Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

glyptique

Art de graver sur pierres fines.


Les gemmes sont appelées intailles lorsqu’elles sont gravées en creux, camées lorsqu’elles sont sculptées en relief. La technique de fabrication n’a guère varié au cours des temps. Le graveur utilise des pierres déjà dégrossies par le lapidaire. Son matériel de travail se compose de quelques fraises et forets imbibés de poudre de diamant détrempée dans l’huile. Les outils sont mis en mouvement soit par un tour à pédale, soit aujourd’hui par un moteur électrique.

C’est de Mésopotamie que viennent les plus anciennes pierres gravées. Dès le Ve et surtout le IVe millénaire, les hommes creusèrent dans la pierre des cachets, puis des cylindres. Ces sceaux s’appliquent ou se déroulent sur l’argile encore molle, dans laquelle ils s’impriment en relief. On utilisait la stéatite, la serpentine, le jaspe, l’hématite, le marbre. Les cylindres fournissent un éventail iconographique très large : de nombreuses scènes de la vie courante, de la vie religieuse ou de la mythologie y ont été représentées. Le héros Gilgamesh et son ami l’homme sauvage Enkidou sont particulièrement populaires. Les Égyptiens fabriquèrent en très grand nombre des scarabées en terre ou en stéatite émaillées portant des inscriptions d’un grand intérêt historique.

En Crète, du IIIe millénaire au xiie s. av. J.-C., la glyptique tient une place importante. Elle est, dès le départ, variée dans ses formes et dans ses représentations.

En Grèce, l’évolution de la gravure sur pierres fines est un reflet des grands courants artistiques qui se sont succédé dans la sculpture ou la peinture. Du xe au viiie s. av. J.-C., toute représentation fait partie d’un ensemble géométrique et s’y intègre. Puis le dessin s’arrondit et les apports orientaux donnent un art très décoratif. Au vie s. et au début du ve, la fraîcheur de l’art archaïque trouve une forme privilégiée d’expression dans la glyptique. Les matières sont colorées : cornaline, calcédoine, agates... Les sujets mythologiques sont variés (Héraclès est très populaire), ainsi que les représentations de guerriers, d’archers, d’athlètes ou d’animaux. La plupart des œuvres sont anonymes, quelques-unes sont cependant signées ; Epimenês est le plus grand graveur qui ait laissé son nom à cette époque. Aux ve et ive s., la beauté classique idéalisée et sereine s’installe. La signature de Dexamênos a été préservée sur quatre pièces particulièrement délicates et fines.

À l’époque hellénistique, à partir de la fin du ive s. av. J.-C., les pierres sont souvent montées en bagues ; on a retrouvé de nombreuses montures. Dans l’iconographie, la place la plus importante est donnée aux portraits. À cette époque, on commence à fabriquer des camées ; les artistes emploient de préférence le sardonyx, dont ils font habilement jouer les diverses couches colorées.

À Rome, au ier s. av. J.-C., l’influence grecque est grande, et les collections de gemmes sont très appréciées. Les graveurs s’inspirent fréquemment de modèles grecs ; ils nous ont ainsi transmis des images d’œuvres monumentales disparues. Camées et intailles sont, d’autre part, une source importante de connaissance des portraits des empereurs et des princes romains. Dioscoride d’Égée marqua ce temps ; Pline le désigne comme le graveur du sceau impérial d’Auguste.

Le Moyen Âge a beaucoup réutilisé les pierres gravées antiques, qui servaient de cachets personnels ; elles ont également été majestueusement intégrées dans les trésors des églises. Le couronnement du grand reliquaire de Charlemagne, qui fut conservé jusqu’à la Révolution dans le trésor de l’abbaye de Saint-Denis, était formé par la grande intaille sur aigue-marine représentant Julie, fille de Titus, une œuvre du ier s. apr. J.-C. signée par le graveur Euodos. Cette pièce magnifique a été entourée, à l’époque carolingienne, d’une monture en or décorée de sept perles et de neuf saphirs. Un petit nombre de graveurs créent des œuvres originales ; des sujets religieux, telle la crucifixion, sont traités sur cristal de roche.

Dès le début du xve s., les riches princes italiens rassemblent camées et intailles antiques et les font copier par les graveurs de leur temps. Les pierres sont parfois entourées de très riches montures. Le plus grand mécène fut Laurent de Médicis (1449-1492). Les artistes gravent quelques sujets chrétiens, mais la tradition gréco-romaine prime le Moyen Âge proche. Donatello*, Valerio Vicentini († 1546) figurent parmi les plus grands artistes graveurs en pierres fines de la Renaissance italienne. En France, l’influence de cette dernière éclate sous François Ier. Le roi protège Matteo del Nassaro, graveur de Vérone, qui travaille pour lui dès 1515. Il installe sur la Seine la première taillerie de pierres dures créée en France. Nassaro mourut vers 1548. Julien de Fontenay (v. 1540-1610) et Olivier Coldoré travaillèrent pour Henri IV. La glyptique, ensuite, cessa pour un temps d’être favorisée en France. Les amateurs recherchaient uniquement les œuvres anciennes.

Au xviiie s., Johann Lorenz Natter (1705-1763) écrivit un traité comparant les méthodes antique et moderne de gravure. Mais le plus grand artiste fut Jacques Guay (v. 1711 - v. 1793). Élève de Boucher*, il commence par reproduire des pièces antiques. Mme de Pompadour, qui deviendra même son élève, le prend sous sa protection ; il est ainsi nommé graveur du roi. Guay illustre dans ses œuvres les événements contemporains ; il grave souvent d’après des dessins de Bouchardon*. Mais il n’écarte pas les sujets frivoles, qui plaisent à son époque. Ce fut le dernier éclat de la glyptique, qui est un art un peu oublié, bien que certains graveurs en médailles travaillent parfois, aujourd’hui, sur pierres fines.

I. A.

➙ Sigillographie.

 E. Babelon, la Gravure en pierres fines, camées et inlailles (May et Motteroz, 1894). / A. Furtwängler, Die antiken Gemmen (Leipzig et Berlin, 1900). / G. M. A. Richter, Catalogue of Engraved Gems of the Metropolitan Museum of Art in New York (New York, 1956). / G. Sena Chiesa, Gemme del Museo Nazionale di Aquileia (Aquilée, 1966).