Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grande-Bretagne (suite)

Extérieurement, avec leurs portiques, les édifices de goût palladien sont de formes simples et sobres, de proportions très étudiées. Plus opulente, la décoration intérieure est cependant de caractère très architectural. Les boiseries disparaissent au profit de marbres et de stucs travaillés souvent par des spécialistes italiens. Le mobilier garde un ton plutôt baroque, comme dans le style Queen Anne du début du siècle. Le goût évolua cependant vers des formes allégées et élégantes dont l’invention revient surtout au célèbre Thomas Chippendale*. Le style Chippendale est une version très originale du rococo, avec des réminiscences gothiques et des concessions à l’exotisme chinois. Il contribue au faste raffiné de la demeure anglaise avec les tentures murales, les tapisseries de Soho, les porcelaines de Chelsea, de Bow, de Worcester, et d’innombrables pièces d’argenterie.

Par une coïncidence remarquable, les édifices palladiens du xviiie s. s’inscrivent souvent dans le cadre déjà romantique du jardin* « paysager », imaginé alors en Grande-Bretagne. C’est une nature embellie, où les « fabriques » jouent un rôle important ; les unes inspirées de l’Antiquité, les autres de la Chine ou du passé gothique. Le genre fut illustré d’abord par Kent, puis par son disciple Capability Brown (1716-1783). On sait quel succès rencontra cet art du jardin anglais sur le continent.


Retour à l’antique et « gothic revival »

Le mouvement néo-classique a été particulièrement enthousiaste et précoce en Grande-Bretagne. Contemporain de la révolution industrielle, il prend naissance vers 1750 et s’étend à la première moitié du xixe s., affrontant la concurrence du genre néo-gothique. Alors que les palladiens s’inspiraient de la Renaissance italienne, leurs successeurs entreprennent de se référer directement à l’Antiquité gréco-romaine, dont l’archéologie perfectionnait la connaissance. Dans sa première phase, le mouvement est soumis à la personnalité de Robert Adam*. Architecte et décorateur, à Londres et à Édimbourg comme dans les résidences de campagne, Adam impose un style très calculé, puissant et léger tour à tour. Son influence s’étend à presque tout le décor de la vie aristocratique. Lui-même dessine d’innombrables détails, et Chippendale change sa manière pour adapter le mobilier au style Adam. George Hepplewhite († 1786) et Thomas Sheraton (1751-1806), l’un et l’autre auteurs de recueils gravés, allègent encore les formes. Le goût nouveau s’impose aussi à l’orfèvrerie et à la céramique grâce à Josiah Wedgwood*, inventeur d’un type original de faïence fine dont les tons caractéristiques servent souvent de fond à des figures délicates, moulées d’après les modèles du sculpteur néo-classique John Flaxman (1755-1826).

Sous la Régence, John Nash* tient, en face du très original John Soane*, le rôle d’architecte officiel. Il donne au West End de Londres une physionomie aristocratique, que l’on retrouve à Brighton, station balnéaire mise à la mode par le régent. Il y élève pour celui-ci le Royal Pavilion, mais il s’agit d’une fantaisie indochinoise, au demeurant très réussie.

L’intérêt pour le gothique, dont les procédés n’avaient jamais été totalement abandonnés, se manifeste d’abord par les fabriques des jardins, suivies très tôt de véritables demeures, ainsi le Strawberry Hill d’Horace Walpole (près de Twickenham, 1747). Dans la première moitié du xixe s., les travaux des archéologues répandent le goût de l’exactitude. Ce néo-gothique plus savant a pour théoricien Augustus Welby Pugin (1812-1852), collaborateur de Charles Barry (v. éclectisme) dans la reconstruction du Parlement de Londres, chef-d’œuvre du genre.


De Hogarth à Turner : L’âge d’or de la peinture britannique

Jusqu’au xviiie s., la peinture était restée presque toujours tributaire des étrangers. William Hogarth* peut revendiquer l’honneur d’avoir fondé l’école nationale, qui s’illustra brillamment jusqu’au milieu du xixe s. dans les genres du portrait et du paysage. Hogarth conquit la célébrité par ses suites de tableaux satiriques et moralisateurs, mais nous goûtons plutôt la franchise de ses portraits sans apparat.

Cependant, le portrait anglais reste un genre aristocratique, conçu pour une société policée qui voulait d’elle-même une image flatteuse. L’exemple de Van Dyck enseigne l’habileté à rendre la distinction comme le choix harmonieux des couleurs et un brio qui devient de règle. Au xviiie s., les deux grands maîtres du portrait sont J. Reynolds* et T. Gainsborough* ; le premier plus réfléchi, le second plus sensible et plus charmeur. Mais il faut aussi rendre justice aux plus doués de leurs émules : George Romney (1734-1802), John Hoppner (1758-1810), John Opie (1761-1807). Venu d’Allemagne, John Zoffany (1734-1810) se fit une spécialité des portraits de groupe. La virtuosité de Th. Lawrence* lui assura sous la Régence et le règne de George IV un éclatant succès de portraitiste officiel et mondain. La contribution de l’Écosse est représentée par l’art plus franc d’Henry Raeburn (1756-1823).

Le paysage est l’autre titre de gloire de la peinture britannique. Si Canaletto* fit en Angleterre un long séjour, on peut lui opposer un paysagiste national, Richard Wilson (1714-1782), auteur de compositions où les souvenirs de Claude Lorrain et des Hollandais laissent parfois la place à un souffle déjà romantique. La nature est présente aussi dans l’œuvre de Gainsborough, mais vue à travers les maîtres flamands. Plus novateur, l’art du paysage à l’aquarelle s’épanouit à partir de la fin du xviiie s. et devient une spécialité britannique. John Robert Cozens (1752-1797) lui avait ouvert la voie ; Thomas Girtin (1775-1802) invente une technique plus libre et plus légère, s’attachant en même temps à la représentation de sites précis. L’aquarelle romantique a éveillé de nombreux talents, ainsi John Sell Cotman (1782-1842), David Cox (1783-1859) et Bonington*, peintre de chevalet non moins brillant. L’exemple des aquarellistes fit connaître aux peintres un métier large, qui exprime l’atmosphère et les jeux de la lumière. Le mouvement romantique accroît l’intérêt pour les sites nationaux. John Crome (1768-1821) ouvre la voie au génie de J. Constable*, qui se fait le poète puissant et sincère de la campagne anglaise. W. Turner* évolue au contraire vers un art de plus en plus transposé, où les formes se dissolvent dans une vapeur lumineuse.