Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grande-Bretagne (suite)

Le cinéma

Les premières représentations cinématographiques ont lieu à Londres en février 1896. Le pionnier Robert William Paul (1869-1943), constructeur d’appareils imités des kaléidoscopes d’Edison, inventeur de l’Animatograph (dit « Bioscope »), auteur de plusieurs centaines de petites bandes de 1895 à 1907 et notamment du premier film de fiction pure, le Pioupiou galant (The Soldier’s Courtship, 1896), ouvre dès 1899 à Southgate un studio artisanal et se montre particulièrement actif. Installés à Brighton, George Albert Smith (1864-1959) et James Williamson (1855-1933), grâce au montage par plans de détails et actions parallèles simultanées, ébauchent un style narratif qu’on ne rencontre à cette époque chez aucun de leurs concurrents, ni en France ni aux États-Unis, et annoncent D. W. Griffith. La caméra cesse d’enregistrer passivement des images : elle devient personnage témoin. De leur côté, l’Américain émigré à Londres Charles Urban et le réalisateur-producteur Cecil Hepworth (1874-1953) sont à l’origine de l’industrie du film en Grande-Bretagne. Le premier envoie à travers le monde une nuée de reporters-cinéastes (J. B. Stanford filme en 1899 d’étonnantes Scenes of the South African War) et encourage les premiers essais de cinéma scientifique. Le second, avec Rescued by Rover (1905), donne ses lettres de noblesse au suspense et à la course poursuite avant d’entamer une fructueuse carrière de metteur en scène. Cette école primitive (il faudrait y ajouter les noms d’Alfred Collins, de Walter Haggar, de Franck S. Mottershaw), toute remarquable qu’elle soit, ne parvient pas après 1908 à s’imposer sur le marché international. Composée d’éléments hétérogènes et de chercheurs désireux avant tout d’alimenter les besoins du cinéma forain, si florissant à l’époque, elle s’éteint petit à petit, tandis que le cinéma américain commence lentement mais sûrement à coloniser la Grande-Bretagne. La guerre de 1914 va porter un coup fatal à une industrie qui n’a pas eu le temps de s’implanter solidement. Quelques œuvres de Cecil Hepworth, de Thomas Bentley, un excellent documentaire de Herbert Ponting sur la dernière expédition polaire de Scott ne parviennent pas à masquer la faiblesse du cinéma britannique pendant les quinze années qui vont précéder la révolution du parlant. En 1920, les films américains occupent 90 p. 100 des programmes. La production nationale tombe à 23 films en 1925. Hollywood monopolise les salles et impose le block-booking (pratique commerciale exigeant d’un exploitant qui veut s’assurer une œuvre à succès la location d’une série d’autres films plus ou moins médiocres). Les meilleurs réalisateurs britanniques, Herbert Wilcox ou Maurice Elvey, ne peuvent lutter à armes égales contre Hollywood. Aussi, en 1927, est voté le Cinematograph Film Act, qui établit le quota de 5 p. 100 (proportion de films nationaux correspondant à trois programmes par an environ). Ce quota sera élevé à 20 p. 100 en 1936. La production reste très médiocre, mais atteint 128 films en 1929. À la fin de l’époque muette, deux débutants s’imposent. Alfred Hitchcock*, avant son départ pour les États-Unis, en 1939, signe des œuvres de valeur, de The Pleasure Garden, son premier film, en 1925, à Une femme disparaît (The Lady vanishes, 1938), en passant par Chantage (Blackmail, 1929), L’homme qui en savait trop (The Man Who knew too much, 1934), les Trente-Neuf Marches (The Thirty-Nine Steps, 1935). Quant à Anthony Asquith, il débute en 1928 et connaît dix ans plus tard la célébrité grâce à Pygmalion. Mais les années 1930 sont marquées essentiellement par deux événements majeurs : d’une part la naissance et l’épanouissement d’une solide école documentaire groupée autour de John Grierson (v. documentaire), d’autre part l’impulsion nouvelle donnée à l’industrie cinématographique par le grand succès du film d’Alexander Korda la Vie privée d’Henri VIII, interprété avec force et truculence par Charles Laughton.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les productions les plus originales sont celles d’une équipe de réalisateurs qui, après avoir assimilé les leçons d’un Grierson, entreprennent des films mi-documentaires, mi-romancés. La voie du néo-réalisme est ouverte. Humphrey Jennings, Pat Jackson, Charles Frend, mais aussi Anthony Asquith, Carol Reed, Michael Powell, voire David Lean et Noel Coward montrent avec une étonnante justesse de ton la vie quotidienne du peuple britannique, sa ténacité et son courage devant l’épreuve du conflit mondial.

En 1946, la prospérité semble revenue. C’est le temps des « grandes espérances ». Surtout pour J. Arthur Rank, qui s’étant rendu acquéreur des circuits Odeon et Gaumont-British, rêve de bâtir un empire comparable à celui des major companies américaines. Les grands cinéastes se nomment alors David Lean, Carol Reed, Michael Powell et Emeric Pressburger, Thorold Dickinson, Basil Dearden, l’acteur-réalisateur Laurence Olivier. Le producteur Michael Balcon, directeur des studios d’Ealing, a joué un rôle essentiel dans la formation de la nouvelle génération. La Grande-Bretagne assure sa renommée non seulement grâce au succès mondial de quelques œuvres comme Henri V (Laurence Olivier), Brève Rencontre (David Lean), le Troisième Homme (Carol Reed), mais également grâce au développement d’une brillante école humoristique composée de Robert Hamer, Charles Crichton, Henry Cornelius, Alexander Mackendrick.

Mais, à l’aube des années 1950, une crise s’amorce : échec des superproductions dispendieuses, démembrement progressif de l’« empire » de J. Arthur Rank, baisse progressive de la fréquentation, conformisme sclérosant de la distribution, baisse de qualité de la plupart des films entrepris. Les studios d’Ealing, où tant de comédies avaient vu le jour, sont vendus à la télévision. Cette situation entraîne la baisse du quota et la nouvelle mainmise de l’Amérique (augmentation des importations hollywoodiennes, propositions faites à certains cinéastes comme Lean, Reed ou Mackendrick de venir travailler aux États-Unis).