Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

glacier (suite)

Les vitesses mesurées en surface sont donc très variables d’un glacier à un autre : les glaciers de vallée s’écoulent généralement à une vitesse inférieure à 1 m/j ; mais on a mesuré des vitesses de 75 m/j en Alaska et de 11 m/j dans les Alpes. Les langues glaciaires émises par les inlandsis et qui se terminent dans la mer s’écoulent d’autant plus vite que le détachement d’icebergs crée un appel au vide : celles du Groenland ont une vitesse moyenne de 20 m/j. La vitesse d’écoulement en profondeur est, en revanche, beaucoup moins bien connue. Dans l’ensemble, elle diminue avec la profondeur, mais elle est sujette à variations au voisinage du lit en fonction des irrégularités de celui-ci.

Diverses hypothèses ont été proposées quant aux modalités de cet écoulement, la glace étant considérée tantôt comme un corps visqueux, tantôt comme un corps plastique. En fait, sa viscosité varie avec la température et les contraintes. Dans les inlandsis, les températures très basses accroissent la viscosité, au point que la glace obéit aux lois des corps plastiques ; dans les glaciers tempérés, la viscosité est faible, et ce sont les contraintes qui sont déterminantes : elles varient avec la forme, la pente et la largeur du lit. En régime compressif apparaissent des cisaillements chevauchants, alors qu’en régime extensif se produisent des cisaillements inverses et même, au-delà d’un seuil d’étirement, des crevasses. Cela explique la complexité de la structure des langues glaciaires.

Le mode de glissement de la glace sur son lit est encore bien mal connu. Pour les inlandsis, on en est réduit aux hypothèses : le creusement d’un tunnel près de Thulé a montré que la glace restait soudée à son lit ; mais on pense que la forte pression exercée par le poids de la glace doit provoquer un relèvement de la température près du fond qui faciliterait le glissement, car tous les inlandsis ne sont certainement pas immobiles. Les études sur les glaciers tempérés sont plus nombreuses. On a pu reconnaître trois modes de glissement.

• Le glissement par fonte et regel. À l’amont des petites protubérances, la pression augmente et élève la température ; il en résulte la fusion d’un film d’eau qui facilite le glissement ; à l’aval, la pression diminue et cette eau regèle.

• Le glissement par plasticité. La glace contourne les gros obstacles par une convergence de filets de glace dont la vitesse augmente localement.

• Le glissement par cavitation. Si le lit est rugueux, la glace décolle à l’aval des obstacles en laissant une cavité où s’accumule l’eau de fusion ; elle n’est donc plus en contact avec la roche qu’au sommet des protubérances. Pour une vitesse donnée, le processus par lequel la glace franchit une protubérance est celui qui provoquerait le moindre frottement.

R. L.

 V. Romanovsky et A. Cailleux, la Glace et les glaciers (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 3e éd., 1970). / J. Corbel, Neiges et glaciers (A. Colin, 1962). / L. Lliboutry, Traité de glaciologie, t. II (Masson, 1965).

Gladstone (William Ewart)

Homme d’État britannique (Liverpool 1809 - Hawarden, Flintshire, 1898).


Par une évolution exactement inverse de celle de Disraeli*, Gladstone commence sa carrière comme un tory bon teint, qui n’hésite même pas à défendre l’esclavage aux colonies ; au bout de quelques années, il passe du côté libéral, puis ne cesse d’incliner de plus en plus à gauche en adoptant des positions de plus en plus hardies. Faut-il y voir, comme n’ont pas manqué de le faire ses adversaires, la marque de l’opportunisme ? Ou bien a-t-il cédé aux tentations de la démagogie ? Ou pire, est-ce l’effet d’une hypocrisie savamment camouflée derrière de belles déclarations ? En réalité, il est difficile de soupçonner la sincérité personnelle de l’homme. On pourrait plutôt se demander si Gladstone n’est pas resté fondamentalement un tory, soucieux de préserver ce à quoi il tenait le plus, l’équilibre politique, social et religieux de l’Angleterre victorienne, mais, pour un tel objectif, il était prêt à prendre des mesures audacieuses et à abattre indomptablement les obstacles. « Un vrai conservateur des forêts, disait-il, est celui qui sait faire en temps opportun des coupes de bois. »


Jeunesse et débuts politiques (jusqu’à 1846)

Gladstone naît dans une famille de haute bourgeoisie originaire d’Écosse. Son père, sir John Gladstone (1764-1851), s’était installé comme marchand de grains à Liverpool, où il avait amassé par le négoce une fortune considérable. Le jeune William reçoit une éducation soignée : Eton, puis le collège de Christ Church à Oxford. Il se passionne pour les auteurs de l’Antiquité, qu’il continuera de cultiver au milieu des plus hautes fonctions (il publiera plusieurs études sur Homère). Mais Oxford le marque encore plus sur le plan religieux. Avec sa foi profonde, qui ne se démentira pas jusqu’à la fin de sa vie, avec sa piété scrupuleuse, le jeune étudiant trouve dans cette université tout imprégnée de traditions religieuses le modèle de l’alliance à préserver entre la société civile et les institutions de l’Église établie. Sérieux, vertueux, il songe à se faire pasteur anglican, mais son père l’en détourne et le pousse vers la politique.

Une occasion s’offre avec les élections de 1832 : à Newark, « bourg de poche » ayant échappé à la réforme électorale, le tout puissant duc de Newcastle fait élire ce jeune homme doué, qui apparaît comme un espoir du parti tory. Gladstone se présente sur un programme de défense religieuse et politique qu’il va défendre avec éloquence au Parlement. Pendant plusieurs années (mis à part un bref épisode en 1834-35, où il fait connaissance avec le pouvoir en tant que sous-secrétaire d’État dans un éphémère gouvernement Peel*), il se retrouve dans l’opposition et dénonce régulièrement les dangers des réformes menées par les whigs. En 1839, il se marie avec Catherine Glynne : c’est le début d’une vie familiale paisible et heureuse. Avec les élections de 1841, favorables aux conservateurs. Peel, devenu Premier ministre, offre à Gladstone le ministère du Commerce (1843-1845), puis celui des Colonies (1845-46). La question capitale est alors celle du maintien ou de l’abolition des lois sur les blés (corn laws). Comme Peel, Gladstone se convainc peu à peu que le libre-échange représente la solution de l’avenir : non sans luttes furieuses, la mesure est introduite en 1846. C’est un tournant pour Gladstone.