Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grande-Bretagne (suite)

La liste des partenaires commerciaux est instructive. Les principaux fournisseurs sont, par ordre d’importance décroissante, les États-Unis, le Canada, l’Allemagne fédérale, les Pays-Bas, la Suède, la France, l’Irlande, l’Afrique du Sud, les émirats pétroliers du golfe Persique, le Danemark, l’Australie. Les principaux clients sont : les États-Unis, l’Allemagne fédérale, l’Australie, l’Irlande, le Canada, la France, la Suède, l’Afrique du Sud, la Belgique, les Pays-Bas, etc. Cette liste fait apparaître trois directions privilégiées : la zone sterling, qui bénéficie de sa cohésion monétaire, l’Amérique du Nord, favorisée par la communauté linguistique et l’énorme capacité d’absorption du marché, et l’Europe occidentale, avantagée par la proximité géographique. Mais l’importance respective de ces trois directions s’est nettement modifiée depuis 1938. La zone sterling n’absorbe plus que 28 p. 100 des exportations britanniques (contre 42 p. 100 en 1938) et ne fournit plus que 29 p. 100 des importations (31 p. 100 en 1938). La part de l’Amérique du Nord a augmenté aux exportations (en passant de 10 p. 100 en 1938 à 17 p. 100 de nos jours) et diminué aux importations (en passant de 22 p. 100 en 1938 à 20 p. 100 de nos jours). La part de l’Europe occidentale ne cesse d’augmenter, tant aux exportations (de 27 p. 100 à 38 p. 100 depuis 1938) qu’aux importations (de 24 p. 100 à 36 p. 100). La part du reste du monde diminue dans les deux sens à mesure que s’efface le rôle mondial de la Grande-Bretagne. D’un strict point de vue commercial, la Grande-Bretagne a donc eu intérêt à adhérer au Marché commun.


Les échanges de services

La place de la Grande-Bretagne est ici exceptionnellement importante. Elle est encore le second exportateur de services du monde, loin derrière les États-Unis, mais loin aussi devant l’Italie, la France et l’Allemagne. Or, les ventes de services augmentent plus vite que celles des biens, et trente pays seulement sont capables d’en offrir. Ce trafic a en outre l’avantage d’être fortement excédentaire pour la Grande-Bretagne.

Le fret maritime et aérien a été longtemps le premier poste aux échanges de services, et le Baltic Exchange de Londres reste le premier marché européen du fret. Mais la concurrence étrangère est de plus en plus vive, et l’excédent des recettes sur les débours s’amenuise. La Grande-Bretagne n’est plus le roulier des mers ; la flotte nationale ne transporte plus que les trois quarts des exportations et la moitié des importations, car les pays clients et fournisseurs exigent d’effectuer une partie des transports sur leurs propres flottes ; quant au trafic de « tramp » entre des pays tiers, il tend à disparaître au profit des lignes régulières. Avec 27 millions de tonneaux, la flotte britannique est la troisième du monde. L’aviation civile est aussi la troisième.

En revanche, les intérêts et dividendes des placements outre-mer ont énormément augmenté depuis 1955 ; la Grande-Bretagne tend à devenir une nation rentière. L’actif britannique à l’étranger est estimé à 12 milliards de livres, mais son rendement moyen ne dépasse pas 10 % par an ; ces placements ont en effet un caractère traditionnel : mines d’or d’Afrique du Sud, mines de zinc d’Australie, commerce des fourrures au Canada, plantations de palmiers à huile en Afrique, de théiers en Inde, d’hévéas en Malaisie, de coton aux États-Unis, extraction de pétrole, etc. Les placements étrangers en Grande-Bretagne, surtout américains, puis canadiens, néerlandais, suisses, sont beaucoup plus faibles, environ 4 milliards de livres, mais ont un rendement élevé, de l’ordre de 16 %, car ils ont une préférence marquée pour les industries de transformation à technologie avancée : construction automobile, raffinage du pétrole et pétrochimie, ordinateurs, matériel électrique et électronique, produits pharmaceutiques, etc. Il y a là un déséquilibre fâcheux pour l’économie nationale.

Le tourisme donne désormais des recettes qui équilibrent les débours des touristes britanniques à l’étranger. Plus de 4 millions d’étrangers visitent la Grande-Bretagne chaque année, dont 23 p. 100 originaires d’Amérique du Nord, dépensant libéralement.

Les assurances pour le compte de clients étrangers fournissent des rentrées nettes qui varient sensiblement d’une année à l’autre selon l’ampleur des sinistres. La compagnie londonienne Lloyd’s est particulièrement réputée pour l’assurance maritime et aérienne ; mais beaucoup d’autres compagnies assurent des risques de toutes sortes et pratiquent aussi l’assurance sur la vie.

Enfin, la Grande-Bretagne tire bénéfice de la vente de quantité d’autres services : ventes de brevets, commissions bancaires pour le lancement d’emprunts, honoraires de courtage et de conseil, droits d’auteur pour les enregistrements sur disques, les pièces de théâtre, les partitions britanniques joués à l’étranger, pour les traductions d’ouvrages d’auteurs britanniques, etc. Pour tous ces services immatériels, la Cité de Londres joue un rôle de premier plan ; elle n’a pas de rivale de sa taille en Europe.


Conclusion

La Grande-Bretagne n’a certes plus le premier rang dans le monde, ni même en Europe. L’énormité des dettes contractées pendant la Seconde Guerre mondiale, le statut de monnaie de réserve qui est encore celui de la livre sterling, alors que les minces réserves nationales ne lui permettent guère de jouer ce rôle, les taux d’intérêt élevés que la Banque d’Angleterre doit consentir dans l’espoir de retenir les capitaux étrangers et, par conséquent, la cherté du crédit, nuisible à l’effort d’investissement (la Grande-Bretagne n’investit chaque année qu’une somme équivalente à 17 p. 100 de son produit national, une des proportions les plus faibles d’Europe), la perte de marchés extérieurs conquis par des rivaux plus dynamiques et l’indépendance commerciale de plus en plus nette des pays du Commonwealth, tous ces facteurs ont contrarié la rénovation de l’économie nationale ; le taux de croissance de la production, qui oscille autour de 3 p. 100 par an, est le plus faible de tous les pays développés. La Grande-Bretagne, qui n’a jamais été envahie depuis 1066 et qui n’a perdu aucune guerre depuis 1776, ne s’est résignée que tardivement à la perte de son influence dans le monde. Ses tentatives souvent maladroites en vue de s’associer aux pays du continent européen se sont heurtées à plusieurs reprises à l’hostilité du gouvernement français et n’ont été couronnées de succès qu’à partir de 1971.

L’attrait du grand large le cède de nos jours à la volonté de participer à la construction politique et économique de l’Europe.

C. M.