonctions administratives et commerciales : dans la capitale, à Quezaltenango (60 000 hab.). Escuintla, Cobán, Puerto Barrios, etc.

Mais cette population est très inégalement répartie. Certaines zones du pays indigène, les Altos et la partie la plus élevée de la Boca Costa, sur le versant pacifique de l’axe volcanique, ont plus de 300 habitants au kilomètre carré. La plaine de Petén, en revanche, occupée principalement par des métis, a moins de 1 habitant au kilomètre carré. Il existe enfin une petite fraction de population négroïde sur la côte atlantique (Puerto Barrios).