Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique

Hémisphère occidental, qui s’étend du pôle Nord aux terres antarctiques, entre l’Atlantique et le Pacifique. Sa superficie est légèrement inférieure à celle de l’Asie (42 millions de kilomètres carrés contre 44), mais le rapport des populations est de 1 à 4 (500 millions d’habitants en Amérique, environ 2 milliards en Asie).



Introduction

Si les limites de l’Amérique du Sud ne prêtent pas à discussions, le terme d’Amérique du Nord, en revanche, admet plusieurs acceptions. On en exclut traditionnellement, mais sans grande raison, le Groenland, tandis qu’on y inclut souvent le Mexique. La région des isthmes et les Antilles constituent une Amérique centrale entre celles du Nord et du Sud ; mais l’expression Amérique centrale s’applique parfois aux seuls États des isthmes. La division en Amérique anglo-saxonne et en Amérique latine est valable sous la réserve que la première, limitée aux États-Unis et au Canada, inclut des populations latines (Canadiens français et Américains d’origine hispano-mexicaine) et que la seconde annexe des pays de langue anglaise ou hollandaise (parties des Guyanes et des Antilles).

Des similitudes évidentes caractérisent les deux parties du continent américain. On observe une même distribution des masses montagneuses et des régions de plaines et de basses terres. De hautes chaînes, encadrant généralement des plateaux, occupent la façade pacifique. On y rencontre les plus hauts sommets du globe en dehors de l’Himālaya : 6 959 m à l’Aconcagua (et plus de 6 500 pour quelques autres points culminants des Andes) ; 6 187 m au mont McKinley, dans la chaîne d’Alaska. La façade atlantique est bordée de montagnes et de plateaux de moyenne altitude (2 000 m), mais de vaste étendue, comme les Appalaches et le plateau brésilien. Entre les deux ensembles montagneux s’étendent des régions basses, souvent même des plaines, comme les plaines centrales d’Amérique du Nord, l’Amazonie, le Chaco et la Pampa.

Les unités du relief apparaissent plus vastes et moins variées qu’en Europe. Immensité et simplicité, voire monotonie sont les traits dominants de la géographie physique de l’hémisphère américain. Du revers occidental des Appalaches au pied des Rocheuses, de la vallée du Mackenzie au golfe du Mexique, rares sont les accidents du relief qui accrochent l’œil du voyageur. Il en est de même des paysages végétaux apparemment semblables sur de vastes territoires, comme la forêt amazonienne ou la steppe des Grandes Plaines des États-Unis. L’Amérique est aussi le pays des fleuves gigantesques ; le bassin, le débit, la largeur de l’Amazone, du Paraná, du Missouri-Mississippi, du Saint-Laurent atteignent une échelle inconnue dans la petite Europe.

Les Antilles représentent un cas différent, où dominent le fractionnement et la variété, où la nature est plus à la mesure de l’homme. Les Antilles forment avec le pays des isthmes un lien entre les deux Amériques. Cependant, leur physionomie n’est pas unique, car elles possèdent une réplique exacte dans les Antilles du Sud (jalonnées notamment par les Shetland du Sud), qui, décrivant, comme les premières, un tracé arqué vers l’est, unissent l’extrémité sud de l’Amérique au continent antarctique.

L’histoire du peuplement présente aussi quelques traits semblables au nord et au sud. Des populations aborigènes (Amérindiens) ont été exterminées ou repoussées vers les montagnes de l’Ouest par les immigrés blancs, installés d’abord sur la côte atlantique et colonisant progressivement l’intérieur. Si ce schéma est moins valable pour l’Amérique du Sud (la colonisation blanche initiale a pris pied en quelques points de la côte pacifique ; les Indiens des plateaux andins y ont été décimés plus que refoulés), il n’en reste pas moins que la répartition de la population des grandes villes, des centres commerciaux et industriels sur la façade atlantique porte encore la marque de cette histoire à partir de l’est. C’est aussi dans les régions tournées vers l’Atlantique (Brésil, sud-est des États-Unis) que les descendants des esclaves africains sont le plus nombreux.

Les dissemblances entre les deux Amériques ne sont pas moins frappantes que les traits communs. Si l’Amérique du Sud est presque entièrement équatoriale et tropicale (sauf dans sa partie sud), l’Amérique du Nord est surtout tempérée froide, continentale à hiver très froid et polaire (sauf le sud-est des États-Unis et la côte pacifique). Cette différence climatique se traduit dans l’utilisation des hautes montagnes de l’Ouest et de leurs plateaux intérieurs : en Amérique du Nord, ces montagnes sont peu humanisées ; en Amérique du Sud, les hauts plateaux, au milieu de plaines tropicales souvent insalubres, ont été le siège des civilisations précolombiennes et rassemblent encore la majeure partie de la population dans plusieurs États andins.

Les différences fondamentales s’observent dans un autre domaine, qui justifie la division en Amérique anglo-saxonne et en Amérique latine. Le rio Grande sépare une société dirigée par des Anglo-Saxons ou assimilés, hautement industrialisée et urbanisée, techniquement avancée, et un monde, parfois plus indien que latin, où le développement n’apparaît qu’en îlots. L’opposition dans les modes d’organisation de l’espace est frappante. Dans l’Amérique anglo-saxonne, on assiste à l’industrialisation accélérée de régions initialement rurales et à leur intégration autour de puissantes métropoles polycéphales (San Francisco-Los Angeles ; corridor du Michigan-Chicago-Detroit ; Megalopolis) reliées entre elles. Le « sectionnalisme » reste limité, les forces centrifuges liées à l’immensité sont tenues en échec.

Au sud du rio Grande, le sectionnalisme a triomphé dès l’origine. Quelques îlots de développement économique et de culture urbaine se sont formés sur le plateau mexicain, à Caracas, dans la vallée du rio Magdalena et les cordillères encadrantes (Medellín, Bogotá), sur les plateaux quichuas et aymaras, dans la Grande Vallée chilienne, autour du río de la Plata, etc. Ces foyers de faible poids et mal reliés entre eux sont devenus, malgré les efforts de Bolívar en vue de les fédérer, des pôles autonomes et le noyau des nouveaux États. Aujourd’hui, les oppositions régionales sont vives à l’intérieur des pays étendus (Brésil) ; les petits États de l’Amérique centrale constituent un exemple extrême de fractionnement. L’Amérique latine n’ignore pas les grandes agglomérations urbaines (Mexico, Caracas, Rio de Janeiro, etc.) ; mais ce ne sont pas des métropoles dans la mesure où elles servent surtout d’exutoire démographique. Leur croissance n’est pas le produit de la croissance générale, ni le résultat d’un rôle de direction et d’organisation de l’espace. Des parties étendues de l’Amérique latine échappent à toute intégration économique. Malgré l’avènement de l’avion, l’immensité et les forces centrifuges n’ont pas été dominées. Peut-être faut-il voir là un des facteurs, ou une des formes, du sous-développement.

P. B.

➙ Amérique latine / Antilles / au nom des divers pays.

 J. Gottmann, l’Amérique (Hachette, 1949 ; 3e éd., 1960).