Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grande-Bretagne (suite)

Elle commence par une période d’inactivité : les troupes britanniques s’enlisent sur la frontière française dans la « drôle de guerre ». La percée allemande provoque la retraite française, et les troupes anglaises doivent être rembarquées à Dunkerque (juin 1940). L’armistice conclu entre la France et l’Allemagne laisse l’Angleterre seule pour supporter le poids de la guerre.

Elle dispose dès ce moment d’un remarquable gouvernement, dirigé par Winston Churchill* (conservateur), où figurent des libéraux et des travaillistes (Ernest Bevin [1881-1951], Attlee), et qui organise de façon exceptionnelle l’effort de guerre, bénéficiant d’ailleurs d’un soutien unanime de l’opinion. La guerre est d’abord une guerre aérienne, les Allemands organisant des bombardements incessants en vue de débarquer en Angleterre. La Royal Air Force gagne la bataille d’Angleterre (automne 1940). Les Anglais cherchent alors à agir en Méditerranée (Libye, Grèce), mais ils doivent subir la contre-attaque de Rommel en Libye (mars 1941). Cependant, l’invasion de l’Union soviétique par Hitler (22 juin 1941) offre aux armées anglaises un répit. Elles sont mieux équipées, surtout après la négociation avec les États-Unis d’un Lend-Lease Act (11 mars 1941) qui permet à la Grande-Bretagne d’acquérir du matériel de guerre à crédit. L’entrée en guerre des États-Unis contre le Japon et les puissances de l’Axe renforce encore ses liens. Si cela entraîne d’abord une nouvelle série d’échecs britanniques (surtout dans le Pacifique), pour la première fois, les armées britanniques remportent une grande victoire le 23 octobre 1942 : date tournante que celle de cette bataille d’El-Alamein, remportée par Montgomery sur les troupes de Rommel en Libye. Après elle, les succès s’accumulent : débarquement de Sicile (1943), puis, en 1944, débarquement de Normandie. L’Angleterre connaît certes encore des moments difficiles (bombardements de « V1 » et bombardements de « V2 » en 1944-45), mais la victoire approche. En mai 1945, l’Allemagne capitule, et la guerre ne continue qu’en Extrême-Orient, où les armées britanniques sont passées à l’offensive dès 1944 en Birmanie. En août 1945, les bombes atomiques américaines mettent fin à la guerre avec le Japon.

Le gouvernement d’Union nationale a accompli une œuvre considérable : non seulement il a gagné la guerre, mais il a pris des mesures d’une portée importante (publication du rapport Beveridge sur la place de l’assistance sociale sous toutes ses formes, nouvelle loi sur l’éducation, etc.). Pourtant, le parti de son chef, Winston Churchill, ne remporte pas les élections. Ce sont les travaillistes qui l’emportent aux élections de l’après-guerre, en 1945.


La Grande-Bretagne d’aujourd’hui

Après la guerre la Grande-Bretagne, si elle n’est pas devenue la puissance de second ordre que l’on dépeint souvent, n’est plus capable de jouer un rôle de leadership mondial. C’est désormais aux États-Unis et à l’Union soviétique que ce rôle appartient. Mais quelle est alors sa position ? Doit-elle être le brillant second des États-Unis ? Doit-elle renforcer son emprise sur les anciens territoires de son Empire ? Doit-elle enfin se tourner vers l’Europe, et, dans ce cas, peut-elle se résoudre à envisager une réduction, si infime soit-elle, de sa souveraineté nationale ?

Autant de questions qu’il faudra plus de vingt-cinq années pour résoudre. Et, durant ce laps de temps, la nécessité de trouver une réponse adéquate se fera de plus en plus pressante, car le recul relatif de la Grande-Bretagne s’accroîtra sans cesse, parce qu’aucune direction précise ne sera imprimée à sa politique. L’histoire de l’après-guerre anglaise est celle des occasions manquées, et d’occasions manquées par des équipes capables et dynamiques, le plus souvent.


Les travaillistes au pouvoir (1945-1951)

Dynamique et capable, le ministère travailliste qui accéda au pouvoir en 1945 l’était. Attlee, chef du parti travailliste depuis 1935, a eu l’expérience du gouvernement grâce au ministère de coalition, comme d’ailleurs Ernest Bevin, Herbert Morrison (1888-1965), Hugh Dalton (1887-1962), Stafford Cripps (1889-1952) et Aneurin Bevan (1897-1960) sont tous, à des titres divers, des hommes remarquables. L’œuvre qu’ils accomplissent à l’intérieur est considérable : s’inspirant du rapport Beveridge de 1942, ils s’attaquent à la réalisation du Welfare State, cet « État providence » qui doit prendre à sa charge les dépenses de santé des citoyens, leur assurer un minimum vital décent et une éducation de qualité. Programme vite réalisé d’ailleurs, puisque, dès 1948, fonctionne le National Health Service, qui assure aux citoyens des soins médicaux et hospitaliers gratuits, la plupart des autres services (pharmacie par exemple) étant presque gratuits. Mais de telles réalisations coûtent cher, et ce ne sont pas les nationalisations effectuées par les travaillistes qui rapportent quoi que ce soit, au contraire. Aussi, le gouvernement doit-il avoir recours aux emprunts (et en particulier à un énorme emprunt aux États-Unis à la fin de 1945), à l’aide américaine (la Grande-Bretagne bénéficiant du plan Marshall jusqu’en 1951) et à un alourdissement de la fiscalité, d’ailleurs concentrée sur les plus grosses fortunes. En tout cas, et malgré une grave crise industrielle et financière en 1947 qui voit se développer une formidable spéculation sur la livre sterling, que le gouvernement travailliste doit finalement se résoudre à dévaluer de 30 p. 100 en 1949, on peut estimer que le gros de l’œuvre de reconstruction de l’économie britannique est accompli avec succès dès 1950.

Ces succès travaillistes en matière économique ont été obtenus par des mesures très « classiques » : l’inspiration du gouvernement Attlee vient plus de l’œuvre de Keynes que des principes du socialisme. Aussi, le gouvernement doit-il, sur le plan intérieur, faire face à une double opposition : à gauche, celle de Bevan, le leader de l’aile gauche du parti travailliste, qui estime les réformes sociales trop timides et qui quitte le ministère en avril 1951 ; à droite, celle des conservateurs, renforcée par les craintes qu’éprouve, face à la fiscalité travailliste, la classe moyenne.