Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grenade (suite)

L’Alhambra

C’est sans doute à l’immense attrait qu’exercèrent sur les conquérants chrétiens le charme du palais royal naṣride et la beauté exceptionnelle de son site que l’Alhambra doit d’avoir survécu. C’est à cette beauté et à ce charme, plus encore qu’à son rôle de témoin unique de l’art palatial du xive s., qu’il doit son immense renommée. Ce vaste ensemble, à la fois forteresse, résidence somptueuse et cité administrative, ne présente pas que d’éminentes qualités. Si une science réelle a présidé à sa construction, s’il fait montre d’une incontestable originalité, il souffre de désordre, de déséquilibre, d’excès, d’un goût trop prononcé pour le pittoresque. Dans la partie résidentielle, il sacrifie volontairement l’architecture au décor. Celui-ci, en céramique, en plâtre, en bois, au demeurant plein de joliesse, tend à l’exubérance, couvre quasiment toutes les surfaces, dépasse la ligne architecturale et la tue. Il contribue à créer des perspectives de baies et d’arcs ; il joue avec les légères colonnes, isolées, jumelées ou groupées en nombre ; il a le sens de la couleur et des nuances ; il peut s’avérer excellent, comme dans l’épigraphie cursive ; mais, surtout dans les parties les plus récentes, il se dessèche, il manque de vigueur et de variété.

L Alhambra a été mis en chantier vers le milieu du xiiie s. sur le site d’une forteresse antérieure. Les deux premiers princes naṣrides ont édifié, outre les premiers palais, l’essentiel de la haute et magnifique muraille ainsi que le plus grand nombre des vingt-trois tours. Pourtant, celles de Comares, de Machuca, du Candil et les trois grandes portes monumentales (la Justicia, Siete Suelas et las Armas) sont l’œuvre de Yūsuf Ier (1333-1354). Quant à la tour de Peinador, elle fut achevée sous Muḥammad V. L’espace ainsi ceinturé comprenait trois parties : à l’ouest, le grand complexe fortifié de l’Alcazaba ; au centre, les palais ; à l’est, la ville. Les destructions, comme celle de la Grande Mosquée, ont altéré ce plan. Les palais forment deux ensembles groupés autour de deux grands patios à axe perpendiculaire : la cour de Comares (dite aussi « des Myrtes » ou « de la Alberca »), qui date de Yūsuf Ier, et la cour des Lions, édifiée par son successeur. L’un et l’autre comprennent des salles de réception au rez-de-chaussée (salle de la Barca, salle des Ambassadeurs, dite aussi « du Trône », pour le premier ; salle des Deux-Sœurs, salle des Muqarnas [stalactites], salle des Rois ou du Tribunal, salle des Abencérages, pour le second) et des chambres, de dimensions plus réduites, à l’étage. Des bains et une chapelle s’insèrent entre les deux. Plus au sud s’élevait la Rawḍa, la nécropole, dont les fouilles ont révélé le plan, tandis que le Partal et les demeures sises au-delà des tours de Peinador, de la Reine et de la Captive forment une ordonnance à part.


Le Generalife

La seule maison de campagne des Naṣrides qui nous soit parvenue date du début du xve s. et offre le type accompli des villas marocaines. Érigée sur des pentes escarpées, elle ouvre sur la ville des vues enchanteresses. Deux pavillons à portiques, aux salles richement décorées, s’y font face de part et d’autre d’un long jardin creusé dans son axe par un canal. Ce jardin est entouré d’un mur qui, trait exceptionnel dans l’art de l’islām occidental, est ajouré d’arcs sur un côté et porte un mirador.

J.-P. R.


Après la reconquête

Parce qu’elle avait été ardemment convoitée, la ville de Grenade demeura pendant un certain temps une des cités de prédilection des rois d’Espagne. Ceux-ci se plurent à la parer et y appelèrent les meilleurs artistes. Ainsi se constitua un important foyer d’art où s’opéra le passage du gothique à la Renaissance.

Les Rois Catholiques, après avoir décidé de s’y faire enterrer, confièrent à leur architecte, Enrique Egas († v. 1534), le soin de construire la Chapelle royale (1505-1521) destinée à abriter cette sépulture. Le monument, encore tout gothique, allait devenir un splendide musée de sculpture et de peinture.

La Renaissance fit effectivement son entrée à Grenade avec Diego de Siloé*, dont l’œuvre résume les conquêtes du premier art plateresque. Son ambition de bâtir comme les Romains trouva des chantiers à sa mesure, avec le fastueux couvent des Hiéronymites et surtout, après 1528, avec la cathédrale.

Cependant, l’une des plus parfaites créations de la Renaissance se trouve sur la colline de l’Alhambra. Charles Quint y fit entreprendre par Pedro Machuca († 1550) un nouveau palais qui est un hommage à l’Italie de Bramante*.

Un nouvel élan fut donné vers le milieu du xviie s. par Alonso Cano* et ses élèves, les sculpteurs Pedro de Mena (1628-1688) et José de Mora (1642-1724), et les peintres Pedro Atanasio Bocanegra (1638-1689) et Juan de Sevilla (1643-1695). Parallèlement, le mouvement baroque se développa dans l’architecture grâce à l’intervention de Francisco Hurtado Izquierdo (1669-1725). Il trouva sa meilleure expression dans l’étonnante sacristie de la Chartreuse.

M. D.

 F. Prieto Moreno, Grenade (Barcelone, 1962).

Grenoble

Ch.-l. du départ. de l’Isère ; 165 902 hab. (Grenoblois). L’agglomération compte une population double.



Grenoble offre l’exemple assez rare d’une grande ville de montagne. Depuis les ponts et les quais de l’Isère apparaissent très proches les falaises calcaires des Préalpes, Chartreuse et Vercors, tandis qu’en face du fort de la Bastille, accroché aux flancs du Rachais, se découvre l’admirable panorama de la chaîne de Belledonne, brèches et pics à plus de 2 600 m d’altitude, qui appartiennent à la puissante barrière cristalline des massifs centraux. Ces hauts reliefs dominent les profondes vallées de l’Isère et du Drac, creusées par les glaciers de l’ère quaternaire selon deux directions perpendiculaires : celle du Sillon alpin entre Préalpes et massifs centraux, et celle de la cluse de Voreppe, véritable porte qui ouvre la montagne sur l’avant-pays. Grenoble a pris naissance à ce carrefour de vallées, là où la masse des cailloutis du Drac, en fixant le lit de l’Isère contre l’éperon calcaire du Rachais, permettait la construction d’un pont. Mais l’altitude de ce confluent n’est pas élevée (213 m), et le cône de déjection du Drac est ici très aplati : de sorte que Grenoble, ville de montagne, fut, avant l’ère de l’automobile, le paradis des cyclistes. Après les travaux d’endiguement réalisés au xviie s., cette plaine du Drac a pu contenir aisément la ville. Mais, actuellement, l’espace commence à manquer ; le flot des constructions déborde la cuvette grenobloise, rigoureusement délimitée par la montagne. Et l’on songe à un nouveau site, dans la plaine de Moirans, au-delà de la cluse de Voreppe : Grenoble aurait ainsi un pied dans l’avant-pays, pour reprendre l’expression de Raoul Blanchard.