Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grenoble (suite)

Au cours d’une longue histoire, Grenoble a réussi à maintenir à peu près toutes les fonctions d’un véritable organisme urbain, mais son développement a connu bien des vicissitudes, surtout à cause du caractère secondaire du carrefour routier. En effet, dans l’organisation générale des communications transalpines, les itinéraires grenoblois se heurtent à l’énorme masse du Pelvoux : par le col Bayard ou par celui du Lautaret, les routes vers l’Italie sont plus longues et plus difficiles que les voies savoyardes par la Maurienne et le Mont-Cenis. Aussi la convergence de grandes vallées sur Grenoble a-t-elle une signification surtout locale et régionale. Elle explique notamment la fonction administrative, très ancienne, puisque Grenoble fut au Moyen Âge la capitale d’un État indépendant, le Dauphiné. Sous l’Ancien Régime, la ville conserva certains privilèges (parlement, université). Elle eut aussi un rôle militaire, qui lui valut au xixe s. la construction d’une énorme enceinte et de nombreuses casernes. Enfin, à une époque récente, le développement du tourisme a donné une signification nouvelle au carrefour grenoblois : alpinisme et champs de ski ont valorisé ce qui n’était jadis que terroirs médiocres, forêts ou déserts. Depuis les jeux Olympiques de 1968, une étoile de routes modernes à grande circulation permet depuis Grenoble un accès rapide à de nombreuses stations.

Mais ces différents épisodes n’expliquent pas la présence, au cœur d’un massif montagneux, d’une agglomération urbaine comparable en importance à celle de Saint-Étienne. C’est l’industrie qui a fait de Grenoble une grande ville malgré les difficultés de l’environnement naturel. La première croissance date de la fin du xvie s., lorsque le protestant François de Bonne de Lesdiguières (1543-1626) s’empara de Grenoble et stimula l’activité économique, notamment la ganterie. Au milieu du xixe s., cette ancienne spécialité grenobloise connut un nouveau développement, et d’autres industries apparurent, notamment la fabrication des chaux et ciments (marno-calcaires des Préalpes et anthracite de La Mure). Ce fut le début d’une expansion démographique qui se poursuivit avec la houille blanche : pour équiper les chutes d’eau, les papeteries, les usines de ferro-alliages, de carbure, de chlore, d’aluminium, il fallut des turbines, des conduites forcées, des cuves, des broyeurs, des appareils électriques, que fabriquèrent les fondeurs, les chaudronniers et les constructeurs grenoblois. De 1861 à 1975, la population de la ville est passée de 29 000 à 166 000 habitants ; mais l’agglomération urbaine (31 communes) rassemble au totale 332 000 habitants. Ce gonflement est dû pour l’essentiel à l’immigration, alimentée au xixe s. par les montagnes environnantes, surpeuplées, ensuite par des étrangers (Italiens), enfin, depuis la Seconde Guerre mondiale, par des personnes originaires surtout des grands foyers urbains et industriels français.

Plus de la moitié de la population active de l’agglomération est employée dans l’industrie, et d’abord dans la construction mécanique et électrique : appareillage à haute tension, turbines, remontées mécaniques figurent parmi les réalisations grenobloises les plus connues. Après l’industrie du bâtiment et des travaux publics viennent les industries chimiques (plate-forme de Pont-de-Claix-Jarrie) fondées sur l’utilisation du chlore, les industries alimentaires, la confection (les vêtements de montagne sont devenus plus importants que la ganterie), l’électronique, la transformation des plastiques, la métallurgie des poudres, etc. On perçoit dans ce tableau le déclin des industries de main-d’œuvre et des industries lourdes au profit de techniques plus évoluées. Cette tendance a été favorisée par l’université, qui rassemble 20 000 étudiants, et par des laboratoires appartenant soit à la recherche publique (Centre d’études nucléaires, Laboratoire d’électronique et de technologie de l’informatique), soit à la recherche industrielle privée ou professionnelle : avec plus de 6 000 personnes, les activités de recherche et de contrôle représentent environ 5 p. 100 de la population active.

Par ailleurs, d’autres services se développent ; aussi le secteur tertiaire progresse-t-il, surtout dans la ville de Grenoble, où il occupe plus de la moitié de la population active.

Grâce à l’industrie et à la recherche, Grenoble s’affirme comme un organisme urbain d’un type particulier, peu autonome au plan des affaires, mais doté d’équipements assez variés pour rendre probables d’autres développements.

M. L.

➙ Isère (départ.) / Rhône-Alpes.


L’histoire

Située à l’extrémité méridionale du territoire des Allobroges, dont elle semble avoir été la principale bourgade dès 400 av. J.-C., traversée en 218 av. J.-C. par Hannibal en route pour l’Italie, l’antique Cularo n’est, jusqu’à la fin du ive s. apr. J.-C., qu’un simple vicus de la cité de Vienne. Étape, cependant, sur la voie romaine unissant Vienne à Milan, elle est entourée de murs au temps de Dioclétien (fin du iiie s. apr. J.-C.), puis érigée à la fin du ive s. en une civitas Gratiano Politana (du nom de l’empereur Gratien) sur le territoire de, laquelle Aetius installe vers 443 les Burgondes. Après la disparition de leur royaume en 532, le roi de Soissons, Clotaire Ier, annexe la cité, dont son fils Gontran hérite à sa mort en 561. Suivant jusqu’en 1032 le sort de la Bourgogne mérovingienne, puis carolingienne et celui des royaumes de Bourgogne cisjurane, puis transjurane, Grenoble s’émancipe alors sous la direction de ses évêques, dont le premier, saint Domnin, aurait été élu dès la fin du ive s.

Agissant d’abord en accord avec le comte de Graisivaudan, l’évêque de Grenoble se brouille avec ce dernier, qui doit céder (il s’agit alors de Guigues III) tous les biens d’Église qu’il possède en 1110 dans la ville de son rival saint Hugues (1080-1132). Pour prix de son ralliement à l’antipape Victor III, l’un de ses successeurs, l’évêque Geoffroy, obtient même de Frédéric Ier Barberousse l’octroi des droits réguliers, mais, soumis à une forte pression populaire, un autre évêque, Pierre II, conjointement avec le dauphin de Viennois, doit concéder en 1242 et surtout en 1244 des franchises communales aux habitants de la ville, désormais autorisés à élire pour un an leurs recteurs.

Dotée en 1339 d’une université où l’on enseigne le droit pour le dauphin Humbert II, qui transfère dans la ville le siège du Conseil delphinal en 1340, Grenoble devient en 1349 la capitale du Dauphiné*, que son dauphin vient de céder à l’héritier du trône de France.

À ce titre, le fils de Charles VII, Louis II (le futur Louis XI), vient résider de 1440 à 1457 dans cette ville. Il y fait alors reconnaître ses droits de suzerain par l’évêque Siboud Allerand et y érige en 1453 le Conseil delphinal en parlement du Dauphiné.