Homme d’État polonais (Krosno 1905).
Avant 1943 : un militant syndicaliste
Ouvrier dans l’industrie pétrolière locale (1922-1926), Gomułka suit son père dans le mouvement socialiste : ses convictions communistes l’en éloignent en 1924. Grandi dans la Pologne démembrée, c’est un patriote fervent : l’antinationalisme des communistes polonais retarde certainement son adhésion au parti communiste polonais. Il milite dans la gauche socialiste. Communiste reconnu après 1926, il ne progresse guère dans la hiérarchie du parti, dominée par les intellectuels, qui l’agaceront toujours. Il se consacre au mouvement syndical et à l’agitation politique (1926-1932).
Secrétaire du syndicat des travailleurs de l’industrie chimique (1930), Gomułka organise la gauche syndicale, contrôlée par les communistes. Il est l’un des promoteurs de la grève sur le tas, la « grève polonaise » d’alors. Emprisonné en 1932 pour ses activités communistes, il est libéré en 1934. Le parti l’envoie à Moscou, à l’Institut international Lénine (1934-35). Rentré en Silésie, il retourne en prison pour sept ans (1936) : la guerre abrège sa peine. Il participe à la défense de Varsovie, puis se réfugie en zone soviétique. La prison l’a sauvé des purges qui ont décimé le parti communiste polonais avant sa dissolution (1938) : l’isolement forcé garantit son orthodoxie.
Rentré en zone allemande (fin 1941), Gomułka organise, sous le pseudonyme de Wiesław, la résistance dans sa région natale, puis rejoint à Varsovie le parti ouvrier polonais, créé dans la clandestinité (1942). Responsable de son comité varsovien, il s’illustre dans la résistance (attaque du café Club) et devient en novembre 1943 secrétaire général du comité central.
1943-1948 : la première carrière politique « pour une Pologne nouvelle »
Gomułka est le tacticien de la lutte que le parti engage contre le gouvernement émigré pour le contrôle de la Pologne d’après-guerre. Il est à l’origine du Comité national du peuple, dont il rédige le manifeste (15-31 déc. 1943). Co-vice-président du conseil des Ministres dans le gouvernement d’Unité nationale (juin 1945 - janv. 1947), il inspire confiance par son absence de dogmatisme, quand il définit une « voie polonaise vers le socialisme » qui tolère la démocratie pluripartite (« La dictature du prolétariat ou d’un parti unique n’est pas essentielle et ne servirait utilement aucun dessein ») et qui n’impose pas le kolkhoze au paysan rassuré : « Nous avons complètement repoussé la collectivisation des exploitations agricoles. » Ministre des Territoires recouvrés (oct. 1945 - janv. 1949), il organise le transfert des Allemands hors de la « terre des Piast », qu’il repolonise.
1948-1956 : le gomulkisme « déviationnisme nationaliste de droite »
Son manque de respect pour le modèle soviétique scandalise les staliniens du parti. Gomułka achève de s’isoler en défiant ouvertement la volonté de Staline par son opposition à la fondation du Kominform et son terme refus de collectiviser l’agriculture (22-27 sept. 1947). La crise yougoslave assimile le « gomulkisme » au « titisme » et amène la mise en accusation de Gomułka devant le congrès du parti (31 août - 3 sept. 1948). Exclu du secrétariat général et du bureau politique (3 sept. 1948), il demeure encore au comité central. Malgré les pressions de Moscou, il n’y aura pas de procès Gomułka, mais une déchéance progressive, qui demeure encore diversement interprétée. En 1949, il est exclu du gouvernement (janvier), puis éliminé du parti (novembre) ; il n’est arrêté qu’en juillet 1951. La déstalinisation lui rend la liberté (sept, ou déc. 1954), mais il attend sa réhabilitation officielle jusqu’au 7 avril 1956.
1956 : le « printemps d’octobre » ; le retour au pouvoir
Victime du stalinisme, Gomułka symbolise, pour les Polonais déterminés aux réformes, un socialisme progressiste. Les émeutes de Poznań (28 juin 1956) déterminent le parti à utiliser sa popularité pour sauver le régime menacé. Le 7e plénum le réintègre au parti (juillet-août). Les 19-20 octobre, soutenu par la détermination des ouvriers et des étudiants, prêts à affronter les troupes soviétiques concentrées autour de Varsovie, le comité central, qui l’a coopté, résiste aux intimidations de la délégation dirigée par Khrouchtchev. En l’élisant premier secrétaire du comité central, le 8e plénum lui confie la direction du parti et de l’État (21 oct.).
Gomułka canalise le courant de réforme et de liberté, rassure les Soviétiques et évite à son pays le sort de la Hongrie.