Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

Platon a abordé dans divers ouvrages tous les problèmes relatifs à la musique : technique, création, instruments, danses, éducation, esthétique. Plus condensée est la section 19 des Problèmes d’Aristote, où neuf problèmes sont relatifs à l’acoustique, neuf aux consonances, six à l’octacorde et à l’heptacorde, six à des particularités de l’exécution vocale, trois à l’accompagnement hétérophone (sorte de polyphonie), trois à l’histoire musicale, huit à la philosophie et à l’esthétique, deux aux harmonies (modes) employées dans la tragédie. Euclide le géomètre est peut-être l’auteur d’une Introduction harmonique et d’un autre livre intitulé Division du canon, paraphrasé en latin par Boèce (vie s.). Claude Ptolémée est mathématicien et harmonicien.


La théorie et les notations mélodiques

Les traités d’harmonique concernent plus particulièrement la pratique. On y débat de la voix continue (parlée), de la voix discontinue (chantée), des sons, des intervalles, des genres, des tropes (modes), de la mélopée (composition mélodique), des systèmes (ensemble de 2 à 5 tétracordes), etc. La théorie musicale reposait sur le tétracorde (tetrakhordos), dont les sons 1 et 4 étaient fixes, les sons 2 et 3 mobiles ; les sons mobiles, surtout le troisième appelé likhanos (corde indicatrice), caractérisaient les genres : diatonique, chromatique et enharmonique. Alypios est l’auteur qui nous renseigne le mieux sur les deux notations mélodiques : la vocale et l’instrumentale, fondées sur l’alphabet ionien, avec, selon les cas, rotation ou amputation des signes. Il nous les transmet en quarante-cinq tableaux pour les tropes : lydien, iastien, phrygien, éolien et dorien, et dans les échelles hypo- et hyper- (hypolydien, hyperlydien, etc.).


La problématique

Bien que nous ayons une idée assez précise de la théorie musicale grecque, une faible partie des textes a survécu. Par exemple, Aristoxène aurait écrit quatre cent cinquante-trois livres sur la musique : quatre seulement subsistent, ainsi que quelques fragments de ses Éléments rythmiques. Alors qu’Alypios dit : « La musique se compose de trois sciences connexes [...] l’harmonique, la rythmique et la métrique », seule son Harmonique nous est connue.

La poésie reposait sur l’alternance de syllabes longues et brèves (métrique) organisées rythmiquement en kommata, en kôla et en périodes. Les poètes étaient en même temps musiciens : « Chanter un poème de Simonide » (Aristophane, Nuées, 1355-56). Les grandes fêtes panhelléniques comportaient un concours musical auquel le rhapsode prenait part. Pindare composa ses Odes triomphales en l’honneur des vainqueurs. Certaines de ses odes ont une indication modale (Pythiques, ii, 128 : « éolien » ; Olympiques, i, 164 : « éolien » ; iii, 8 : « dorien » ; xiv, 25 : « lydien »).

La tragédie comprenait des parties parlées, des airs et des récitatifs (parakatalogê) sur accompagnement instrumental, comme plus tard l’opéra. À très peu d’exceptions près, tous ces textes nous sont parvenus sans leur musique. La musique grecque est presque totalement perdue. Les partitions présentées par les inscriptions et les papyrus sont en lambeaux ; seuls les trois hymnes transmis par les manuscrits médiévaux sont entiers.


Postérité de la musique grecque antique

Entre 1529 et 1550 (date du Catalogue, de la bibliothèque de Fontainebleau), François Ier — voulant rivaliser avec les Médicis — fait rechercher et copier une très grande quantité de manuscrits grecs ; parmi ceux-ci, les manuscrits musicaux conservés actuellement à la Bibliothèque nationale de Paris. Cette initiative donne l’impulsion à ce qui sera la musique mesurée à l’antique, le ballet de cour et Fart théâtral de l’époque classique ; elle transforme les conceptions musicales. M. Mersenne, dans son Harmonie universelle, contenant la théorie et la pratique de la musique (Paris, 1636), l’atteste constamment.

Documents musicaux grecs

Documents épigraphiques

1. 2. Les deux hymnes delphiques à Apollon, gravés sur marbre, trouvés en mai 1893 dans le trésor des Athéniens à Delphes. Ils sont datés respectivement des environs de 138 et 128 av. J.-C. Le premier, anonyme, est un péan en mètre crétique ; notation vocale : modes phrygien et hyperphrygien. Le second, dont l’auteur est Limenios, est un péan en mètre crétique ; notation instrumentale : lydien et hypolydien.

3. L’Épitaphe de Seikilos, datée du ier s. av. J.-C., découverte en 1883 à Aydin (l’ancienne Tralles) et détruite dans un incendie en 1923 ; not. voc. : ionien. Bibliographie : Th. Reinach.

Documents papyrologiques

Nous les citons dans l’ordre chronologique. Ils sont extrêmement mutilés (imaginons qu’il ne reste que dix mesures de la Neuvième Symphonie !). Les reconstitutions musicales qui en ont été faites reposent uniquement sur les tableaux d’Alypios. À l’exception du De musica de Philodème, trouvé à Herculanum, tous ces papyrus proviennent d’Égypte.

Pour chacun des papyrus, nous indiquons : sa dénomination actuelle ; l’année de la première édition, souvent de peu postérieure à la découverte ; la date et la provenance du papyrus ; son contenu littéraire et musical.

Les partitions.
1. Papyrus Zénon 59533 (édité en 1931) ; vers 250 av. J.-C. ; provenance : Philadelphie ; fin d’un dithyrambe (?) ; not. voc. : phrygien.
2. P. Rainer 2315 (1892) ; 250-150 ; prov. : Hermopolis-la-Grande ; Euripide, Oreste, 338-343 ; not. voc. et instr. : lydien.
3. P. Vindobonensis 29825 a-f (trouvé vers 1890 ; publié en 1962) ; fin du iiie s. ; prov. inconnue. Fragments de tragédie et de comédie.
4. P. Michigan 2958 (1965) ; appartient à un lot daté de 150 à 216 apr. J.-C. ; texte non identifié ; mètre iambo-trochaïque ; not. voc. : hyperionien et hypolydien.
5. P. Oxyrhynchus 2436 (1959) ; iie s. ; texte non identifié ; monodie provenant d’un drame satyrique ou d’un dithyrambe ; not. voc. : hypolydien et lydien.
6. P. Oslo 1413 A-B (1955) ; deux fragments de tragédies tirés d’une anthologie (?) ; 80-120 ; prov. inconnue. A : anapeste ; not. voc. : hyperionien et hypoionien. — B. : trimètre iambique ; not. voc. : lydien avec modulation en hypolydien diatonique.
7. P. Berlin 6870 ; au verso d’un document latin daté de 156 et relatif à des troupes stationnées à Contra-Apollinopolis, en face d’Edfou ; présente cinq textes :
a) péan de douze lignes ; métrique en longues ; not. voc. : hypolydien diatonique ;
b) fragment instrumental de trois lignes ; hyperionien ;
c) fragment tragique de quatre lignes ; métrique incertaine ; not. voc. : iastien et hyperiastien ;
d) fragment instrumental de trois lignes ; hyperionien ;
e) fragment tragique, une ligne mutilée ; hyperéolien chromatique.
8. P. Oxyrhynchus 1786 (1922) ; fin du iiie s. ; hymne chrétienne ; dimètre anapestique ; not. voc. : hypolydien diatonique.