glacier (suite)
Les vitesses mesurées en surface sont donc très variables d’un glacier à un autre : les glaciers de vallée s’écoulent généralement à une vitesse inférieure à 1 m/j ; mais on a mesuré des vitesses de 75 m/j en Alaska et de 11 m/j dans les Alpes. Les langues glaciaires émises par les inlandsis et qui se terminent dans la mer s’écoulent d’autant plus vite que le détachement d’icebergs crée un appel au vide : celles du Groenland ont une vitesse moyenne de 20 m/j. La vitesse d’écoulement en profondeur est, en revanche, beaucoup moins bien connue. Dans l’ensemble, elle diminue avec la profondeur, mais elle est sujette à variations au voisinage du lit en fonction des irrégularités de celui-ci.
Diverses hypothèses ont été proposées quant aux modalités de cet écoulement, la glace étant considérée tantôt comme un corps visqueux, tantôt comme un corps plastique. En fait, sa viscosité varie avec la température et les contraintes. Dans les inlandsis, les températures très basses accroissent la viscosité, au point que la glace obéit aux lois des corps plastiques ; dans les glaciers tempérés, la viscosité est faible, et ce sont les contraintes qui sont déterminantes : elles varient avec la forme, la pente et la largeur du lit. En régime compressif apparaissent des cisaillements chevauchants, alors qu’en régime extensif se produisent des cisaillements inverses et même, au-delà d’un seuil d’étirement, des crevasses. Cela explique la complexité de la structure des langues glaciaires.
Le mode de glissement de la glace sur son lit est encore bien mal connu. Pour les inlandsis, on en est réduit aux hypothèses : le creusement d’un tunnel près de Thulé a montré que la glace restait soudée à son lit ; mais on pense que la forte pression exercée par le poids de la glace doit provoquer un relèvement de la température près du fond qui faciliterait le glissement, car tous les inlandsis ne sont certainement pas immobiles. Les études sur les glaciers tempérés sont plus nombreuses. On a pu reconnaître trois modes de glissement.
• Le glissement par fonte et regel. À l’amont des petites protubérances, la pression augmente et élève la température ; il en résulte la fusion d’un film d’eau qui facilite le glissement ; à l’aval, la pression diminue et cette eau regèle.
• Le glissement par plasticité. La glace contourne les gros obstacles par une convergence de filets de glace dont la vitesse augmente localement.
• Le glissement par cavitation. Si le lit est rugueux, la glace décolle à l’aval des obstacles en laissant une cavité où s’accumule l’eau de fusion ; elle n’est donc plus en contact avec la roche qu’au sommet des protubérances. Pour une vitesse donnée, le processus par lequel la glace franchit une protubérance est celui qui provoquerait le moindre frottement.
R. L.
V. Romanovsky et A. Cailleux, la Glace et les glaciers (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 3e éd., 1970). / J. Corbel, Neiges et glaciers (A. Colin, 1962). / L. Lliboutry, Traité de glaciologie, t. II (Masson, 1965).