Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique latine (suite)

La deuxième bande de peuplement dense, à l’ouest du continent, correspond, cette fois, non à la zone littorale, mais à celle des bassins andins. De la Colombie à la Bolivie en passant par l’Équateur et le Pérou, c’est en effet la partie montagneuse qui abrite la majorité de la population et offre les densités les plus élevées, pouvant dépasser 200 ou 300 habitants au kilomètre carré dans certains îlots de peuplement très dense : bassins ou hautes vallées, où le fond indien reste prédominant. Parallèlement, autour des grandes villes littorales comme Lima ou Guayaquil, se sont constitués des noyaux de peuplement dense, de développement récent.

La zone de Caracas, qui abrite près des deux tiers de la population vénézuélienne, et la région de Santiago à Valdivia, où vivent 90 p. 100 de la population du Chili, constituent deux autres points de fort peuplement, où les densités dépassent 20 habitants au kilomètre carré.

• L’accroissement démographique. Ces divers noyaux de peuplement s’accroissent à un rythme accéléré, qui, de 1925 à 1973, a porté la population de l’Amérique latine de 93 512 000 habitants à 285 millions d’habitants. On peut distinguer trois groupes de pays, qui ont des comportements démographiques et des rythmes d’accroissement sensiblement différents.

L’Amérique du Sud tempérée, constituée par l’Argentine, le Chili et l’Uruguay, a connu de 1925 à 1962 un accroissement de 103 p. 100, alors qu’il atteignait 142 p. 100 dans l’Amérique tropicale et 134 p. 100 pour l’Amérique centrale et les Antilles.

Le rythme annuel d’accroissement diminue régulièrement dans l’Amérique du Sud tempérée, passant de 2,4 p. 100 par an pour la période de 1925-1930 à 1,9 p. 100 pour la période de 1966-1968. Inversement, les deux autres groupes de pays ont vu leur taux annuel s’accroître sensiblement : ainsi, en Amérique du Sud tropicale, il était de 1,9 p. 100 par an entre 1925 et 1930, et il atteint 3,2 p. 100 en 1968.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’immigration, devenue négligeable, ne peut plus être tenue pour un facteur déterminant dans l’explication des comportements démographiques de ces pays ; c’est par l’examen des modalités du croît naturel que l’on peut rendre compte de ces comportements.

L’Amérique centrale et les Antilles connaissent un taux de natalité extrêmement élevé, dépassant généralement 45 p. 1 000 et qui n’a fait qu’augmenter au cours des vingt dernières années, ce qui témoigne d’une absence générale de pratiques contraceptives, sauf en ce qui concerne Panamá et surtout Cuba.

L’Amérique du Sud tropicale connaît un taux de natalité sensiblement analogue à celui du groupe précédent. Le Brésil présente des variations d’une région à l’autre : ainsi, le taux de natalité, qui atteint 48 p. 1000 dans les États de Piauí et de Ceará, tombe à 30 p. 1 000 dans l’État de Guanabara, qui comprend la ville de Rio et ses environs, ce qui témoigne de la pénétration des pratiques contraceptives dans les zones urbaines.

Le taux de natalité est plus faible en Argentine (environ 23 p. 1 000) ainsi qu’en Uruguay (environ 20 p. 1 000), où il diminue progressivement. Le comportement démographique tend ici à se rapprocher de celui des pays développés. Le Chili, par contre, conserve un taux élevé (entre 35 et 38 p. 1 000), qui a continué à s’accroître légèrement.

Depuis 1945, le taux de mortalité diminue régulièrement dans tous les pays ; il se situe entre 10 et 20 p. 1 000 dans les pays d’Amérique du Sud tropicale, pour tomber au-dessous de 10 p. 1 000 dans la zone tempérée. En Amérique centrale, le taux de mortalité est également en très forte baisse, bien que les îles, et particulièrement Haïti, conservent une forte mortalité.

On enregistre donc chaque année un excédent naturel considérable, qui place dans une situation de plus en plus dramatique la plupart de ces pays, surtout ceux qui ne connaissent encore aucune diminution de leur taux de natalité. Chassées par la misère d’une terre qui ne suffit plus à les nourrir, des masses d’hommes viennent, chaque année, grossir la population des bidonvilles, population de sans-travail que les activités de la grande ville ne peuvent absorber.

• Les migrations. L’essentiel des migrations est maintenant le fait de migrations intérieures dues à l’exode rural. Les grandes villes d’Amérique latine connaissent un formidable accroissement de leur population, bien supérieur à l’excédent des naissances sur les décès, qui résulte de ces migrations de misère des paysans vers les grandes villes. Il ne s’agit pas d’une prolétarisation des paysans analogue à celle qui s’est produite en Europe au xixe s., où l’industrie, en plein développement, absorbait rapidement la totalité de cette main-d’œuvre. Ici, seul un faible pourcentage de ces migrants trouve un emploi dans les activités productives ; le reste s’entasse dans les bidonvilles qui entourent toutes les grandes villes de l’Amérique latine et qui, sous des noms différents (favelas à Rio, ranchos à Caracas, mocambos à Recife), relèvent d’une même réalité, faite de misère, de chômage, d’analphabétisme et de sous-alimentation. Dans l’espace urbain, partout l’opposition est flagrante entre les quartiers très riches et ces bidonvilles. Elle traduit en fait les caractères de la population en Amérique latine, où le très haut niveau de vie d’une petite fraction de la population s’oppose au niveau de vie particulièrement misérable de la plus grande masse.

• Les caractères de la population. L’examen de la population active révèle la part prioritaire, dans tous ces pays (sauf en Argentine), du secteur primaire par rapport aux activités secondaires et tertiaires. Du fait de la faible productivité générale du secteur agricole, le niveau de vie des paysans est extrêmement précaire ; il explique la faiblesse du revenu national par habitant et rend compte de l’exode rural et de la prolifération des bidonvilles. Dans cette population ethniquement très mélangée, il est difficile de situer l’importance exacte du groupe des Blancs, mais il est certain que ceux-ci sont présents dans tous les États de l’Amérique latine (avec des pourcentages particulièrement importants au Brésil, en Argentine et en Uruguay) et qu’ils constituent la fraction économiquement et socialement la plus favorisée, tandis que Noirs et Indiens se situent en général au bas de l’échelle sociale.