Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grande-Bretagne (suite)

Or, pour combattre ce mécontentement grandissant, les travaillistes ne disposent d’aucun succès sur le plan international. Certes, la Grande-Bretagne a amorcé, avec un grand réalisme politique, la décolonisation, mais l’indépendance de l’Inde et du Pākistān (1947) a été suivie par d’épouvantables massacres. Surtout, le gouvernement Attlee se révèle incapable de dégager pour le Royaume-Uni une politique neuve : s’il se tourne vers l’Europe, c’est toujours pour y être le second le plus sûr des États-Unis. Certes, l’Angleterre se tourne vers l’Europe : en 1948, elle signe le traité de Bruxelles, qui regroupe la France, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg, afin de prévenir une résurgence de la puissance militaire allemande (en réalité pour surveiller l’Union soviétique). Active au Conseil de l’Europe, elle adhère à l’O. T. A. N. en avril 1949. Mais, si elle est européenne, la Grande-Bretagne ne l’est que dans le cadre d’une Europe étroitement liée aux États-Unis. Cette sorte de subordination mécontente fort l’opinion, d’autant que les liens impériaux apparaissent de plus en plus distendus : l’indépendance accordée à l’Inde et au Pākistān marque le début d’une longue série d’accords semblables, et la suppression de la nationalité commune des citoyens des États membres du Commonwealth peut passer pour symbolique.


Le « règne » des conservateurs (1951-1964)

Dans ces conditions, la victoire des conservateurs est compréhensible : encore n’est-elle due qu’à un très faible glissement dans le choix des électeurs. Les travaillistes recueillent, en effet, plus de voix que les conservateurs, et seuls les mystères de la répartition des sièges font arriver en tête ces derniers. Churchill revient donc au pouvoir. On pense qu’il inclinera vers l’Europe ; or, il n’en fait rien. L’Angleterre se lance dès 1951 dans un vaste programme de réarmement indépendant, destiné à lui redonner sa position éminente dans le monde. Ce programme, dont le coût est énorme, se révèle très difficile à réaliser. Si les Anglais sont capables de faire exploser une bombe atomique (1955), leurs fusées obtiennent des résultats si médiocres qu’il leur faut acheter du matériel américain. Loin de favoriser l’indépendance britannique, ces efforts ne font que renforcer les liens anglo-américains.

Pourtant, la tentation européenne se fait plus pressante. À partir de 1956, l’opinion publique anglaise prend brusquement conscience de la nécessité de choisir entre la position traditionnelle britannique et une orientation neuve. En effet, lorsque le colonel Nasser nationalise le canal de Suez (1956), le gouvernement d’Anthony Eden (Churchill, malade, s’est retiré en 1955), soutenu par une population presque unanime, décide d’envoyer en commun avec la France un corps expéditionnaire de parachutistes en Égypte. Le succès militaire est indéniable. Mais l’O. N. U. condamne l’intervention franco-anglaise avec énergie, et l’Union soviétique et les États-Unis obligent l’Angleterre et la France à reculer : grave humiliation, qui ne fait pourtant pas renoncer l’Angleterre à sa politique d’alliance privilégiée avec les États-Unis. Et c’est cette politique qui, après la démission d’Eden en 1957, guide ses successeurs, Harold Macmillan* et Alexander Douglas-Home (né en 1903).

Si bien que, lorsqu’en 1957 est signé à Rome le traité qui donne naissance au Marché commun, l’Angleterre est absente. Au contraire, en 1960, elle contre-attaque en suscitant la formation d’une Association européenne de libre-échange. Pourtant, les résultats ne sont pas très encourageants, et, devant l’effritement des positions commerciales de l’Association en Europe, Harold Macmillan fait des ouvertures au Marché commun en 1961 : mais, en particulier du fait du général de Gaulle, elles n’ont aucune suite.

C’est que le problème des relations de la Grande-Bretagne et du Marché commun est tout autant un problème économique qu’un problème politique. Il est impossible à la Grande-Bretagne d’y adhérer si elle ne renonce pas du même coup à une partie de son rôle financier et commercial, fondé sur des relations privilégiées par l’Empire, pour, au contraire, développer son activité industrielle. À cet égard, les conservateurs prennent une position inverse de celle des travaillistes. Certes, ils ne dénationalisent que peu d’industries. Mais ils s’attachent à préserver la livre sterling, symbole de l’éminence britannique, cassant l’expansion industrielle dès qu’elle met en péril la monnaie. Aussi, de 1953 à 1962, la production industrielle n’augmente-t-elle que de 30 p. 100 (contre 100 p. 100 pour l’Allemagne de l’Ouest). Peu à peu, la situation économique et sociale s’assombrit.

D’autres événements affaiblissent la position des conservateurs. Le premier est le scandale où est impliqué le ministre de la Guerre John Profumo en 1963 ; pourtant, Harold Macmillan sait redresser la barre. Plus grave est sa retraite, qui amène à la tête du gouvernement lord Home, alors que les experts s’attendaient à la désignation de Richard Austen Butler. Douglas-Home (qui doit abandonner son titre de noblesse pour pouvoir devenir Premier ministre en 1963) n’a pas d’expérience politique, et il ne peut mener à la victoire les conservateurs en 1964 : dans l’intervalle, les travaillistes, durement secoués par une querelle qui met aux prises l’aile gauche du parti (menée par Bevan) et l’aile modérée (menée par Hugh Gaitskell [1906-1963]), ont refait leur unité sous la férule habile et vigilante de Harold Wilson. Ils sont ainsi vainqueurs aux élections de 1964.


Le retour des travaillistes au pouvoir (1964-1970)

Pour la première fois depuis le début de son règne (1952), Élisabeth II doit donc faire appel à un travailliste, Harold Wilson*, pour former le gouvernement. Le gouvernement travailliste, qui n’a qu’une très faible majorité, renforcera sa position aux élections de 1966.