Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gomułka (Władysław) (suite)

1956-1968 : le gomulkisme « un socialisme conforme aux besoins de la Pologne » ?

Les libertés accordées et les réformes entreprises enthousiasment (v. Pologne). Le 20 janvier 1957, les élections plébiscitent le « héros national ». Avec les paysans, satisfaits de recouvrer leurs terres, et les catholiques apaisés, le gomulkisme rallie les couches de la nation que le parti n’avait pas réussi à toucher. La confiance qu’il inspire restaure l’unité du pays et consolide le pouvoir communiste, qui semblait remis en question. Dès 1957, Gomułka précise sa position centriste en attaquant en même temps les libéraux, ses alliés d’hier, et les staliniens, ses ennemis : « révisionnistes » et « dogmatiques » sont également coupables de déviationnisme.

Mais, toujours moins sévère pour le dogmatisme que pour le révisionnisme, il entre vite en conflit avec la jeunesse (oct. 1957, Po prostu interdit) et les intellectuels (1963, Manifeste des 34). La persécution des « libéraux » de l’université de Varsovie rend la rupture irrémédiable (1966). Gomułka est convaincu de la priorité de certains objectifs : l’indépendance conciliée avec l’amitié soviétique, garante unique de la frontière ouest, la consolidation de cette frontière face au « revanchisme ouest-allemand », l’agriculture et l’industrie.

La certitude d’avoir apporté d’immenses améliorations à la vie du peuple, devenu, grâce à lui, le plus libre de l’Europe de l’Est, lui fait considérer la liberté de la presse, le libéralisme politique comme un luxe pour intellectuels. Après 1964, obsédé par le jeu diplomatique, déçu par la stagnation économique du pays, Gomułka s’isole dans un cercle étroit de conseillers : autoritaire, colérique, il ne tolère aucune objection. Sans abuser de la terreur policière, il renforce l’appareil de la Sûreté, qui lui échappe et le coupe de sa base populaire. La rivalité des « partisans » et des technocrates corrode son autorité à l’intérieur du parti. Il perd beaucoup d’appuis non communistes, mais il reste populaire parmi les paysans, qu’il a soin de rassurer. Il a déçu, mais, austère, sincère, travailleur acharné, passionnément dévoué à la Pologne socialiste, il garde son prestige intact.


1968-1970 : l’impasse et la chute

Les crises de 1968 lui sont fatales. Après avoir laissé la Sûreté bouleverser le pays par les campagnes antisionistes (marié à une juive, il n’est pas antisémite), après avoir écrasé la contestation intellectuelle et étudiante en mars, il renie ses principes et l’Octobre polonais en faisant participer son pays à l’invasion de la Tchécoslovaquie (août). Cette trahison de son image historique le coupe définitivement de la société polonaise. Au congrès du parti (novembre), ses adversaires progressent malgré sa capacité de manœuvre. Il devient vital de réussir la relance économique et, après l’« ouverture » du 17 mai 1969, les négociations avec Bonn.

Le 7 décembre 1970, Gomułka obtient, grâce au soutien soviétique, la signature, à Varsovie, du traité historique par lequel l’Allemagne fédérale reconnaît la frontière Oder-Neisse. Peut-il, dès lors, imposer au pays, mécontent de l’aggravation continue de sa situation matérielle, les mesures draconiennes préconisées par les technocrates pour assainir l’économie ? L’annonce de la hausse des prix des denrées alimentaires (15 à 30 p. 100) déclenche des émeutes à Gdańsk, Gdynia, Szczecin (14 déc. 1970), des grèves de solidarité en Silésie, à Łódź. La colère des ouvriers permet à ses rivaux coalisés de l’éliminer le 20 décembre 1970 sous la pression directe des masses, avec le consentement inquiet des Soviétiques.

Après quatorze ans de pouvoir, dont douze somme toute positifs, Gomułka avait fini par incarner ce contre quoi il avait fondé son combat et son prestige.

C. G.

➙ Pologne.

 N. Bethell, Gomulka, his Poland and his Communism (New York, 1970 ; trad. fr. le Communisme polonais : Gomulka et sa succession, Éd. du Seuil, 1971). / P. Raina, Gomulka. Politische Biographie (Cologne, 1970).

Gonçalves (Nuno)

Peintre portugais du xve s.


Le nom de cet artiste est attaché au célèbre Polyptyque de São Vicente du musée de Lisbonne, qui lui a été attribué en 1910 par José de Figueiredo, réorganisateur de ce musée. Les deux grands panneaux et les quatre volets qui subsistent (hauteur : 2,20 m) avaient été retrouvés en 1882 dans les greniers du palais archiépiscopal de la capitale ; leur mauvais état exigea une restauration.

Des documents nous apprennent que Nuno Gonçalves (dont aucune œuvre n’est connue avec certitude) fut nommé peintre du roi Alphonse V en 1450 et peintre de la Ville en 1471. D’autre part, un texte du xvie s. fait savoir qu’il peignit pour la cathédrale de Lisbonne un autel de saint Vincent : l’identification était tentante avec l’œuvre retrouvée, grand ensemble votif qui montre le patron de la ville vénéré par des fidèles de tout âge et de tout rang, et qui pourrait commémorer la victoire portugaise d’Alcazarseguer, sur la côte marocaine, en 1458. Mais les hypothèses de Figueiredo ont été contestées. Le retable de la cathédrale a peut-être péri dans le tremblement de terre de 1755, et le polyptyque conservé aurait été peint pour le monastère de São Vicente de Fora.

Quoi qu’il en soit, l’œuvre est d’un effet surprenant. Cette assemblée de soixante personnages de grandeur naturelle, tous masculins hors la reine et sa mère, symétriquement disposés à genoux ou debout autour des deux images du jeune saint — sur l’une, présentant l’Évangile de saint Jean à la famille royale ; sur l’autre, devant l’archevêque et son chapitre, tendant la main à l’infant Ferdinand agenouillé —, fait revivre une société fervente et militante au printemps glorieux de l’histoire portugaise : moment où le monde s’élargit avec les explorations de l’infant Henri le Navigateur, qui paraît avec son grand chaperon noir aux côtés du roi. Les princes voisinent avec les marins ; le pénitent prosterné, le mendiant, les guerriers avec les cisterciens ; le rabbin portant son Talmud avec les chanoines, tous unis dans la même gravité contemplative.