Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grande-Bretagne (suite)

Les débuts du gouvernement de Guillaume sont heureux. L’Acte de tolérance (Toleration Act), dans le domaine religieux, la Déclaration des droits (Bill of Rights), dans le domaine politique, lui fournissent des bases solides. Mais les difficultés ne se font pas attendre.
— En Écosse : les Écossais ont dans l’ensemble bien reçu Guillaume et Marie. Mais bientôt se manifeste la peur d’un retour en force du parti whig écossais dirigé par le duc d’Argyll et le clan des Campbell. La révolte menée par John Graham of Claverhouse (1648-1689), vicomte de Dundee, échoue malgré la victoire de Killiecrankie (juill. 1689), et le massacre des MacDonald de Glencoe par les troupes d’Argyll (févr. 1692) finit par ramener le calme dans les Highlands.
— En Irlande : le gouverneur Richard Talbot (1630-1691), duc de Tyrconnel, mis en place par Jacques II, a pratiqué une politique systématiquement hostile aux colons protestants. Il cherche donc à susciter parmi les catholiques irlandais un mouvement de soutien à Jacques II. Ce qui se produit est en réalité une véritable guerre civile où s’affrontent catholiques irlandais et protestants « orangistes » — les colons anglais —, sans que l’on se soucie de Jacques II. Ce dernier débarque bien avec des renforts français, mais sa défaite sur la Boyne (juill. 1690) sonne le glas des espoirs irlandais : en octobre 1691 est conclu avec les dernières troupes irlandaises le traité de Limerick, dont les clauses sont sensiblement aggravées par le Parlement de Dublin : une terrible sujétion punit les Irlandais de toutes les velléités d’indépendance qu’ils ont manifestées depuis 1640.

Guerre avec la France. Les Anglais, qui ont rejoint la coalition contre la France, essuient d’abord de sévères défaites (victoire française de Tourville au large de Beachy Head, 30 juin 1689). Il faut attendre 1692 pour que la chance tourne sur mer (victoire anglo-hollandaise de La Hougue, 1692), et 1695 pour que Guillaume d’Orange remporte un succès sur terre (prise de Namur). Le traité de Ryswick (1697) ne fait qu’entériner les conquêtes anglaises depuis 1678. Il est vrai que Guillaume III est enfin reconnu comme roi d’Angleterre par la France.

Guillaume connaît de graves difficultés à l’intérieur : en 1692, il doit avoir recours à l’emprunt, et, en 1694, est créée la Banque d’Angleterre, confiée à des financiers qui ont fourni de l’argent au gouvernement. Surtout, Guillaume ne peut bientôt plus s’appuyer que sur les seuls whigs : en 1696 est formé le premier gouvernement constitué d’hommes d’une seule et même tendance qu’a connu l’Angleterre. Il faut bien accepter certains des éléments du programme whig : la durée d’exercice d’un Parlement est réduite à 3 ans, et, en 1695, sont prises des mesures qui permettent les débuts de la presse : les pamphlétaires whigs (Defoe*, Addison*, Steele) s’affrontent bientôt avec ceux du parti tory (Swift*).

La réaction tory vient à partir de 1698, et la seule mesure importante prise est en 1701 l’Acte de succession (Act of Settlement), qui prévoit qu’après la mort d’Anne, dernière fille de Jacques II, la couronne passera à Sophie, l’électrice de Hanovre, petite-fille de Jacques Ier, au détriment des Stuarts catholiques réfugiés en France. Les excès des tories permettent le retour en force des whigs au Parlement, peu avant la mort de Guillaume.


Anne (1702-1714)

Anne est dominée au début de son règne par le duc de Marlborough*, qui est tory : mais le grand dessein de celui-ci est d’engager à fond l’Angleterre contre la France dans la guerre de la Succession d’Espagne (1701-1714) ; aidé par son ami lord Godolphin, il réussit, mais doit pour cela passer au parti whig. Malgré les brillants succès de Marlborough (Blenheim, 1704 ; Ramillies, 1706 ; Oudenaarde, 1708 ; Malplaquet, 1709), les sacrifices qu’impose la guerre permettent la remontée des tories, qui l’emportent en novembre 1710. La guerre rapporte pourtant beaucoup à l’Angleterre, puisqu’elle ouvre au commerce anglais le Portugal et ses colonies (traité de Methuen en 1703) et que la paix d’Utrecht, qui, en 1713, met fin au conflit, donne à l’Angleterre Terre-Neuve, l’Acadie, les territoires de la baie d’Hudson, Gibraltar (conquise en 1704) et Minorque, tandis que le privilège de l’asiento (fourniture des esclaves noirs aux colonies espagnoles) et la pratique du vaisseau de permission lui ouvrent les colonies espagnoles.

D’ailleurs, la prospérité économique et commerciale de l’Angleterre va croissant : c’est sans doute là la caractéristique principale de cette période. Enfin, il faut mentionner en 1707 l’Acte d’union, qui unit les royaumes d’Angleterre et d’Écosse. Le Parlement écossais est supprimé, et des parlementaires écossais représentent l’Écosse au Parlement de Londres. L’Écosse, en réalité, y gagne : son organisation ecclésiastique et universitaire est garantie, et surtout les Écossais peuvent maintenant librement commercer dans les colonies anglaises.


Le xviiie siècle : la marche vers l’hégémonie mondiale (1714-1820)


La suprématie whig (1714-1760)

L’installation de la nouvelle dynastie (1714)
C’est dès 1713 que George, Électeur de Hanovre*, a fait son apparition sur la scène politique anglaise. Les whigs ont alors essayé de le faire venir à Londres, car ils le savaient favorable à leur parti, tandis que les tories, menés par Henry Saint John (1678-1751), vicomte Bolingbroke, préparaient en secret un complot destiné à faire monter sur le trône Jacques Édouard Stuart, dit le Chevalier de Saint-George, demi-frère d’Anne. Le complot jacobite a un moment de bonnes chances d’aboutir : mais rattachement du prétendant Stuart au catholicisme et surtout les subtiles manœuvres de Charles Talbot (1660-1718), duc de Shrewsbury, qui passe au dernier moment du parti tory au parti whig, permettent à ce dernier de redresser la barre. Ses partisans n’osent proclamer Jacques Édouard Stuart roi à la mort d’Anne, et la couronne passe sans difficulté à George de Hanovre. Le parti tory, qui s’est ainsi compromis avec le catholicisme et les impopulaires Stuarts, est ruiné, et ses chefs exilés (Bolingbroke) ou emprisonnés. La suprématie du parti whig est ainsi assurée pour près d’un demi-siècle. Avec elle s’épanouit un système politique qui pendant longtemps (Montesquieu, Voltaire ou Guizot en témoignent) va exciter l’admiration des voisins de l’Angleterre.

Les premières années du règne de George Ier (1714-1721)

• 1714-1717 : les responsabilités du gouvernement sont partagées entre Charles Townshend, James Stanhope (Affaires étrangères), Robert Walpole* et Charles Sunderland.

• 1714-15 : quelques signes d’agitation jacobite sont vigoureusement réprimés par les whigs (Riot Act de 1714), et le débarquement de James Butler (1665-1745), duc d’Ormonde, dans le Devonshire n’a aucun succès.