Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

groupe (suite)

Telles sont donc les caractéristiques « objectives » dont l’analyse de K. Lewin, R. Lippitt et R. R. White montrera qu’elles revêtent également, pour les membres des clubs, une signification « subjective » ; une observation continue permet, en effet, d’indiquer que les moniteurs occupent une position très différente dans la structure du groupe, non seulement du point de vue de l’observateur, mais du point de vue des sujets eux-mêmes. En ce qui touche le groupe autoritaire, cette position est de dominance. Elle appelle de la part des membres du groupe un effort pour élargir l’espace de libre mouvement. Et l’hypothèse est ainsi amenée que la différence d’atmosphère révélée entre les deux groupes manifeste les conditions dans lesquelles se pose au sujet le problème de son statut, respectivement abordé, dans les groupes démocratiques selon l’esprit de coopération, dans les groupes autoritaires selon l’esprit de compétition ; on reconnaît ici les catégories de l’analyse culturaliste, mais promues de la description à l’expérimentation. En particulier, le développement dramatique, dans le groupe autoritaire, du phénomène du bouc émissaire appellera une détermination constructive par le moyen du concept de tension émotionnelle, la situation dont cet épisode est le symptôme trouvant son explication dans l’incertitude où sont les sujets de leur propre statut.

Dans le champ ainsi défini, les normes — en l’occurrence les maximes auxquelles les enfants ont à se conformer — désignent donc les principes généraux de sélection entre les éventualités de conduite ; le statut — en l’occurrence les titres que garantit aux enfants leur conformation aux normes du leadership — définit la position de l’agent en tant qu’elle lui ménage un éventail d’activité plus ou moins large ; les rôles enfin — en l’occurrence la participation à la confection collective de masques — expriment le procès effectif d’activité.

Remarquons, toutefois, que, si l’étude de K. Lewin tient pour acquises, au titre de conditions expérimentales, l’appartenance des sujets à l’un ou à l’autre des groupes autoritaires ou démocratiques ainsi que la désignation du leader, ce n’en sont pas moins là des données de fait, qui, elles-mêmes, relèvent d’une recherche explicative.

Le premier thème a été abordé par Joy M. Jackson en 1960. Ce qui est en jeu, c’est un système à trois dimensions : insertion, statut, norme. « Une vue dynamique de la structure sociale émerge, conclut l’auteur, certains sujets se déplaçant dans le sens d’une appartenance psychologique accrue, certains se situant sur un palier d’équilibre relatif, d’autres glissant graduellement vers la non-appartenance psychique. »

Les recherches auxquelles a donné lieu l’assignation des rôles — du rôle de leader en particulier — témoignent néanmoins, après 1950, d’une élaboration plus approfondie, en raison de l’appui qu’elles prennent du formalisme pour l’expression de la structure du groupe. Observant les comportements sociaux des membres d’une équipe de travail et comparant les appréciations dont ils sont l’objet, Robert Freed Bales, à partir de 1950, a pu circonscrire un ensemble de types sociaux à bien des égards équivalents à ceux dont K. Lewin avait, inversement, a priori, posé la notion, afin d’en suivre les incidences sur la vie du groupe. Plus précisément, cette « analyse des processus d’interaction » commence par fixer, en pourcentages, les comportements des membres d’une conférence, empiriquement classés en plusieurs catégories : manifestation de solidarité, de détente, d’agrément ; formulation d’une suggestion, d’une opinion, d’une information ; demandes portant sur les mêmes thèmes ; manifestations de désaccord, de tension, d’antagonisme. Sur le fondement des appréciations que les membres du groupe portent les uns sur les autres, il est alors possible d’évaluer le système d’interactions caractéristiques de « types de rôles ». Pour reprendre les conclusions de R. F. Bales dans un article fondamental de 1950, trois facteurs indépendants peuvent être dégagés — activité, valorisation au titre de l’aptitude au travail, attrait personnel — et, selon le degré de participation des individus à ces caractéristiques, cinq types : 1o le bon leader ou le grand homme, d’un niveau élevé sur les trois dimensions ; 2o le spécialiste, plus faible en attrait personnel ; 3o le spécialiste social, relativement mieux pourvu en ce dernier facteur ; 4o le déviant suractif, qui passe généralement pour présenter une plus forte propension à la domination qu’au leadership ; 5o l’individu mal coté sur les trois dimensions, qui est le déviant suractif, prédestiné à la position de bouc émissaire.


Structurations cognitives, conflits et déroutes affectives

L’entrée en jeu du formalisme permettra d’assurer en particulier la coordination entre les activités collectivement conduites par le groupe et les statuts de ses membres, c’est-à-dire leurs positions respectives dans la structure.

Dans une étude déjà ancienne (1932) Marjorie Straw, comparant les activités individuelles ou groupées dans la recherche d’une solution rationnelle de problèmes complexes, avait formulé cinq conclusions : 1o les groupes semblent assurés d’une proportion beaucoup plus importante de solutions correctes que les individus ; 2o ce résultat semble dû au rejet des solutions incorrectes ; 3o dans les groupes formés de quatre membres, les individus qui n’ont pas proposé une solution erronée sont plus enclins à la rejeter que ses artisans ; 4o tous les membres du groupe ne coopèrent pas à égalité ; 5o en ce qui touche les solutions erronées, les groupes y tombent moins fréquemment que l’individu moyen.

Un progrès notable sera dû à l’analyse des réseaux de communication de A. Bavelas et H. J. Leavitt. En particulier, si l’on se donne avec le concept de « centralité » une mesure de la proximité d’une position individuelle par rapport à toutes les autres, on peut également prendre cette construction comme mesure de la disponibilité de l’information globale nécessaire à la solution. Une telle position centrale sera dotée d’un privilège au sein d’une « structure de roue », où, à la différence d’une « structure de cercle », tous les individus se trouvent placés à égalité.