Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

granite (suite)

La bataille du granite

Elle commence au xviiie s., quand James Hutton (1726-1797), réfutant l’idée que le granite existe partout, tel qu’il est, depuis la création, montre que cette roche se comporte en intruse parmi les autres roches, et avance l’idée qu’elle a cristallisé à partir d’un liquide produit par la fusion de roches sédimentaires. Trop en avance sur son temps, Hutton n’impose ses idées qu’en Écosse. Joseph Durocher (1817-1860) imagine une couche de magma granitique continue et flottant sur une couche de magma basaltique, alors que d’autres recherchent le « magma père » de toutes les roches éruptives, granite compris. Plus récemment, l’école transformiste soutient l’idée que les granites sont des roches métamorphiques formées, à l’état solide, à partir de roches de l’écorce, s’opposant en cela à l’école liquidiste, pour qui tout granite provient de la cristallisation d’un magma.


Les granites dans la nature

Les rapports des masses granitiques avec leur cadre géologique permettent un classement en deux catégories, celle des granites autochtones, à bordures floues, en équilibre avec leur environnement de schistes cristallins, et celle des granites allochtones ou intrusifs, qui apparaissent, comme leur nom l’indique, en intrus dans les niveaux superficiels de l’écorce.


Les granites intrusifs

Parmi eux, les granophyres constituent une classe à part. Formés presque uniquement de micropegmatite, ils sont liés à des roches basiques qui contiennent elles-mêmes de la micropegmatite en phase interstitielle. Les granites subvolcaniques forment des alignements réguliers dans les zones stables de l’écorce. Ils sont associés à des laves et à des tufs volcaniques marquant le caractère très superficiel de leur mise en place et à des roches basiques qui dénotent leur origine profonde. Reconnus en Écosse au début du siècle, ils ont été retrouvés par la suite dans l’est des États-Unis, au Nigeria, dans l’Aïr et, récemment, en Corse. Ils se présentent souvent en massifs annulaires mis en place à la faveur de l’enfoncement d’une partie conique de l’écorce permettant le passage vers le haut du magma granitique (fig. 2). Ces granites ont une minéralogie particulière avec un péridot ferreux, la fayalite, des amphiboles et des pyroxènes riches en fer. Les feldspaths sont du type perthite, fine association d’orthose et d’albite traduisant une température de cristallisation élevée. Mais, le plus souvent, les granites intrusifs n’ont aucune relation avec le volcanisme. Ils apparaissent brutalement dans des roches sédimentaires ou métamorphiques, où ils développent un métamorphisme de contact (v. métamorphisme). Souvent, ils sont entourés d’une bordure figée de microgranites ou d’aplites à grain fin traduisant un refroidissement rapide. Ils contiennent des enclaves empruntées au milieu où ils se sont installés ou ramenées de zones plus profondes.


Les granites autochtones et parautochtones

Dans les séries des schistes cristallins apparaissent les migmatites, mélanges de granite et de gneiss. Le granite constitue parfois la plus grande partie de ce mélange et forme d’immenses massifs riches en enclaves. Rien ici n’indique un transport de matière, et le granite est en équilibre minéral avec son environnement. Le phénomène d’adaptation brutale qu’est le métamorphisme de contact n’apparaît pas, non plus que les bordures figées. Les enclaves sont empruntées au voisinage immédiat, et les structures tectoniques demeurent cohérentes. Il arrive cependant que des granites de ce type s’accumulent en un point et repoussent vers le haut leur couverture de la même manière que les dômes de sels soulèvent les terrains sédimentaires qui les recouvrent. On qualifie de parautochtones ces massifs intrusifs enracinés dans leur région d’origine.


Genèse des granites

Le granite peut être ramené à un système ternaire quartz-albite-orthose, ses composants fondamentaux. N. L. Bowen en 1928, puis O. F. Tuttle et N. L. Bowen en 1958 ont montré que, dans ce système, il existe des mélanges dont les bas points de fusion dessinent des vallées thermiques qui séparent les domaines du quartz et des feldspaths (fig. 3 et 4). Ces vallées convergent vers le point représentatif du mélange dont la température de fusion est la plus basse, le minimum thermique La composition de ce minimum et sa température de fusion changent avec la pression d’eau. Une élévation de pression enrichit le minimum en albite et en eau et abaisse sa température de fusion. En fusion sèche, le minimum est composé de 40 p. 100 de quartz, de 30 p. 100 d’albite et de 30 p. 100 d’orthose. Sa température de fusion est de 970 °C environ. Dans ces conditions, l’albite et l’orthose cristallisent ensemble en une solution solide qui se dissocie en perthite lorsque la température s’abaisse au-dessous de 660 °C. Sous 4 000 bars de pression d’eau, la température est abaissée à 660 °C, et le minimum est composé de 25 p. 100 de quartz, de 45 p. 100 d’albite et de 30 p. 100 d’orthose. Dans ce cas, les domaines de l’albite et de l’orthose sont distincts, et le minimum se comporte comme un eutectique ternaire. La région du diagramme où les variations de pression déplacent le minimum est tout à fait critique et contient les compositions de 90 p. 100 des granites naturels (fig. 5). Le rôle de l’eau est essentiel. Le minimum granitique liquide en contient 2 p. 100 à 500 bars et 9 p. 100 à 4 000 bars. Si la quantité d’eau est insuffisante pour saturer le système, une augmentation de la pression entraîne une augmentation de la température de fusion complète (fig. 6). Le liquide A saturé en eau cristallise dès que la température baisse ou que la pression baisse. Un tel liquide ne peut accéder à un niveau élevé et cristallise sur place en donnant un granite autochtone. Au contraire, le liquide B peut supporter, avant de cristalliser totalement, un refroidissement considérable ou une annulation totale de la pression, c’est-à-dire accéder à la surface pour y donner des laves ou des massifs subvolcaniques.