Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gladstone (William Ewart) (suite)

1846-1865 : du « peelisme » au libéralisme

L’adoption du libre-échange par le gouvernement de Peel a eu pour effet de casser en deux le parti conservateur : Gladstone se range du côté des réformateurs, partisans de Peel qui se sont alliés aux libéraux. Contre cette politique se regroupent, organisés par Disraeli, les conservateurs défenseurs du protectionnisme et de l’ordre ancien des campagnes. Mais le grand affrontement Gladstone-Disraeli ne fait que commencer. En 1852, Aberdeen, chargé de constituer un gouvernement de coalition, fait appel à Gladstone en lui confiant les Finances : le nouveau chancelier de l’Échiquier présente son premier budget en avril 1853. En politique extérieure, opposé aux initiatives cassantes de Palmerston*, il se prononce en faveur des mouvements libéraux en Europe, en particulier de l’unité italienne. Petit à petit, il a rejoint les rangs des libéraux. De nouveau chancelier de l’Échiquier de 1859 à 1865, dans le gouvernement Palmerston, il complète les mesures de libre-échange, fait la démonstration de ses brillants dons de technicien du budget et de debater parlementaire, et, à la mort de Palmerston (1865), s’impose comme son successeur à la tête du parti libéral.


Le réformateur : 1865-1875

Convaincu de la nécessité d’étendre le droit du suffrage, Gladstone fait campagne pour la réforme électorale. Si, finalement, celle-ci est réalisée par Disraeli (1867), les élections de 1868 ramènent au pouvoir les libéraux. Gladstone forme alors son premier ministère, qui entreprend une œuvre réformatrice considérable : en 1869, le désétablissement de l’Église anglicane en Irlande ; en 1870, la première réforme agraire irlandaise, la généralisation de l’enseignement primaire, la réforme de la fonction publique ; en 1871, l’élargissement du droit syndical ; en 1872, le scrutin secret... Mais la popularité des conservateurs remonte, en particulier à la suite des mesures libérales en faveur de la tempérance. En 1874, Gladstone doit céder la place à Disraeli, puis, l’année suivante, il abandonne la direction du parti libéral. Sa carrière serait-elle finie ?


« le Grand Vieillard » (the Grand Old Man) [1876-1898]

La question d’Orient fournit à Gladstone l’occasion d’une rentrée politique fracassante : en 1876, au nom des principes de la civilisation et du christianisme, il dénonce, tout bouillant d’indignation, les massacres perpétrés par les Turcs en Bulgarie, puis, en 1879, il se lance dans une grande campagne de discours en vue des élections (campagne du Midlothian). La consultation de 1880 est un triomphe pour les libéraux. Redevenu Premier ministre, Gladstone forme un brillant gouvernement, mais celui-ci se heurte à des difficultés coloniales en Afghānistān, au Transvaal, en Égypte et surtout au Soudan. Gladstone, fidèle à la devise libérale « Paix, économies, réformes », est réticent devant les conquêtes extérieures. La question d’Irlande, malgré les réformes agraires de 1881, ne cesse de s’aggraver et d’empoisonner la vie du ministère. Toutefois, en 1884-85, est adoptée une nouvelle réforme électorale qui aboutit presque au suffrage universel.

Après les élections de novembre 1885, Gladstone est de nouveau Premier ministre : c’est son troisième gouvernement, le plus court et le plus dramatique. Lui qui, dès 1868, avait déclaré : « Ma mission est de pacifier l’Irlande », s’est rallié au Home Rule, c’est-à-dire à l’autonomie de l’Irlande. Mais il n’est suivi ni par son parti, où une importante fraction de « libéraux-unionistes » fait sécession, ni par le pays, auquel il fait appel par de nouvelles élections en 1886. Redevenu leader de l’opposition, il consacre désormais toute son énergie à la cause qui lui tient tant à cœur : le Home Rule. En 1892, avec la formation de son quatrième ministère, il fait une nouvelle tentative, mais celle-ci se brise contre l’opposition de la Chambre des lords. Devant cet échec, il décide de se retirer de la vie politique (1894). Il meurt en 1898, entouré de respect et de vénération. Gloire nationale de l’Angleterre, il est enterré en grande pompe à l’abbaye de Westminster.

La carrière politique de Gladstone

1832

Gladstone élu à vingt-trois ans à la Chambre des communes, en tant que député tory.

1834-1835

Premier poste gouvernemental (Junior Minister) dans le ministère Peel.

1843-1846

Ministre du Commerce, puis des Colonies dans le gouvernement conservateur de Peel.

1847

Député de l’université d’Oxford.

1852-1853

Chancelier de l’Échiquier dans le ministère Aberdeen (gouvernement de coalition).

1859-1865

Chancelier de l’Échiquier dans le ministère Palmerston (libéral).

1865

Leader des libéraux à la Chambre des communes ; député dans le Lancashire du Sud.

1865-1866

Chancelier de l’Échiquier dans le ministère Russell.

1868

Député de Greenwich.

1868-1874

Premier ministre (1er gouvernement Gladstone).

1875

Abandon de la direction du parti libéral.

1876

Dénonciation des « horreurs bulgares ».

1879

Campagne du Midlothian.

1880

Député du Midlothian (Édimbourg) ; il le restera jusqu’à sa mort.

1880-1885

Premier ministre et, durant les deux premières années de son ministère, chancelier de l’Échiquier (2e gouvernement Gladstone).

1886

Premier ministre (3e gouvernement Gladstone). Scission des libéraux. Échec du Home Rule.

1886-1892

Leader de l’opposition.

1892-1894

Premier ministre (4e gouvernement Gladstone).

1894

Se retire de la vie politique.

F. B.

➙ Conservateur (parti) / Grande-Bretagne / Irlande / Libéral (parti).

 J. Morley, Life of W. E. Gladstone (Londres, 1903 ; 3 vol.). / J. L. Hammond et M. R. Foot, Gladstone and Liberalism (Londres, 1952). / P. Magnus, Gladstone (Londres, 1954). / J. L. Hammond, Gladstone and the Irish Nation (Londres, 1964). / E. G. Collieu, Gladstone (Londres, 1968).