Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Groningue (suite)

Malgré l’ancienneté de son peuplement, dont témoignent de nombreux vestiges préhistoriques, la province de Drenthe (2 648 km2 ; 370 000 hab.) était encore vers 1850 une terre à demi déserte, de maigre polyculture. La conquête à l’agriculture des marais et des tourbières, l’utilisation des engrais chimiques sur les sols sableux (d’origine morainique) peu fertiles, le désenclavement de la région par les voies de communication modernes et, après 1950, le choix dans la province de plusieurs pôles de développement industriel ont complètement transformé la situation. L’industrialisation, surtout, a permis de renverser les courants migratoires (dont le bilan est désormais nettement positif) et d’améliorer sensiblement les revenus, qui restent cependant assez bas (la Drenthe a, toutefois, laissé le dernier rang à la Frise entre 1960 et 1965). Les principales agglomérations ont bénéficié de ces nouvelles activités (confection et surtout métallurgie de transformation), en particulier la capitale, Assen (plus de 30 000 hab.), et les communes de Hoogeveen et d’Emmen (plus de 20 000 hab. pour le plus gros noyau), où sévissait le chômage à la suite du déclin de l’extraction de la tourbe. Au sud-ouest de la province, Meppel, plus tertiaire (marché rural et centre de services), apparaît aussi moins dynamique. L’agriculture, qui n’occupe plus qu’un quart de la population active, reste cependant une ressource importante de la Drenthe : à côté du seigle et de la pomme de terre (féculeries), l’élevage laitier prend une grande extension.

J.-C. B.

Gropius (Walter)

Architecte allemand (Berlin 1883 - New York 1969).


Son père et son oncle étaient tous deux architectes : il suivra la voie familiale. En 1907, il entre à l’agence de Peter Behrens (1868-1940). Sous l’influence de son maître, il se préoccupe alors d’esthétique industrielle : dans les années qui précèdent la guerre, il étudie divers projets de carrosseries de véhicules (locomotive Diesel, automobiles) et d’aménagements intérieurs (cabines d’officiers de la marine de guerre, compartiments de chemin de fer).

Mais sa contribution la plus importante est l’usine d’embauchoirs Fagus-Werke à Alfeld (1911, en collaboration avec Adolf Meyer [1881-1929]). Il y réalise un des premiers exemples de mur-rideau. L’originalité spectaculaire de l’édifice n’est, toutefois, pas exempte de références (usine de jouets Steiff à Giengen an der Brenz, par l’ingénieur Richard Steiff en 1903). Le second ouvrage de Gropius et Meyer sera l’usine modèle pour l’exposition du Deutscher Werkbund à Cologne, en 1914. On a beaucoup épilogue sur les parois vitrées des coursives et des escaliers, moins sur la construction elle-même, massif cube en brique qui doit beaucoup à Frank Lloyd Wright*.

C’est après la Première Guerre mondiale que Gropius parviendra à la célébrité internationale : ayant remplacé Henry Van de Velde à la tête de l’école d’Art appliqué et de l’école des Beaux-Arts de Weimar, il fait fusionner les deux institutions sous le titre de « Bauhaus ». Dès le départ, l’activité du Bauhaus* est orientée vers les rapports de l’art avec l’industrie, et ceux-ci iront encore en se développant lors de l’installation de l’école à Dessau. La période du Bauhaus, jusqu’en 1928 — année où Gropius cède la direction de l’école à Hannes Meyer —, est la plus fructueuse de la vie de l’architecte : non seulement il est l’auteur des locaux de l’école à Dessau en 1925-26 — un véritable manifeste de l’architecture puriste —, mais encore il réalise nombre de constructions où il applique ses théories sur la standardisation : maisons expérimentales de Weissenhof pour l’exposition du Werkbund à Stuttgart (1927), cité Dammerstock de Karlsruhe, ensemble Siemensstadt de Berlin (1928) et surtout lotissement Törten à Dessau, où les éléments industrialisés étaient préfabriqués sur le chantier.

La montée du nazisme oblige Gropius à s’exiler en Angleterre (1934) : il y restera deux ans, collaborant avec Maxwell Fry (né en 1899) et publiant son ouvrage The New Architecture and the Bauhaus (1935). En 1937, Gropius est nommé directeur de la faculté d’architecture de Harvard, aux États-Unis. Il y reprend l’expérience du Bauhaus et s’associe en même temps avec Marcel Breuer* : de leur collaboration naîtront d’importants projets de maisons individuelles préfabriquées, comme celles de la résidence New Kensington à Pittsburg (1941). De 1943 à 1945, Gropius poursuivra ses recherches avec Konrad Wachsmann (né en 1901), aboutissant à une production industrielle.

En 1945, il fonde avec huit autres architectes un atelier coopératif : « The Architects Collaborative » (TAC). Sa production se confond dès lors avec celle de ses collaborateurs. Si le Harvard Graduate Center (1949-50) retient encore l’attention par la souplesse de son plan-masse, des productions ultérieures comme le projet pour l’université de Bagdad et la cité de Britz, Buckow-Rudow à Berlin (1960), l’Ambassade américaine d’Athènes (1961), le Panam Building de New York (1960) ou le J. F. Kennedy Federal Office Building de Boston (1964) prêtent toutes à la critique : l’ambassade d’Athènes est un temple grec à atrium, en marbre pentélique ; le Panam Building est une construction colossale (59 étages), dont la lourde ossature manifeste clairement l’actuelle tendance américaine au monumentalisme.

La carrière de Walter Gropius est ainsi curieusement coupée en deux périodes : l’une pendant laquelle il fut à la tête d’un des mouvements les plus avancés de l’architecture moderne ; l’autre où il exprima avec une égale vigueur les aspirations les moins plaisantes de l’architecture contemporaine. Cette dichotomie serait incompréhensible si l’âge de Gropius et l’influence de ses collaborateurs ne l’expliquaient en partie, ainsi que son caractère même : remarquable pédagogue, personnalité ouverte, Gropius a toujours été stimulé par la collaboration et, d’une façon plus large, par l’influence de son entourage, dont il finissait toujours par devenir le porte-parole. En tant qu’architecte, son apport personnel tient aux recherches qu’il a faites toute sa vie sur la standardisation des éléments de construction ; en tant qu’artiste, son originalité est moins certaine : on devrait plutôt noter la souplesse d’un talent apte à deviner et à traduire les aspirations d’un groupe.

F. L.

➙ Architecture / Bauhaus.

 G. C. Argan, Walter Gropius e la « Bauhaus » (Turin, 1931 ; nouv. éd., 1966). / S. Giedion, Walter Gropius, l’homme et l’œuvre (A. Morancé, 1955). / J. M. Fitch, Walter Gropius (New York, 1960).